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Une Viviane Reding très à cheval sur le respect des droits fondamentaux, des droits des citoyens, du droit européen et de la méthode communautaire a présenté un bilan 2011 émaillé de prises de positions fortes sur l’actualité houleuse de l’UE 2012
13-01-2012


Viviane Reding, le 13 janvier 2012 à LuxembourgViviane Reding, vice-présidente de la Commission européenne et commissaire en charge de la justice et des droits fondamentaux, est venue le 13 janvier 2012 rendre compte de son bilan 2011 et évoquer ses projets pour 2012 devant la presse luxembourgeoise. Elle a profité de cette rencontre à la Maison de l’Europe pour s’exprimer également sur quelques dossiers d’actualité, comme la négociation du paquet budgétaire et la situation en Hongrie.

La Commission peut agir sur la discipline budgétaire sans pacte budgétaire : la preuve

Le paquet budgétaire décidé lors du Conseil européen des 8 et 9 décembre 2011, un pacte censé renforcer la discipline au sein de la zone euro, en instaurant notamment une règle d'or sur le retour à l'équilibre des comptes publics, et qui est en train d’être négocié ne constitue ainsi rien de nouveau pour elle. Il viendra seulement renforcer les mesures qui sont d’ores et déjà entrées en vigueur avec le semestre européen et les règles du six-pack. "La Commission peut tout à fait travailler sans ce paquet", a affirmé la commissaire. Preuve en est pour Viviane Reding la procédure pour déficit excessif que la Commission, "qui a les choses en mains", a lancée le 11 janvier 2012 contre cinq Etats membres, dont quatre ont d’ores et déjà obtempérés, à l’exception de la Hongrie, dont le budget est "hors contrôle" et qui risque d’être sanctionnée, si elle ne prend pas des mesures adaptées, ce qui se traduirait en 2013 par une réduction substantielle des fonds structurels qui lui sont destinés.

La Hongrie pose problème

Commentant la situation en Hongrie, la commissaire a déclaré qu’il "arrive à tout Etat membre de commettre une bêtise, mais quand les bêtises sont systématiques, où allons-nous ?", s’est-elle exclamée. Elle a expliqué comment elle et ses services ont suivi depuis des mois en Hongrie l’élaboration de la nouvelle Constitution et des lois cardinales qui la mettent en œuvre. Elle a prévenu les Hongrois que les lois envisagées n’étaient pas conformes au droit et aux valeurs européennes et leur a adressé une lettre conséquente en décembre 2011. Malgré tout cela, les Hongrois sont passés à l’acte. Maintenant, la Commission a mis en garde le gouvernement magyar sur trois points : l’indépendance de la banque centrale, du système judiciaire et de l’autorité nationale de protection des données et est sur le point de prendre une décision sur une mise en demeure le mardi 17 janvier 2012 et d’aller devant la CJUE. "La balle est dans le camp de la Hongrie" à qui il reste à retirer ses lois ou à les amender, pense la commissaire.

Les alliés de Viviane Reding dans l’affaire hongroise

Viviane Reding est aussi contente des alliés sur lesquels la Commission peut compter. Elle a cité le président de la BCE, Mario Draghi, qui a déclaré que son institution était "vraiment très préoccupée" par la réforme de la constitution décidée en Hongrie, et la menace qu’elle faisait peser sur l’indépendance de la banque centrale magyare.

Elle a aussi cité le Conseil de l’Europe, pour qui les modifications de la législation menacent la démocratie et les droits de l’homme. Le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe, Thorbjørn Jagland, a en effet réagi à la récente évolution législative et constitutionnelle en Hongrie et écrit avec une lettre au ministre hongrois des Affaires étrangères János Martonyi. Pour le Commissaire aux droits de l’homme, Thomas Hammarberg, "la Hongrie a apporté des modifications majeures à sa législation après une consultation publique minimale et sans prendre suffisamment en compte les principes essentiels des droits de l'homme." Ce dernier met en exergue "des décisions récentes portant atteinte à l’indépendance du pouvoir judiciaire, à la liberté d’expression et à la liberté de religion" qui "suscitent de vives inquiétudes", notamment la nouvelle loi sur le droit à la liberté de conscience et de religion, qui prive selon le Conseil de l’Europe de nombreuses confessions religieuses de leur statut d’Eglise. Pour le Secrétaire général du Conseil de l’Europe Jagland, l’appartenance de la Hongrie au Conseil de l’Europe n’implique pas seulement le respect des droits de l’homme, de l’état de droit et de la démocratie dans le processus législatif et dans les résultats de ce dernier, mais aussi le respect des principes sous-jacents de la démocratie, comme la séparation des pouvoirs, garanti par le bon fonctionnement d'institutions indépendantes. Il a lui suggéré que les différents textes législatifs adoptés récemment en application de la nouvelle constitution soient analysés en détail par des experts compétents du Conseil de l’Europe, c’est-à-dire par la Commission de Venise.

Un débat animé sur les lois hongroises controversées a aussi eu lieu le 12 janvier en commission des libertés civiles (LIBE) du Parlement européen

Tous Etats membres ne rechignent pas à se mettre au diapason du droit européen

Viviane Reding a rappelé au sujet de la non-conformité de lois d’Etats membres avec la législation de l’UE que le différend de l’été 2010 entre la Commission et la France au sujet des Roms avait révélé que la législation française n’était pas conforme avec la législation européenne sur la libre circulation des personnes, dans la mesure où elle rendait possible des expulsions collectives, alors que de telles expulsions ne peuvent être opérées qu’après examen individuel de chaque dossier. Au-delà de la polémique entre Viviane Reding et le gouvernement français, la France avait changé sa législation pour la rendre conforme au droit européen. La Commission avait profité de la controverse pour analyser les législations dans tous les Etats membres et décelé d’autres non-conformités dans divers Etats membres, "des questions qui ont depuis été résolues à 90 %", a précisé non sans malice la commissaire.

Le Luxembourg et les Roms : le Grand-Duché "a encore le temps de bien faire"

La veille, un des porte-parole de Viviane Reding avait expliqué à Bruxelles que douze Etats membres n’avaient pas encore fait parvenir à la Commission leur plan d’action national sur les Roms, notamment pour permettre à cette population d’avoir un accès mieux garanti au logement, à l’éducation et à la santé, et cela malgré leur engagement lors du Conseil européen de juin 2011. Le Luxembourg fait partie de ces douze pays, avait constaté le porte-parole de la commissaire, qui a confirmé ses déclarations, espérant que le Luxembourg le fera d’ici avril. Car fin avril, Viviane Reding se rendra devant le Parlement européen avec son analyse de la situation. Bref, "les pays retardataires ont le temps encore de bien faire". Ce qui importe le plus à la commissaire, c’est que la jeune génération de Roms intègre les systèmes d’éducation, afin de ne pas rester sur la touche dans tous les domaines par manque de formation. "Il y a probablement plus de problèmes avec les Roms en Roumanie qu’au Luxembourg, mais il faut les résoudre quand même", a-t-elle conclu ce sujet.

Autres sujets à controverse

La taxe sur les transactions financières (TTF), que la Commission aimerait voire introduite comme ressource propre, provoque "une cacophonie entre les Etats membres", admet la commissaire. Mais, a-t-elle rappelé, 4,6 billions d’euros ont été rassemblés ces dernières années par les citoyens pour sauver les banques. "Par quoi les banques ont-elles reconnu cet effort ? Où est le retour de reconnaissance ?", a-t-elle demandé, en ajoutant que "la crise va nous occuper encore longtemps".

La décision du Luxembourg d’appliquer aux e-books le même taux de TVA réduit de 3 % que celui appliqué aux livres imprimés a déclenché un débat dans l’UE. Viviane Reding a déclaré qu’en ce moment, tout ce qui touche à la TVA est analysé par la Commission, "car on ne s’y retrouve plus" avec les taux normaux, les taux exceptionnels, les taux réduits, etc.  Sa collègue Neelie Kroes et elle-même sont personnellement convaincues qu’un livre est un livre, qu’il circule en copie papier ou électronique. Une question similaire se pose sur l’équivalence de la musique qui circule sur support CD ou diffusée de manière immatérielle. Un même taux devrait donc s’appliquer. Mais cette question soulève à l’ère de l’Internet une question qui touche à la structure même de la TVA. Mais les pratiques réelles ont changé, et il faudrait donc adapter la TVA à l’ère de l’Internet.

Quant aux droits d’auteur dans ce nouveau contexte, le commissaire Michel Barnier devrait venir au cours de 2012 avec une nouvelle proposition. A ce propos, la commissaire a relevé que dans ce domaine, cela bouge aussi aux USA, des USA qui n’ont selon elle plus autant tendance à vouloir dicter leur loi à l’UE, mais à discuter et à coopérer de manière plus ouverte.         

Finalement, les textes actuellement en vigueur ou en cours d'élaboration sur la conservation des données de télécommunications électroniques pour des raisons de sécurité ne sont plus vraiment conformes avec la Charte des droits fondamentaux selon Viviane Reding. Tout ce domaine pose selon elle problème depuis qu’il a été transféré des ministres en charge des télécoms aux ministres de l’Intérieur. Il faudra donc revoir la question sous l’angle du nouveau droit européen, tout en cherchant l’équilibre entre les droits de la personne individuelle et la sécurité collective.

Viviane Reding : le bilan

La commissaire a participé en 2012 à toutes les réunions de la Commission, sauf une, en a présidé sept. Elle a répondu à 733 questions parlementaires par écrit, à 58 autres oralement au cours de 12 sessions plénières du Parlement européen. Elle a participé à 21 réunions avec des commissions de travail du PE, à seize réunions du Conseil, rencontré sept parlements nationaux, effectué 58 missions dans des Etats membres, géré 184 procédures d’infraction, donc 96 qui ont été menées à bonne fin, prononcé 81 discours et donné une vingtaine de conférences de presse, sans parler de 119 communiqués de presse et de 152 interviews. Elle n’a pas chômé, et surtout, pense la commissaire, qui dit ne "pas avoir du tout la flemme" et aimer ce qu’elle fait.

Viviane Reding a ainsi rappelé ses initiatives sur le droit des contrats européen pour les opérations commerciales transfrontalières dans un marché unique où le commerce électronique transfrontalier ne constitue que 7 % du volume de l’e-commerce, un droit des contrats qu’elle voudrait étendre aux assurances.

En matière de justice, elle a évoqué ses initiatives pour une meilleure protection des victimes de la criminalité dans l'UE, sur la garantie des droits des suspects de parler à un avocat et d'informer leur famille de leur arrestation sur tout le territoire de l’UE, l’accord au Conseil en juin 2011 sur le règlement concernant les successions transfrontalières proposé en octobre 2009 par la Commission, sa dernière initiative pour renforcer le droit à la protection consulaire des millions d'Européens voyageant ou résidant dans un pays tiers, sa proposition pour faire la clarté sur les droits patrimoniaux des 16 millions de couples internationaux en Europe en cas de divorce ou de décès, l’adoption par le Conseil en octobre 2011 de la nouvelle directive sur la protection des consommateurs, "une réelle avancée législative" selon Viviane Reding et la stratégie de la Commission pour la protection des données qui devrait renforcer les règles en la matière.

Elle a conclu son bilan par un sujet qui lui tient profondément à cœur : l’accroissement de la présence des femmes dans les conseils d’administration et les instances dirigeantes des entreprises. Elles ne sont que 12 % dans l’UE, 4 % au Luxembourg, une des lanternes rouges. Tout cela nuit à l’économie en la privant du potentiel des femmes qui constituent 60 % des diplômés universitaires et 80 % des responsables des achats.