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Migration et asile - Emploi et politique sociale
René Kneip, directeur social à Caritas accueil et solidarité, attire l’attention des autorités nationales et européennes sur la détresse des travailleurs précaires de l’Union devenus sans-abris dans un autre Etat membre
07-02-2012


Le 31 janvier 2012, le ministre du Travail, Nicolas Schmit avait violemment dénoncé les employeurs qui proposent des contrats de très courte durée à des salariés venant de pays en crise de l’UE, pour les renvoyer ensuite, privés de droits sociaux, dans une situation encore plus précaire que celles qu’ils ont quittée. Il avait d’ailleurs suscité des réactions de la part de la Fédération des artisans et de l’ASTI. Nombre de ces personnes sont devenus des sans-abris, et en hiver, surtout quand il se fait aussi rude qu’en ce début de février, leur situation devient dramatique.

René Kneip, directeur social de Caritas accueil et solidarité, ancien président de la FEANTSARené Kneip, le directeur social à Caritas accueil et solidarité, qui a aussi été de longues années durant le président de la Fédération Européenne des Associations Nationales Travaillant avec les Sans-Abri (FEANTSA), qui regroupe des a.s.b.l. participant ou contribuant à la lutte contre l’exclusion liée au logement en Europe, et qui est le seul grand réseau européen qui se concentre exclusivement sur le sans-abrisme au niveau européen, a lui aussi relevé ces derniers jours dans les médias les problèmes urgents, mais aussi structurels, posés par ces personnes en détresse sociale. Surtout qu’avec la crise, le phénomène des sans-abris ressortissants d’autres Etats membres s’amplifie depuis 2011.   

Théoriquement, explique-t-il, aucune structure d’accueil subventionnée par de l’argent public n’est censée recevoir ces sans-abris européens sans droits sociaux dans les autres Etats membres où ils se trouvent. Du printemps à l’automne, ces personnes se débrouillent, dorment dans des voitures, passent la nuit chez des amis. Mais quand l’hiver se fait rude, cela ne marche plus.

Au Luxembourg, la Wanteraktioun permet aux structures d’accueil luxembourgeoises d’offrir depuis 10 ans à ces personnes un abri pour la nuit, afin que personne ne soit obligé de dormir dehors. Reste que les personnes sans abri venant d’autres Etats membres de l’UE deviennent de plus en plus nombreuses au Luxembourg. Il y a les Portugais que la crise pousse à accepter des emplois précaires, une chose légale en soi, même si le résultat social est douteux. Il y a aussi de nombreux Maghrébins qui ne trouvent plus d’emploi dans l’industrie fruitière et maraîchère de l’Espagne en crise et qui ont pris les routes du Nord de l’Europe. Selon René Kneip, 270 à 300 personnes qui se trouvent dans une telle situation ont été recensées au Luxembourg. 

Mais le Luxembourg n’est pas le seul pays touché. Il y a le cas bien connu des Polonais en Irlande, et le scénario de leurs trajectoires n’est pas bien différent de celui de nombreux nouveaux arrivants portugais au Luxembourg : des travailleurs au chômage dans un pays de l’UE en crise s’expatrient dans un autre Etat membre, dont ils espèrent beaucoup, sont assez rapidement licenciés, et quand ils arrivent en fin de droits ou n’ont même pas de droits sociaux acquis dans l’autre pays de l’UE où ils séjournent, ils deviennent souvent des sans-abris. Car ils n’envisagent pas le rapatriement dans le pays d’origine qui est à leurs yeux responsable et obtempèrent rarement à l’injonction qui leur est faite par des organismes sociaux de prendre contact avec leur ambassade. René Kneip insiste ici sur le fait que la libre circulation des personnes n’est pas en cause dans cette recommandation de se faire rapatrier, car cette liberté de circulation des personnes est explicitement liée à la capacité de la personne qui en use de pouvoir subvenir à ses propres besoins.

FEANTSA,-logoRené Kneip ne cesse depuis une dizaine d’années d’attirer l’attention des autorités nationales et européennes sur ce phénomène des sans-abris qui sont des ressortissants de l’Union européenne. Pour lui, l’Europe doit réagir, car il s’agit d’un phénomène européen. La FEANTSA s’apprête à faire des propositions, comme celle d’une possible indemnisation des pays d’accueil par les pays d’origine. Mais cela n’est pas sans poser des problèmes chez ces derniers.