Principaux portails publics  |     | 

Economie, finances et monnaie - Fiscalité
Les accords Rubik conclus par la Suisse avec l'Allemagne et le Royaume-Uni "ne représentent qu'un pas vers l'échange automatique d'informations"
08-03-2012


Le 8 mars 2012, à l'invitation de la Faculté de droit, d'économie et de Finance de l'université du Luxembourg, Jean-Frédéric Maraia tenait  une conférence au sujet des accords fiscaux dits Rubik conclus par la Suisse, avec l'Allemagne le 21 septembre et avec le Royaume Uni le 6 octobre. Cet associé de l’étude Schellenberg Wittmer et directeur du cursus d'études fiscales de l'université de Genève, s'interroge sur la possibilité que ces mécanismes puissent constituer une "alternative durable" à l'échange automatique d'informations.

Ces accords entendent garantir à la fois le prélèvement de l'impôt sur les avoirs détenus en Suisse tout en préservant le secret bancaire. Ils actent une concession supplémentaire de la Suisse dans le débat sur le principe de l'échange automatique d'informations au cœur de la directive sur la fiscalité de l'épargne. Depuis 2004, les rapports entre la Suisse et l'Union européenne sur ce point sont régis par un accord sur la fiscalité des revenus de l'épargne sous forme de paiements d'intérêts. Il prévoit pour l'heure non pas un échange automatique d'informations mais une retenue à la source et une conservation de l’anonymat. C'est aussi sur ce modèle que le Luxembourg et l'Autriche opèrent durant une période dérogatoire pour l'application de la directive sur la fiscalité des revenus de l'épargne.

Longtemps émettrice d'"une réserve" par rapport à l'article 26 du modèle OCDE qui constitue la norme pourjean-frederic-maraia l’échange bilatéral de renseignements à des fins fiscales, dont elle limitait la levée à la bonne application des conventions de non double imposition (CDI), la Confédération helvétique a changé d'approche à la suite de la pression qu'elle a subie depuis l'éclatement de la crise financière. Elle a dans un premier temps accepté l'échange d'informations en cas de fraude, d'abord avec les Etats-Unis puis avec des Etats européens. En suite, le conseil fédéral suisse a fait un pas supplémentaire le 13 mars 2009, sous la pression du G20, en décidant  que le pays allait modifier ses conventions pour intégrer l'article 26 du modèle OCDE et ainsi appliquer une "entraide large".

La mise en œuvre de cette décision allait finalement être accompagnée parallèlement par le développement du projet Rubik. Le concept Rubik parie sur un modèle d'impôt libératoire pour protéger la sphère privée des clients des banques et maintenir l'anonymat. Concrétisé en décembre 2009 par l'association suisse des banquiers, il est inspiré de l'accord sur l'épargne dans son mécanisme de prélèvement.

Deux ans plus tard, au courant de l'automne 2011, les accords avec l'Allemagne et le Royaume Uni étaient paraphés. Leur application n'est toutefois pas encore acquise. "Ce sont des accords pour lesquels on s'attend un jour à une application concrète et puis le jour d'après on a un peu l'impression que ces accords vont passer à l'oubliette", prévenait ainsi Jean-Frédéric Maraia en préambule à son intervention.

Tant la possibilité qu'ont les Etats membres de l'UE de conclure un tel traité que la dimension contre-productive d’une telle démarche par rapport à l'instauration de l’échange automatique d'informations visé par la Commission, ont déplu à cette dernière. Dans une lettre du 5 mars 2012, le Commissaire a ainsi rappelé à l'ordre les Etats membres dont certains seraient attirées par la conclusion de tels accords avec la Suisse.

Les principes des accords Rubik

Dans un premier temps, Jean-Frédéric Maraia s'est attaché à décrire les termes des accords Rubik, qui doivent leur nom au jeu casse-tête, auquel leur architecte, l'ancien directeur de la banque BSI, Alfredo Gysi, s'adonnait fidèlement durant leur conception.

Ces accords se caractérisent d'abord par deux dimensions centrales, la régularisation du passé et l'imposition pour le futur, qui doivent permettre de pacifier les relations avec les Etats signataires désireux de recouvrir les impôts sur les avoirs détenus en Suisse par leurs contribuables.

La régularisation du passé

"L'idée de l'accord Rubik est de dire qu'on va offrir un moyen aux contribuables de payer l'impôt qu'il devrait sur les dix dernières années mais cela de façon anonyme", explique l'expert. La "régularisation du passé" permet ainsi de s'acquitter de ses devoirs antérieurs "avec la garantie qu'il n'y aura ni amende, ni pénalité".

Pour pouvoir recourir à cette clause de l'accord, le citoyen doit résider au 30 décembre 2010 en Allemagne ou au Royaume-Uni et disposer d'avoirs placés auprès d'un agent payeur en Suisse entre le 31 décembre 2010 et le 31 mai 2013 (dans l'hypothèse d'une entrée en  vigueur de ces accords le 1er janvier 2013). Ces avoirs regroupent tous les comptes en espèces, métaux précieux, valeurs mobilières, actions, etc… Les biens meubles et immobiliers ou encore les contenus de coffres-forts en sont par contre exclus. Ces avoirs seraient imposés à un taux oscillant entre 19 % et 34 % en fonction de la durée de l'investissement et de son montant. L'accord vise d'ailleurs également des personnes physiques bénéficiaires effectifs d'avoirs détenus par une société de domicile, une société d'assurance vie ou une autre personne physique. "Ce sont des dispositions assez larges qui visent à éviter des éventuels abus par le fait qu'on pourrait intercaler entre le compte bancaire suisse et le bénéficiaire effectif une société de domicile. "

Du côté des agents payeurs concernés, l'accord ne concerne que ceux qui sont suisses. Les filiales de banques suisses à l'étranger et succursales étrangères de banques suisses en sont donc exclues. Par contre, les banques, les négociants en valeur mobilière, les personnes physiques et morales (résidant ou établis en Suisse) et "les sociétés de personnes et les établissements stables de sociétés étrangères qui, à titre régulier, acceptent, détiennent, investissent, transfèrent les avoirs de tiers, paient les revenus, ou en attribuent le paiement dans le cadre de leur activité" doivent ainsi s'y soumettre. C'est un contenu "extrêmement large", fait remarquer Jean-Frédéric Maraia, puisque plusieurs catégories de personnes tels que les directeurs de fonds, gérants de fortune voire des notaires peuvent être concernés. Dès lors qu'un agent payeur rentre dans une de ces catégories, il a l'obligation de s'annoncer spontanément auprès de l'Administration fédérale des contributions pour remplir ses obligations.

Une période transitoire

Une période transitoire de cinq mois commençant à la date de l'entrée en vigueur de l'accord serait observée (le 31 mai 2013 selon l'hypothèse d'une entrée en vigueur le 1er janvier 2013). Durant cette période il est loisible au détenteur d'avoirs de clôturer son compte. Un contribuable qui a un compte ouvert au 31 décembre 2010 et qui ne souhaite pas être soumis à la régularisation du passé peut donc décider de transférer ses avoirs. Les conséquences d'une telle option, notamment en termes de fuite de capitaux, sont envisagées. "C'est clairement le jeu de cette disposition", explique l'expert.

Les banques pourraient être tentées de la contourner. Ce serait toutefois pour Jean-Frédéric Maraia un mauvais calcul : "Le point de vue des banques est délicat car lorsqu'elles font face à leurs clients qui leur posent des questions sur un mécanisme relativement complexe, certaines peuvent commencer à imaginer des schémas de sortie d'argent avant et de retour après le 31 mai 2013. Ce sont des schémas extrêmement risqués du point de vue des banques qui ont un devoir de ne pas recommander des structures qui pourraient mettre en péril l'application de cet accord". De surcroît, si l'argent est simplement transféré auprès d'un autre agent payeur en Suisse durant cette période, le nouvel agent payeur aura la possibilité de savoir ce qui s'est passé avant et donc de remplir ses obligations.

A partir du 31 décembre 2010, les contribuables peuvent également soit ajouter de l'argent soit en retirer. S'ils décident de sortir une partie, le montant soumis au paiement pour le passé réduira en conséquence. S'ils ajoutent des montants, ceux-ci augmenteront la part de montant non déclarée qui pourra bénéficier de cette régularisation pour le passé. L'accord garantit toutefois qu'elle  ne puisse porter que sur 120 % des montants que l'on trouve sur les comptes en Suisse au 31 décembre 2010.

"Le contribuable finalement a le choix" entre l'anonymat et la déclaration volontaire

Pour la régularisation du passé, le contribuable a le choix. Il peut opter pour un paiement unique. Dans ce cas, il laisse l'agent payeur prélever cet argent. Il reste donc anonyme dans le premier cas. C'est "tout l'intérêt de cet accord ", relève Jean-Frédéric Maraia. Ce paiement unique éteint aussi bien la créance fiscale que les intérêts et pénalités. "Le contribuable dans ce cas là sera entièrement blanchi pour les impôts mentionnés sur ce document, notamment l'impôt sur le revenu."

Le contribuable peut opter pour une déclaration volontaire et donc de se soumettre au régime de transparence semblable à celui auquel il serait confronté dans son propre pays. Cette déclaration volontaire équivaut dans son pays à une "dénonciation spontanée" avec l'application des taux ordinaires. Le contribuable fournit son identité et tous les documents nécessaires au recouvrement de l'impôt.

L'imposition pour le futur

Après avoir réglé la question du passé, les accords Rubik tentent de créer un mécanisme pour le futur qui satisfasse les signataires. Celui-ci repose sur l'impôt libératoire à la source. C'est ainsi l'application d'un impôt à la source sur une formule ressemblant à celle retenue par l'accord sur la fiscalité de l'épargne qui lie la Suisse à l'Union européenne. "Aveugle" et "anonyme", il permet d'acquitter les impôts sur les différents revenus visés par l'accord Rubik et "de libérer le contribuable de ses devoirs vis-à-vis du fisc".

C'est l'agent payeur qui a la charge du prélèvement et du paiement. Les revenus concernés sont "définis de manière assez large", englobant les intérêts, dividendes et autres revenus quand l'accord sur l'épargne avec l'UE concerne uniquement les intérêts.

Des taux plus favorables

Le paiement de cet impôt revêt un caractère obligatoire. Les accords Rubik définissent les taux d'imposition qui ne peuvent être modifiés qu'en fonction des changements en  droit interne des deux pays contractants.

Le contribuable allemand est alors soumis à un taux unique qui s'élève à 26,375 % qui maintient une différence notable avec le taux de 35 % en vigueur dans son pays. Pour les contribuables du Royaume-Uni, la hauteur du prélèvement dépend des revenus et s'élève à 48 % des intérêts, 40 % des dividendes et 27 % des gains en capital. L'agent payeur est chargé de définir chaque type de revenus.

Pour régler tout problème de surimposition, de coordination entre cet impôt libératoire à la source et d'autres impôts prélevés à la source tels l'impôt anticipé qui vise les intérêts d'avoirs en banque, Rubik prévoit un mécanisme d'imputation de l'impôt.

Le contribuable peut aussi opter pour la procédure de déclaration volontaire. Il devra alors donner son autorisation, les infos seront transmises par l'agent payeur à l'administration fédérale des contributions, laquelle transfèrera les infos à l'autorité compétente étrangère.

Des accords donnant-donnant

Les Etats contractants trouvent "la possibilité d'obtenir des impôts sur ces comptes non déclarés". D'ailleurs, les accords Rubik prévoient le paiement d'un acompte par les agents payeurs suisses. Il s'élève à 2 milliards d'euros en faveur de l'Allemagne (pour une somme d'avoirs estimée à 210 milliards de francs suisses), à 500 millions à l'adresse du Royaume-Uni.

La Suisse est aussi tenue, dans un délai d'un an, de donner à travers ses agents payeurs la liste des dix principaux Etats vers lesquels les contribuables ont transféré leur argent au départ de la Suisse mais aussi le nombre de ces contribuables.

Les avantages pour la Suisse

Au-delà de la conservation de l'anonymat des contribuables étrangers, la Suisse obtient en contrepartie une "décriminalisation des collaborateurs en Suisse" et une non-utilisation des données bancaires qui seraient obtenues illicitement. Jean-Frédéric Maraia souligne sur ce dernier point que les données obtenues auprès de banques suisses sont mentionnées, mais par contre pas celles qui pourraient avoir été récupérées illicitement auprès des banques étrangères.

Les fournisseurs suisses de services financiers obtiennent de surcroît des facilités d'accès aux marchés allemand et britannique. La Suisse s'attend à ce que les deux Etats s'abstiennent de déroger de manière unilatérale à ces accords ou bien de se tourner contre la Suisse éventuellement dans des relations avec des tiers. "C'est assez intéressant car on a l'impression qu'on essaie de prendre les devants par rapport à d'autres Etats importants, mais à la fois on peut s'interroger sur la portée de ces engagements et le caractère effectif de cette clause", commente Jean-Frédéric Maraia.

L'accord se présente comme une coopération équivalente à l'échange automatique de renseignements. La Suisse peut ainsi envisager la possibilité de nouer des accords de même type avec d'autres Etats européens. Des négociations seraient ainsi en cours avec la Grèce. L'Italie et l'Autriche auraient manifesté leur intérêt. L'avantage pour les Etats de l'UE est en effet "le caractère garanti du recouvrement de l'impôt". Ils pourraient y voir un mécanisme de transition, y obtenir de "premières garanties avant même de modifier la directive sur la fiscalité de l'épargne" voire même abandonner toute idée de modification de ladite directive, au vu de l'avantage d'un accord de type Rubik.

L'impact pour les Etats européens

Pour les Etats membres de l'UE, "les accords Rubik présentent des avantages par rapport à la directive sur la fiscalité de l'épargne par le fait qu'elle est plus large, qu'il y a un aspect libératoire", avance l'expert. Même si la directive était révisée, cet accord contiendrait encore des avantages pour les Etats européens. Ainsi, peut-être éviteront-ils la révision de l'accord sur l'épargne. "Peut être les Etats vont-ils s'entendre sur cette idée que ces accords Rubik correspondent à un échange automatique de renseignements".

Toutefois, Jean-Frédéric Maraia pense plutôt que ces accords seront bien plus une transition vers l'échange automatique. Il s'en explique ainsi : "Avec la pression, la Suisse concède de plus en plus de choses au fil du temps. Peut être l'échange automatique n'est-il pas une solution immédiate. Il faut voir en effet s'il y a unanimité au sein de l'UE et voir aussi quelles sont les conséquences au niveau des risques de fuite de capitaux. Mon sentiment est qu'on risque probablement d'y arriver dans tous les cas. Et que ces accords au fond ne représentent qu'un pas vers cet échange automatique de renseignements."

Les différences avec la directive sur la fiscalité de l'épargne

Jean-Frédéric Maraia énumère les différences qui séparent les deux types d'accord:

- Les revenus concernés dans l'accord Rubik sont beaucoup plus larges puisque les dividendes et gains en capital notamment s'ajoutent aux intérêts seuls couverts par la directive.

- Les accords Rubik règlent le passé tandis que l'accord sur la fiscalité de l'épargne ne s'y intéresse pas.

- La définition de la personne concernée est plus large dans les accords Rubik.

- Les taux d'imposition sont différents.

- Les effets du prélèvement sont différents. Dans le cas de Rubik, l'impôt est libératoire.

- Dans l'accord sur l'épargne, la Suisse peut conserver 25 % du produit qui résulte du prélèvement à la source. Dans les accords Rubik, c'est beaucoup moins. En effet, la Suisse ne peut dans ce cas conserver que la part correspondant à une commission pour le prélèvement.

Des renseignements limités

Les accords Rubik comprennent des procédures spéciales d'échanges de renseignement qui portent sur un nombre limité de demandes. Le pays demandeur ne peut connaître que le nom de l'agent de payeur auprès duquel les avoirs se trouvent et le nombre de dépôts qui y sont effectuées. Il ne peut pas plus partir à la recherche tous azimuts d'informations. Les demandes doivent être groupées.

Pour tous les autres impôts, c'est l'accord de non double imposition qui  continuera à régir les demandes. Mais, les Etats pourraient se servir des informations obtenues grâce à Rubik pour ensuite en obtenir d'autres via les accords de non double imposition. "A mon sens, si on passe dans ce premier temps par ce mécanisme, cela donnera des armes aux Etats étrangers pour revenir sur des demandes basées sur l'article 26 du modèle OCDE", juge en effet Jean-Frédéric Maraia.

Alexander Rust"C'est un accord idéal pour l'Allemagne et le Royaume-Uni"

A la suite de la conférence tenue par Jean-Frédéric Maraia, Alexander Rust, professeur en droit fiscal à l'Université du Luxembourg, juge positivement le contenu de ces actes, au vu d'abord de l'acquittement de la dette fiscale que permet la régularisation du passé. De même, l'accord conclu avec l'Allemagne apporte de l'égalité entre contribuables allemands dans la mesure où l'accord prévoit le même système que celui appliqué en Allemagne, de l'impôt libératoire à la source. Les situations seraient traitées de la même façon, que le résident ait des avoirs en Allemagne ou en Suisse. "Je trouve que c'est un accord idéal pour l'Angleterre et l'Allemagne car c'est la Suisse qui fait le travail, recouvre les impôts. Et un compromis idéal car la Suisse peut conserver son secret bancaire et les contribuables allemands ayant investi en Suisse sont traités presque de la même manière que ceux investissant en Allemagne."

Alexander Rust déplore l'étendue de la période transitoire établie par l'accord à cinq mois après la date d'application de l'accord. "C'est trop long car les contribuables ont la possibilité de transférer leurs avoirs dans un pays tiers avec un vrai secret bancaire. Si on veut vraiment régulariser le passé, il faut raccourcir cette période", estime-t-il. Une étude de l'agence Booz & Company avait d'ailleurs estimé que l'entrée en vigueur des accords Rubik provoquerait l'exil de 47 milliards de francs suisses…

Cet accord Rubik "serait un pas en arrière" par rapport aux intentions de la Commission sur l’échange d'informations. Alexander Rust considère que l'accord Rubik parvient tout à fait à atteindre le but visé par l'échange automatique, à savoir la taxation des résidents qui investissent dans d'autres pays. Si un pays, comme c'est le cas de l'Allemagne, applique une retenue à la source libératoire pour les investissements et chez lui et pour les investissements à l'étranger tel que prévu par Rubik, "un échange d'informations pour les situations transfrontalières n'est pas nécessaire", fait-il remarquer. L'accord Rubik atteint dans cette configuration une égalité de traitement dans la forme, même si l'égalité en termes de taux n'est pas atteinte.

Le statut d'alternative crédible à l'échange d'informations, au contraire, perd en consistance pour les pays qui n'adoptent pas un système de retenue à la source libératoire. Le besoin d'informations reste entier dans ce cas de figure. Or, c'est le cas de l'Angleterre qui applique un taux progressif sur son territoire pour les intérêts. "Dans ce cas-là, il est intéressant d'avoir des infos sur des contribuables qui investissent en Suisse." Dès lors qu'un un taux fixe libératoire est appliqué sur les avoirs détenus en Suisse, "c'est un traitement défavorable" pour le contribuable du Royaume Uni.  Des situations similaires seraient d'ailleurs observées en Allemagne dans des cas précis, dont les intérêts touchés dans le chef d'une entreprise pour des bénéfices commerciaux.

Alexander Rust émet toutefois ses plus grands doutes à l'égard de la compétence des Etats membres à signer de tels accords. Il convoque l'article 3 du traité sur le fonctionnement de l'UE pour étayer son propos. Il y est dit que l'Union dispose d'une compétence exclusive pour un accord international quand cet accord est prévu dans un acte législatif de l'Union. Or, la directive sur la fiscalité mentionne en son article 17 l'accord conclu entre l'UE et la Suisse. Les Etats garderaient toutefois leur compétence sur le type de revenus qui ne sont pas couverts par l'accord entre l'Union européenne et la Suisse, lequel s'intéresse uniquement aux intérêts de l'épargne.

Alexander Rust souligne une autre contradiction, le niveau de taxation prévu dans l'accord entre l'UE et la Suisse, qui fixe à 35 % la part prélevée, tandis que l'accord Rubik avec l'Allemagne prévoit un peu plus de 26 %. Le salut pourrait venir de la conception selon laquelle 35 % seraient prélevés en faveur de l'Allemagne et que celle-ci restitue la différence avec le taux contenu dans les accords.

Le droit européen prime

Les difficultés pourraient aussi être surgir de la primauté du droit européen. Pour la Suisse, de ces deux traités différents, c'est la loi postérieure, en l'occurrence Rubik, qui doit être appliquée. Par contre, en Allemagne et au Royaume Uni, règne la primauté du droit européen sur le droit conventionnel. C'est l'accord entre l'UE et la Suisse qui serait applicable.

Il restera à voir, selon Alexander Rust, si la Cour de justice de l'Union européenne retoquerait l'ensemble des accords Rubik ou uniquement la partie traitant du recouvrement de l'impôt sur les intérêts pour lesquels aucune compétence ne serait reconnue aux pays, puisque l'accord européen règle déjà la question. 

"Il y a un très très grand risque pour le contribuable"

Finalement, l'obstacle le plus conséquent opposé aux accords Rubik pourrait être la composition du Bundesrat allemand, dans laquelle la gauche, opposée à ces accords, est majoritaire. "Les chances ne sont pas très grandes en ce moment que cet accord soit réellement appliqué", déduit Alexander Rust. Les Länder dominés par les socialistes et écologistes voient d'un mauvais œil ces accords. Le 15 mars 2012, ces Länder ont trouvé un accord avec le ministre des Finances Wolfgang Schaüble pour que l'accord Rubik soit renégociée. Ils veulent notamment que le taux d'imposition soit relevé.

A cela s'ajoute l'opposition ferme de la Commission. La Commission a écrit que ces accords sont contraires au droit européen et que les autres Etats membres ne doivent pas en conclure.

Elle a fait savoir que non seulement les revenus de l'épargne devraient mais aussi les contrats d’assurance-vie et fonds d’investissement être exclus du champ d'application des accords Rubik. En effet ces deux dernières catégories figurent dans la proposition  de modification de la réglementation européenne actuellement débattue.

Dans ce contexte d'incertitude, le contribuable ne peut que rester perplexe. Car s'il est prêt à payer 34 % d’impôts sur ses revenus ou prêt à déclarer ses avoirs pour le passé, et que les accords finalement ne sont pas applicables, il ne bénéficiera pas de l'acquittement, fait remarquer Alexander  Rust qui résume : "Il y a un très très grand risque pour le contribuable".