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Economie, finances et monnaie - Emploi et politique sociale
La Commission publie son Livre blanc avec des propositions de réforme des systèmes de retraite qui déclenchent un feu de barrage syndical
16-02-2012


Le Livre blanc de la Commission européenne approuvé et présenté le 16 février 2012 "pour des pensions adéquates, sûres et soutenables" ouvre un débat sur les pistes de réformes en vue d'assurer un meilleur équilibre entre la durée de la vie professionnelle et la durée des  retraites, et pour tenter d'harmoniser les pratiques parmi les 27 Etats membres de l'UE. Il envisage la portabilité des pensions d'un pays à l'autre à travers une  législation adéquate et en créant un service consacré à la reconstitution complète des carrières et des cotisations de retraite dans l'ensemble de l'Europe.

Le contexte dans lequel ce Livre blanc est publié, la Commission le décrit de la manière suivante: "Les pensions de retraite sont d’ores et déjà la principale source de revenu d’environ un quart de la population de l’Union et elles le deviendront à terme pour de nombreux autres Européens plus jeunes. Si l’Europe ne parvient pas à garantir, aujourd’hui comme demain, des pensions décentes, des millions de personnes âgées connaîtront la pauvreté. L’Europe vieillit aussi parce ses citoyens vivent plus longtemps et ont moins d’enfants qu’auparavant, et dès 2013, la population active de l’Union commencera à se réduire. Les retraites, quant à elles, pèsent de plus en plus sur les budgets nationaux, d’autant plus que ceux-ci sont sous la pression de la crise financière et économique."

Le Livre Blanc propose toute une série d’initiatives visant à aider à créer les conditions qui permettront à ceux qui en sont capables de continuer à travailler – ce qui conduira à un rapport plus équilibré entre la durée de la vie professionnelle et celle de la retraite –, à garantir aux personnes qui s’installent dans un autre pays la conservation de leurs droits à pension, à favoriser l’épargne individuelle et à veiller à ce que les régimes de retraite respectent leurs engagements et versent aux retraités les pensions prévues.

A signaler que la Commission européenne n'a aucun pouvoir pour légiférer sur les systèmes de retraite, qui est une compétence des gouvernements, et sur l'âge de départ à la retraite. Elle peut en revanche s'appuyer sur plusieurs règles européennes pour éviter les pratiques abusives, les discriminations et les entraves. Elle a également à sa disposition des fonds sociaux et travaille à une réglementation pour les fonds de pension privés. Mais dans le cadre des examens annuels de croissance et des déséquilibres macroéconomiques ainsi que de la stratégie Europe 2020, la Commission peut faire des recommandations qui ont un poids certain. 

En conséquence, le Livre blanc, qui coïncide par ailleurs avec l’Année européenne du vieillissement actif et de la solidarité intergénérationnelle (2012), est selon la Commission fondé sur les résultats d’une vaste consultation lancée en juillet 2010. Il couvre différents domaines d’action et est pleinement en phase avec l’examen annuel de la croissance 2012 réalisé par la Commission.

La stratégie européenne proposée dans le Livre blanc accompagnera et complétera les réformes des retraites nationales.

Le Livre blanc propose, notamment:

  • de créer de meilleures possibilités pour les travailleurs âgés sur le marché du travail en invitant les partenaires sociaux à adapter les pratiques sur le lieu de travail et le marché du travail et en utilisant le Fonds social européen pour maintenir les travailleurs âgés dans la vie active. Permettre aux personnes de travailler plus longtemps est une priorité de l’Année européenne du vieillissement actif et de la solidarité intergénérationnelle (2012);
  • de développer les régimes de retraite complémentaires privés en encourageant les partenaires sociaux à en créer et en encourageant les États membres à améliorer les mesures d’incitation, fiscales ou autres;
  • de rendre les régimes de retraite complémentaires plus sûrs, notamment par la révision de la directive sur les institutions de retraite professionnelle et par l’amélioration de l’information des consommateurs;
  • de rendre les retraites complémentaires compatibles avec la mobilité, par des instruments législatifs préservant les droits à pension des travailleurs mobiles et par l’encouragement à la création de services de suivi des pensions de retraite dans l’ensemble de l’Union. Ces services peuvent fournir aux citoyens des informations sur leurs droits à pension et des prévisions des revenus qu’ils percevront à la retraite;
  • d’encourager les États membres à favoriser l’allongement de la vie professionnelle en adaptant l’âge de départ à la retraite à l’espérance de vie, en limitant l’accès aux possibilités de retraite anticipée et en supprimant les disparités entre les sexes en matière de retraite;
  • de continuer à veiller à ce que les pensions de retraite soient adéquates, viables et sûres et d’accompagner les réformes des retraites menées par les États membres.

Quelques chiffres de la Commission

La proportion des retraités dans la population de l’Union est considérable et augmente rapidement (120 millions, soit 24 %), avant tout parce que la génération du baby-boom atteint l’âge de la retraite et que le nombre de personnes dans la tranche d’âge la plus active diminue. En 2008, on comptait dans l’Union quatre personnes en âge de travailler (entre 15 et 64 ans) pour une personne d’au moins 65 ans; d’ici à 2060, on n’en comptera plus que deux pour une. La crise économique aggrave les effets du vieillissement de la population. Les pensions de retraite représentent déjà une part très importante des dépenses publiques: 10 % du PIB en moyenne aujourd’hui, un pourcentage qui pourrait atteindre 12,5 % en 2060. Les dépenses des régimes de retraite publics vont actuellement de 6 % du PIB en Irlande à 15 % en Italie, ce qui signifie que les États membres se trouvent dans des situations assez différentes bien qu’ils soient confrontés à des défis démographiques similaires. Tandis que la crise met à mal les régimes de retraite par répartition du fait de la baisse de l’emploi et, donc, des cotisations de retraite, les régimes par capitalisation pâtissent de la perte de valeur et de rendement des actifs.

Le Luxembourg dans le Livre Blanc

En 2011, seize États membres, dont le Luxembourg, ont reçu des recommandations spécifiques en matière de retraite et cinq autres se sont engagés à réaliser des réformes en la matière dans le cadre de leur protocole d’accord.

Au Luxembourg, la Commission a recommandé de proposer et mettre en œuvre une vaste réforme du système de retraite afin d'en garantir la viabilité à long terme, en commençant par des mesures de nature à accroître le taux de participation des travailleurs plus âgés, notamment en décourageant les départs anticipés à la retraite. Afin d'augmenter l'âge effectif du départ à la retraite, des mesures telles que la liaison de l'âge légal de départ à la retraite à l'espérance de vie pourraient être envisagées.

Le programme national de réforme, souligne le Livre Blanc, esquisse les principaux éléments d’un projet de réforme. Des discussions préparatoires sont en cours entre le gouvernement et les partenaires sociaux. Le droit à des prestations de retraite majorées sera plus limité. Les bénéficiaires doivent avoir atteint l’âge de 60 ans (au lieu de 55) et pouvoir justifier de 40 années (au lieu de 38) de cotisations de retraite.

Dans le cadre du Pacte Euro plus, le gouvernement luxembourgeois s’est engagé à finaliser la réforme qui a été présentée le 2 février 2011 .

Un groupe de travail sur les retraites, dont les travaux sont confidentiels, a été créé; l’objectif est également d’établir un plan d’activation pour les travailleurs plus âgés, comprenant des recommandations avec des exemples de bonnes pratiques.

Réaction négative des syndicats européens

Les syndicats ont réagi très négativement. La Confédération européenne des syndicats (CES) a dénoncé "une réponse décevante et insuffisante à l'inquiétude des retraités et futurs retraités".

Pour la Confédération européenne des syndicats (CES), les propositions contenues dans le Livre Blanc – et qui, pour l’essentiel, consistent en des études, des recherches, des "soutiens" aux Etats membres pour entreprendre des réformes- "ne sont ni à la hauteur des défis à relever pour disposer de systèmes de pension qui répondent aux attentes et surtout aux besoins des retraités et futurs retraités, ni à la hauteur des objectifs suggérés dans le titre".

Pour la CES, "l’analyse développée dans le Livre blanc met surtout en évidence le poids croissant des dépenses liées aux pensions". Deux réponses insistantes prévalent selon les syndicats : "l’augmentation de l’âge de la pension dans les systèmes publics de retraite – sans prendre en compte la pénibilité de certaines professions et le fait que les salariés les plus âgés – 50% au niveau européen - n’atteignent même pas, aujourd’hui, l’âge légal de la pension", et "le développement des pensions privées, qui ne prend en compte ni les conséquences de la crise financière qui affecte les réserves de ces fonds et qui, donc, ampute singulièrement le revenu des retraités concernés, ni la réalité qui fait qu’avec la dégradation de l’emploi, les salariés n’ont plus les moyens de souscrire à de tels régimes."

Claudia Menne, Secrétaire confédérale de la CES a déclaré : "La CES déplore que rien ne soit dit sur la manière de renforcer les systèmes publics de pension, qui, fondés sur la solidarité inter et intra générationnelle, sont les plus à même de garantir le revenu des retraités. Pour la CES, ce renforcement passe par l’augmentation de leurs ressources, c’est-à-dire par la priorité donnée aux investissements favorisant la croissance, au développement de l’emploi de qualité, c’est-à-dire non précaires, et des salaires 'adéquats'."