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Economie, finances et monnaie
Luc Frieden, invité sur LCI, a lancé, à la veille de la clôture de l’opération d’échange de dette proposée par la Grèce à ses créanciers privés, un ultime appel à ces derniers à y participer, "dans leur intérêt, pour la Grèce et pour la zone euro"
07-03-2012


A la veille de la clôture de l’opération d’échange de dette proposée par la Grèce à ses créanciers privés dans le cadre du programme PSI, qui devrait s’achever le 8 mars 2012 à 20 heures, Luc Frieden, ministre des Finances duLCI Luxembourg, était "l’invité de l’économie" sur la chaîne LCI. Au cours de cet entretien diffusé le 7 mars 2012 à 20h20 et mené par le journaliste Emmanuel Kessler, Luc Frieden a évoqué la situation de la Grèce, mais aussi la question de la succession au poste de président de l’Eurogroupe et du pacte budgétaire que les chefs d’Etat et de gouvernement viennent tout juste de signer.

"Je crois que les créanciers privés savent quel est l’enjeu, et qu’ils ont tout intérêt à prendre ce deal tel qu’il est actuellement sur la table"

Premier point abordé par Emmanuel Kessler et qui fait l’actualité, l’échéance "cruciale pour la Grèce", dont les autorités espèrent atteindre l’objectif d’une participation des créanciers privés à hauteur de 75 % du montant de la dette qui doit être échangée. Pour Luc Frieden, on ne peut qu’espérer ce taux de participation "parce que nous avons fait énormément d’efforts en négociant avec le secteur privé les conditions de cet échange de titres grecs", les États ayant "fait un effort énorme lors du premier prêt et lors du deuxième paquet d’aides à la Grèce". "Je crois que les créanciers privés doivent comprendre que l’offre qui leur est faite maintenant est plus confortable, les termes sont meilleurs que ce qui se passerait si, par malheur, on n’atteignait pas les résultats escomptés", explique Luc Frieden, invitant à la patience et se disant conscient que beaucoup de créanciers n’annonceraient la couleur qu’à la fin du processus. "On n’est pas au bout du compte", a pu seulement glisser le ministre à ce stade, rappelant que les ministres des Finances de la zone euro feraient le point dans l’après-midi du 11 mars 2012, et verraient alors "quelles en sont les conséquences". Mais le ministre luxembourgeois lance toutefois "un appel à tous ceux qui font partie de ces créanciers privés, fonds, banques, investisseurs privés, parce que je crois qu’ils ont tout intérêt pour eux, pour la Grèce et pour la zone euro à ce que cette opération se fasse, pour que la Grèce redevienne un État qui puisse être sur des pieds soutenables".

Lorsqu’Emmanuel Kessler lui demande si l’échec de l’opération remettrait en cause tout l’édifice de soutien à la Grèce, et notamment le deuxième plan d’aides, Luc Frieden répond par l’affirmative et souligne qu’il est "évident que tout est lié". "Nous avions deux objectifs, une dette soutenable de la Grèce en 2020 à 120 %, et un paquet étatique de 130 milliards", rappelle le ministre, soulignant que "dans cette deuxième aide, la participation des créanciers privés était un élément essentiel". Or, précise-t-il, "nous n’avons ni le temps, ni les moyens pour recommencer les négociations".

"Si ça se passe mal, ce sera très mauvais pour les marchés, ce sera mauvais pour les États, mais il n’y aura pas d’effet domino, dans la mesure où entre-temps nous avons mis sur pied des mécanismes de stabilisation de la zone euro, l’EFSF, le mécanisme européen de stabilité, qui peuvent intervenir pour éviter cet effet de contagion", poursuit Luc Frieden qui se refuse à spéculer sur les conséquences d’un échec de l'opération sur "les CDS des titres d’assurance sur la dette grecque". "Je crois que les créanciers privés savent quel est l’enjeu, et qu’ils ont tout intérêt à prendre ce deal tel qu’il est actuellement sur la table",a répété encore le ministre.

"Dans les circonstances actuelles, circonstances de crise, il serait mieux que ce soit quelqu’un qui fasse ça à plein temps, et qui puisse aussi voyager dans les différents pays pour être un médiateur entre les différentes positions", déclare Luc Frieden au sujet du futur président de l’Eurogroupe

Invité à se positionner sur la nécessité de créer un poste à temps plein pour le futur président de l’Eurogroupe, Luc Frieden déclare que "dans les circonstances actuelles, circonstances de crise, il serait mieux que ce soit quelqu’un qui fasse ça à plein temps, et qui puisse aussi voyager dans les différents pays pour être un médiateur entre les différentes positions". "Je crois que, quand on est ministre ou Premier ministre dans un pays, on n’a pas suffisamment de temps pour le faire", explique-t-il avant de confier son souhait que "le président de l’Eurogroupe, à moyen terme, ait plus de pouvoirs, soit vraiment une sorte de ministre des Finances européen".

" Je crois qu’il y a une différence entre un chef de gouvernement et un ministre des Finances", répond Luc Frieden lorsque le journaliste lui demande si Herman Van Rompuy pourrait assumer cette fonction, en précisant que "les ministres des Finances sont des personnes qui ont une mission différente, qui est une connaissance technique des dossiers, à côté de la connaissance politique". "Les ministres des Finances préparent un certain nombre de dossiers pour les chefs de gouvernement", ajoute le ministre des Finances luxembourgeois qui ne pense pas qu’Herman Van Rompuy pourrait présider l’Eurogroupe, d’autant plus qu’il "a déjà beaucoup de travail en présidant le Conseil européen", comme le relève Luc Frieden.

Quelle que soit la personne qui sera à la tête de l’Etat français à l'issue des présidentielles, Luc Frieden, émet l’espoir qu’elle "respectera les règles de bon sens qui assurent la stabilité de la zone euro"

Interrogé au sujet du pacte budgétaire, qui, selon les mots du journaliste "provoque déjà des accrocs", Luc Frieden explique que ce traité fixe des "règles de bon sens". "Même si on n’avait pas ce pacte, la stabilité de la zone euro est à ce prix", juge Luc Frieden qui ajoute "on n’a pas d’union politique, donc il faut des règles qui s’appliquent à tout le monde". "Je compte sur le nouveau gouvernement espagnol, tout comme sur le gouvernement néerlandais, pour qu’ils atteignent dans un laps de temps très court les règles que nous avons eues depuis le début de la zone monétaire, mais que nous avons réaffirmées, consolidées dans les récentes décisions politiques qui ont été prises", affirme le ministre luxembourgeois qui rappelle que tous les récents textes adoptés "ont pour un seul objectif la discipline budgétaire, qui est la base d’une croissance future dans la zone euro". "Aussi longtemps qu’il y aura des déficits et des dettes aussi élevés, il n’y aura pas de confiance en la zone euro, et donc pas de croissance", estime le ministre luxembourgeois.

Aussi, lorsqu’Emmanuel Kessler le pousse à commenter la position du candidat socialiste à la présidentielle française, François Hollande, qui a annoncé qu’il entendait renégocier le traité pour y ajouter la dimension de la croissance, Luc Frieden souligne que, de son point de vue, le traité "ne remet pas en question la croissance". "Pour la croissance il faut des infrastructures, un environnement favorable, développement des affaires, il faut une fiscalité raisonnable", plaide Luc Frieden, convaincu que "tout cela amènera la croissance, et non pas une politique budgétaire qui permet des déficits élevés".

Quelle que soit la personne qui sera à la tête de l’Etat français, Luc Frieden, prudent, émet l’espoir qu’elle "respectera les règles de bon sens qui assurent la stabilité de la zone euro". "La France est un acteur économique majeur en Europe, et la discipline budgétaire doit aussi venir de la France", souligne-t-il, signifiant là "un appel qu’on ne peut que lancer en tant que voisin et ami de la France, aux futurs dirigeants de la France".