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Conseil européen : des solutions pour la croissance, la fermeté envers la Syrie, de l'espoir pour la Serbie, la Roumanie et la Bulgarie, la signature du pacte budgétaire et la fin annoncée du mandat de Jean-Claude Juncker à la tête de l’Eurogroupe
02-03-2012


Les 1er et 2 mars 2012, les chefs d'Etat et de gouvernements étaient réunis pour un Conseil européen à Bruxelles. Ce Conseil européen s'est notamment distingué des précédents par le fait qu'il n'était cette fois pas question de résolution de crise. "Ce fut un Conseil européen qui, de par le contenu et le contexte, était moins dramatique que ce que nous avons connu ces derniers deux ans", a ainsi déclaré le Premier ministre luxembourgeois, Jean-Claude Juncker.

Le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, s'est pour sa part félicité que la fin de l'euro et la survie de la zone euro ne soient plus des sujets de discussion comme c'était encore le cas ilJean-Claude Juncker en discussion avec José Manuel Barroso, Angela Merkel et Nicolas Sarkozy lors du Conseil européen le 2 mars 2012 © SIP / JOCK FISTICK y a quelques mois. Cela ne signifie pas pour autant que la crise soit terminée mais que "nous sommes à un tournant", a-t-il expliqué. 

Dans un même esprit, le président de la Commission, José Manuel Barroso, s'est dit satisfait que le Conseil européen puisse enfin davantage parler de croissance, d'emploi et de réformes structurelles. Le constat d'un manque de discussion à ce sujet avait déjà été tiré fin janvier.

"Le temps est venu d'adapter l'agenda politique et de l'orienter vers l'obtention de davantage de croissance et d'emploi", a ainsi relevé Herman Van Rompuy. Ce dernier a résumé les sujets abordés durant ces deux jours de conseil, en parlant d’un enchaînement de "S" : Semestre européen, Serbie (élargissement), Schengen (l'espace), Syrie, le Sud (voisinage), la stabilité (le pacte budgétaire), "Second term" (son deuxième mandat à la tête du Conseil européen).

Croissance économique : de nombreux défis

Les réflexions du Conseil européen s'articulent autour du semestre européen et de la stratégie Europe 2020. Elles s'inscrivent ainsi à la suite des conclusions du Conseil d'octobre 2011, de celui du 21 février 2012 avec un attachement prononcé aux cinq priorités de l'examen annuel de croissance livré dès novembre dernier, procédure mise en place avec l'introduction du semestre européen.

Les chefs d'État et de gouvernement ont ainsi rappelé que les objectifs de croissance étaient intégrés dans la stratégie Europe 2020, à savoir l'emploi, l'innovation et la recherche et développement, le changement climatique et l'énergie, l'éducation, l'inclusion sociale et la réduction de la pauvreté. Le Conseil a dans ce contexte souligné que les efforts pour atteindre les objectifs d'Europe 2020 étaient insuffisants et qu'il était donc important de se concentrer sur la mise en œuvre de réformes, avec une attention particulière sur les mesures ayant un effet à court terme sur la croissance.

De même, les Etats membres sont invités à inclure dans leurs Programmes nationaux de réforme, établis dans le cadre du semestre européen, de nouvelles mesures tenant compte des recommandations déjà émises par la Commission en 2011.

Les régulations du secteur financier sont renvoyées à juin et décembre 2012. "Il faut absolument arriver à une régulation stricte des marchés financiers, afin de prévenir de nouvelles crises financières à l'avenir. Je sais pourtant que tous ne partagent pas cet avis, mais ceci est la position du gouvernement luxembourgeois", a fait savoir Jean-Claude Juncker.

"Je me félicite de ce que la tonalité de la discussion ait changé, en faveur de la croissance et de l'emploi, qui sont tout aussi importants que la consolidation budgétaire, même si celle-ci doit absolument être maintenue", a-t-il encore dit. "Nous avons insisté sur l'achèvement du marché intérieur, en particulier pour ce qui est du marché unique numérique. Le secteur du commerce électronique notamment peut constituer un fort potentiel de croissance pour le Luxembourg". En effet, le Conseil européen s'est engagé à réaliser la mise en place du marché unique numérique pour 2015 en prenant notamment des mesures améliorant la confiance dans le commerce en ligne et en assurant une réduction du coût des infrastructures de réseaux.

Concernant l'emploi, l'objectif à atteindre est un taux de 75 % d'actifs, suivant les orientations définies lors du Conseil du 30 janvier.

Dans les conclusions du Conseil, "nous avons repris la plus grande partie des idées contenues dans la lettre de nos douze collègues du Conseil européen, tout en les complétant par d'autres éléments visant également la croissance et l'emploi", a fait savoir Hermann Van Rompuy.

Le Premier ministre britannique, David Cameron, avait dans un premier temps fait étalage de sa frustration, compte tenu que la lettre, cosignée par onze autres chefs de gouvernement (Italie, Espagne, Pays-Bas, Pologne, Lettonie, Finlande, Irlande, Slovaquie, République tchèque, Estonie et Suède), adressée le 20 février au président de la Commission, n'ait pas davantage inspiré les décisions du Conseil.

Ce courrier étayait des propositions pour relancer la croissance, principalement centrées sur de nouvelles libéralisations et dérégularisations du marché intérieur. "L'Europe n'a pas qu'une crise de la dette, elle a aussi une crise de la croissance", a d'ailleurs souligné David Cameron à son arrivée le 1er mars.

Herman Van Rompuy reconduit, sa priorité restera l'économie

Sur proposition notamment du président de l'Eurogroupe, Jean-Claude Juncker, Herman Van Rompuy a été reconduit dans ses fonctions par le Conseil européen, pour un second mandat de deux années et demie, du 1er juin 2012 au 30 novembre 2014.

Hermann Van Rompuy s'est dit, dans son "discours d'acceptation" "très honoré" par une telle décision. Il considère comme "un privilège de servir l'Europe en des moments si décisifs; c'est aussi une grande responsabilité."

Il a ensuite livré ses impressions sur sa fonction. Son rôle "a été façonné avant tout par les événements, par la crise de la dette souveraine", considère-t-il. "Mon travail consiste à être le dépositaire de la confiance, c'est-à-dire à faire régner une compréhension mutuelle entre nous, qui sommes réunis autour de cette table, en sachant que notre devoir à tous est de préserver la confiance des citoyens dans l'Union."

Il tire un premier bilan positif : "L'Union européenne est désormais beaucoup mieux équipée pour faire face à la crise que nous traversons et pour empêcher que des situations analogues ne se reproduisent à l'avenir." "Nous devons convaincre les citoyens de toute l'Europe que les sacrifices qui leur ont été demandés en ces années de crise n'ont pas été vains, mais qu'ils produiront des résultats, que la zone euro en sortira plus forte: telle doit être notre principale préoccupation. (…)  Il ne faut pas qu'une crise de cette nature puisse se reproduire un jour. C'est là ce que nous devons laisser en héritage. Pendant longtemps, le mot "Europe" a été signe d'espoir et a incarné la paix et la prospérité. Cette équation a été mise à mal pendant la crise. C'est mon rôle, c'est notre rôle, de faire en sorte que l'Europe redevienne un symbole d'espoir."

Par ailleurs, la tâche du président du Conseil européen s'enrichira de la présidence des réunions des sommets des chefs d'Etat et de gouvernement de la zone euro.

Signature du traité de stabilité, de coordination et de gouvernance pour l'Union européenne

Jean-Claude Juncker signant pour le Luxembourg le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance dans l’UEM le 2 mars 2012 (c) Conseil de l'UECette dernière nouveauté institutionnelle est intégrée dans le Traité de Stabilité, de Coordination et de Gouvernance pour l'Union Economique et Monétaire signé par le Conseil européen le 2 mars. "Suite à la signature nous passons maintenant à la phase de ratification, soit parlementaire soit référendaire. Je suis confiant que le Traité entrera en vigueur dans les délais prévus par le 25 pays qui l'ont signé", a déclaré Hermann Van Rompuy.

"Je pense que c'est un signal fort montrant que nous tirons les leçons de la  crise"  "et que nous souhaitons un avenir avec une Europe politiquement unifiée", s'est  félicitée la chancelière allemande Angela Merkel.

La Serbie obtient le statut de candidate à l'adhésion

Dans son évaluation annuelle de l'élargissement, le 12 octobre 2011, la Commission avait recommandé l'octroi du statut de candidate à la Serbie. Le Conseil européen a suivi cette recommandation ce 1er mars 2012. Le Conseil européen a constaté le progrès constant de la Serbie notamment " pour l'application d'accords obtenus en dialogue avec le Kosovo, et ceux notamment sur la gestion intégrée des frontières "

Cette nouvelle étape dans le processus d'adhésion a été rendu possible par le changement de posture de la Roumanie qui jusqu'ici menaçait de poser son veto, mais a obtenu des garanties de protection de la minorité roumaine de 30 000 âmes installées en Valachie serbe. Les négociations pourraient mener à une adhésion dans cinq ou six ans.

L'espace Schengen devrait s'agrandir en septembre

La Roumanie et la Bulgarie remplissent par ailleurs les conditions pour appartenir pleinement à l'espace Schengen. Mais la décision est renvoyée au Conseil Justice et Affaires intérieures en septembre 2012. Le Conseil européen demande au Conseil, dans l'intervalle, de recenser et de mettre en œuvre les mesures qui contribueront à ce que l'élargissement de l'espace Schengen à la Roumanie et à la Bulgarie se déroule dans de bonnes conditions.

Toutefois, les Pays-Bas resteront à convaincre. "Nous pensons que la Bulgarie et la Roumanie n'ont pas fait tout ce qu'il fallait. Elles ont fait des progrès, mais pas assez pour remplir les critères de Schengen tels que nous les envisageons", a déclaré le Premier ministre néerlandais Mark Rutte, à l'issue du sommet. "Il attend des deux pays qu'ils renforcent "l'Etat de droit, la lutte contre la corruption et l'indépendance de la justice".

Une nouvelle condamnation de la Syrie

"La situation en Syrie n'est pas seulement préoccupante, elle est épouvantable. Nous sommes en effet horrifiés par les atrocités qui ont et sont commises en Syrie", a dit Herman Van Rompuy à l'issue du sommet. Dans ses conclusions, le Conseil européen se dit "consterné" par la situation. Il fait siennes les conclusions du Conseil du 27 février 2012. Conformément à la résolution du 1er mars du Conseil des droits de l'homme des Nations unies, il exhorte les autorités syriennes à cesser  immédiatement le recours massif à la violence et les violations des droits de l'homme à l'encontre de la population civile

Christine Lagarde, Jean-Claude Juncker et Wolfgang Schäuble en discussion lors de la réunion de l'Eurogroupe du 1er mars 2012 (c) Conseil de l'UEIl demande au président Assad de quitter le pouvoir pour permettre une transition pacifique dans l'intérêt de son pays et réaffirme qu'"il importe que les agences humanitaires indépendantes disposent d'un accès libre et sans entraves afin que l'aide puisse parvenir à ceux qui en ont besoin, conformément aux principes humanitaires".

Le Conseil européen a clairement critiqué l'attitude de la Chine et de la Russie en exhortant "une fois de plus tous les membres du Conseil de sécurité des Nations unies, en particulier la Russie et la Chine, à coopérer pour tenter de mettre fin à la violence".  "Nous voyons qu'il y a du mouvement dans la posture de ces deux pays, et nous verrons mieux les choses après l'élection russe de dimanche prochain. Mais je pense qu'il n'est pas supportable de laisser les choses se passer comme elles se passent", a déclaré Herman Van Rompuy. 

Un regard sur le printemps arabe

Un an après le début du printemps arabe, le Conseil européen a rappelé qu'il soutient le processus démocratique jusque dans les pays du Golfe et s'est dit attaché à développer des partenariats avec les voisins du Sud, basée notamment sur l'attachement aux valeurs universelles, dont la protection des minorités religieuses. Appelant "à des réformes politiques significatives pour construire et renforcer la démocratie, renforcer l'état de droit et respecter les droits humains et libertés civiles", le Conseil européen plaide pour une ratification prochaine de l'extension du mandat de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD).

Il veut également renforcer ses relations avec la société civile, notamment par le lancement, dans le cadre de la politique de voisinage, du "Mécanisme en faveur de la société civile". Il s'agit enfin de "progresser rapidement dans les négociations commerciales en cours et dans la préparation de négociations visant à conclure des accords complets et approfondis de libre-échange, qui permettront d'intégrer progressivement les économies des partenaires au marché unique de l'UE et augmenteront les possibilités d'accès au marché".

Le Conseil européen invite la Commission et la Haute Représentante à présenter d'ici la fin de l'année une feuille de route pour définir et encadrer la mise en œuvre de la politique de l'UE vis-à-vis des partenaires de l’Union au Sud de la Méditerranée, notamment en mettant l'accent sur les synergies avec l'Union pour la Méditerranée et d'autres initiatives régionales.

Le G8 et Rio en perspective

Enfin, le Conseil a préparé les prochains G20 et sommet de Rio + 20 qui se tiendront au mois de juin 2012. 

Pour le G20, il défendra notamment l'application du plan d'action sur la volatilité des prix de l'alimentation et de l'agriculture, la lutte contre le protectionnisme, le lancement d'un programme de négociations à l'OMC, y compris avec les pays les moins développés, ou encore la prise en compte de la dimension sociale de la globalisation et notamment le chômage des jeunes.

A Rio, le Conseil européen attend une forte participation du secteur privé et de la société civile. Il souhaite y défendre la transition vers l'économie verte et la stimulation d'une croissance à faible émission de gaz carboniques, promouvoir la protection du climat ainsi qu'éradiquer la pauvreté. Il défendra enfin la mise en œuvre d'objectifs clairs, ainsi que des actions concrètes au niveau national et international.

Jean-Claude Juncker a fait le point sur les travaux de l’Eurogroupe, annonçant une conférence téléphonique de l’Eurogroupe pour le 9 mars 2012

Les chefs d’Etat et de gouvernement de la zone euro, qui ont nommé, sur proposition de Jean-Claude Juncker, Herman Van Rompuy président des sommets de la zone euro, ont adopté une déclaration  dont Jean-Claude Juncker s’est fait l’écho devant la presse à l’issue du Conseil européen. "J'ai fait hier un rapport au Conseil européen sur les travaux de l'Eurogroupe des dernières semaines, celui-ci s'est réuni 6 fois depuis le début de l'année, dont deux fois par conférence téléphonique", a déclaré le président de l’Eurogroupe.

"Nous avons constaté hier, au sein de l'Eurogroupe, que la Grèce a rempli les conditions qui lui avaient été posées", a-t-il rappelé. "Donc, nous avons donné un feu vert de principe au lancement du deuxième programme d'aide à la Grèce", a-t-il résumé, soulignant toutefois que "la décision formelle et définitive dépendra des résultats de l'opération de la participation du secteur privé à la restructuration de la dette grecque".  "Ces résultats sont attendus pour le 9 mars", a déclaré Jean-Claude Juncker qui a par conséquent convoqué pour cette date une conférence téléphonique de l'Eurogroupe. "J'ai bon espoir qu'un minimum de 66 % des créanciers privés participeront à cette opération", a-t-il précisé.

Les fonds de l’EMS seront versés en deux tranches dans le courant de l'année 2012, et non en cinq tranches comme cela avait été prévu précédemment

En ce qui concerne le Mécanisme européen de stabilité (EMS), Jean-Claude Juncker a annoncé que "la décision a été prise que les fonds de l’EMS seront versés en deux tranches au courant de l'année 2012, et non en cinq tranches comme cela avait été prévu précédemment." Un calendrier révisé concernant les autres tranches fera l’objet d’un accord d’ici fin mars, précise encore la déclaration.

Répondant à la question d'un journaliste au sujet de la capacité de feu du mécanisme de stabilité, Jean-Claude Juncker a expliqué que "l'Eurogroupe a reçu le mandat de se pencher sur uneJean-Claude Juncker tenant sa conférence de presse à l'issue du Conseil européen le 2 mars 2012 © SIP / JOCK FISTICK augmentation de la capacité de feu, il n'y aura donc pas de sommet de la zone euro à ce sujet". "Une décision devra être prise courant mars", a-t-il déclaré, se faisant l’écho de la déclaration des chefs d’Etat et de gouvernement de la zone euro qui ont "réaffirmé leur engagement à réévaluer le caractère adéquat du plafond total de l’EFSF et de l’ESM d’ici la fin du mois". "Personnellement, je suis d'avis qu'il faudrait transférer les fonds restants de l’EFSF vers l’EMS, pour arriver à un total d'à peu près 750 milliards d'euros", a répété Jean-Claude Juncker qui a rapporté qu’une grande majorité d'États membres semble pencher en faveur de cette solution, même si tous ne sont pas encore prêts à aller dans cette direction.

"Il faut que ce soit quelqu’un qui dispose de sa propre pensée, il faut que ce soit une personne prête à écouter les idées apportées du Nord, du Sud, de l’Est et de l’Ouest de la zone euro", a déclaré Jean-Claude Juncker au sujet de la personne qui sera amenée à lui succéder à la présidence de l’Eurogroupe

En marge du Conseil, Jean-Claude Juncker a par ailleurs confirmé à la presse internationale son intention, déjà affichée de longue date, de ne pas rempiler au poste de président de l’Eurogroupe à la fin de son mandat. "C’est tout simplement un vrai problème de temps", a confié le Premier ministre luxembourgeois qui a avoué "arriver à peine à concilier dans le temps le travail qu’il a à accomplir au Luxembourg et le travail très contraignant au sein de l’Eurogroupe". Si certains de ses collègues l’ont apparemment incité avec insistance à rester en fonction, comme il l’a rapporté, Jean-Claude Juncker a assuré que "cela ne comptait pas pour le moment parmi le champ de ses ambitions".

Pour ce qui est de la personne qui va être appelée à lui succéder, Jean-Claude Juncker est invité à soumettre, avec Herman Van Rompuy, des propositions d’ici deux semaines. "Il faut que ce soit quelqu’un qui dispose de sa propre pensée, il faut que ce soit une personne prête à écouter les idées apportées du Nord, du Sud, de l’Est et de l’Ouest de la zone euro", a-t-il déclaré au sujet de son successeur. Selon lui, le futur président de l’Eurogroupe ne devrait pas appartenir, en matière de politique budgétaire, à "un camp fanatique particulier".