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Transports
La Chambre des députés a transposé à la quasi-unanimité une directive sur les taxes aéroportuaires très contestée à l’origine
24-04-2012


Aéroport de Luxembourg - Copyright:  SIP / Luc Deflorenne, tous droits réservésLors de sa séance publique du 24 avril 2012, la Chambre des députés a adopté le projet de loi 6310 approuvant une directive instaurant un cadre de fixation des redevances aéroportuaire par 58 voix contre une, le député de "déi Lénk" ayant seul voté contre. Cette loi transpose la directive 2009/12/CE qui entend harmoniser les principes de perception des redevances aéroportuaires dans les aéroports communautaires : Cette directive n’avait pas fait l’unanimité au Luxembourg dès 2008. Le Luxembourg avait introduit un recours en annulation partiel auprès de la CJUE, un recours pour lequel il avait été débouté en mai 2011, pour être ensuite sommé en novembre 2011 de transposer dans les meilleurs délais.

La directive 2009/12/CE part du constat que les aéroports proposent diverses installations et services en rapport avec l’exploitation des aéronefs et la prise en charge des passagers et du fret dont ils recouvrent généralement le coût au moyen des redevances aéroportuaires.

L’objectif de la directive est de faire en sorte que les entités gestionnaires d’aéroport qui fournissent des installations et des services, pour lesquels des redevances aéroportuaires sont perçues, fonctionnent d’une manière efficace en termes de coûts et n’abusent pas de leur situation de monopole naturel.

A ce titre la directive met en place un cadre harmonisé visant à réguler les composantes essentielles des redevances aéroportuaires et leur mode de fixation sans exclure la possibilité, pour un Etat membre, de déterminer si et dans quelle mesure les revenus provenant de ses activités commerciales peuvent être pris en compte pour fixer les redevances aéroportuaires.

Elle consacre ainsi les principes de non-discrimination et de transparence des redevances aéroportuaires avec une procédure obligatoire de consultation régulière des usagers d’aéroport par les entités gestionnaires d’aéroports. Chaque partie a la possibilité de faire appel à une autorité de supervision indépendante chaque fois qu’une décision sur les redevances aéroportuaires ou la modification du système des redevances aéroportuaires est contestée par les usagers d’aéroport.

A cette fin, une autorité de supervision indépendante devra être mise en place afin d’assurer l’impartialité des décisions ainsi que l’application correcte et effective de la directive. Cette autorité, qui devra disposer de toutes les ressources nécessaires en personnel, en compétences et en moyens financiers pour l’exercice de ses tâches, devrait être juridiquement distincte et fonctionnellement indépendante de toutes les entités gestionnaires d’aéroports et de tous les transporteurs aériens.

Ces dispositions principales sont encadrées par des dispositions accessoires telles que:

  • l’échange d’information formalisé entre entité gestionnaire et usagers notamment lors de la finalisation de plans relatifs à de nouvelles infrastructures;
  • la possibilité de conclusion d’accords de service entre entité gestionnaire et usagers de l’aéroport;
  • la possibilité de différencier certains services ou infrastructures aéroportuaires, p. ex. au cas où un terminal est dédié à un usage particulier.

En 2009, le Luxembourg avait introduit un recours en annulation auprès de la CJUE

La directive en question n’avait pas fait l’unanimité au Luxembourg. Ainsi, les parlementaires socialistes luxembourgeois avaient constaté en janvier 2008 que la directive s’appliquait aux grands aéroports de plus de 5 millions de passagers, mais aussi au plus grand aéroport de chaque Etat membre. La directive devait donc s’appliquer au Findel, mais, avaient-ils regretté, pas aux aéroports de Frankfurt-Hahn ou de Charleroi, qui comptent plus de passagers par an que le Findel, ou aux aéroports de Sarrebruck et de Metz-Nancy-Lorraine.

Le Luxembourg avait introduit un recours en annulation devant la Cour de Justice de l’Union européenne le 15 mai 2009 contestant le champ d’application de la directive, à savoir le bout de phrase inséré à la fin de l’article 1er, paragraphe 2, qui dispose que "la présente directive s’applique à tout aéroport situé sur un territoire relevant du traité, ouvert au trafic commercial et dont le trafic annuel dépasse cinq millions de mouvements de passagers, ainsi qu’à l’aéroport enregistrant le plus grand nombre de mouvements de passagers dans chaque Etat membre."

Le Luxembourg avait dans son recours en annulation invoqué deux raisons en faveur de l’annulation :

  • une violation du principe de non-discrimination en ce que l’aéroport de Luxembourg-Findel, du fait de l’extension du champ d’application de la directive 2009/12/CE aux aéroports "enregistrant le plus grand nombre de mouvements de passagers dans chaque Etat membre", se trouve soumis à des obligations administratives et financières auxquelles échappent d’autres aéroports se trouvant dans une situation comparable, sans que pareille différence de traitement soit objectivement justifiée ;
  • le champ d’application ainsi étendu serait contraire aux principes de subsidiarité et de proportionnalité aboutissant à des procédures et des coûts supplémentaires injustifiés pour un aéroport tel que celui du Findel qui se trouve dans un contexte concurrentiel important dans la Grande Région.

La Cour de Justice de l’Union européenne a débouté le 12 mai 2011 le Luxembourg en arguant qu’il n’y avait pas d’erreur manifeste d’appréciation dans la fixation du critère afférent par les instances compétentes et partant pas de violation des principes de droit européen invoqués. La Cour de Justice de l’Union européenne, ayant largement suivi l’argumentaire établi par l’avocat général, estimait ainsi que l’aéroport enregistrant le plus grand nombre de mouvements de passagers par an "doit être considéré comme le point d’entrée de l’Etat membre ce qui lui confère une position privilégiée par rapport aux usagers d’aéroport."

Ce jugement ayant acquis autorité de chose jugée et le délai de transposition ayant expiré le 15 mars 2011, la directive a donc dû être transposée dans les meilleurs délais.

L’application de la directive au Luxembourg

La directive s’appliquera aux redevances d’atterrissage, dont l’Administration de la navigation aérienne est le bénéficiaire, et les redevances passagers et de stationnement des aéronefs, dont lux-Airport est le bénéficiaire. L’entité gestionnaire visée par le texte de la directive est donc double.

La directive n’impose pas de relation entre redevances aéroportuaires et coûts. Elle tient ainsi compte des différents modèles économiques appliqués dans les Etats membres en ce qui concerne le financement, voire le préfinancement des investissements aéroportuaire. L’aéroport de Luxembourg reste ainsi en mesure de gérer son activité selon le principe de la "caisse unique" consistant dans une mise en commun des recettes aéroportuaires avec les recettes issues d’autres activités (les "non-aviation revenues" issues p. ex. du parking ou des activités immobilières) afin de couvrir l’ensemble des coûts supportés. Le texte de transposition de la directive tient à la fois compte de cette dualité d’exploitant, du comité des usagers existant et de la structure du régime des redevances applicable.

L’autorité de supervision indépendante doit être "juridiquement distincte et fonctionnellement indépendante de toutes les entités gestionnaires d’aéroports et de tous les transporteurs aériens". Au Luxembourg, ce sera l'Institut luxemborugeois de régularisation (ILR), qui fera office d’autorité de supervision indépendante.

La position de Serge Urbany, seul opposant

Le député de Déi Lénk a voté contre la loi, parce qu’il estime qu’elle va conduire sous la pression de la concurrence, surtout celle des aéroports low-cost exemptés, à une dérégulation et à une baisse des taxes aéroportuaires, donc moins de rentrées pour l’Etat, moins de fonds pour des salaires décents et des mesures environnementales, plus de vols de nuit. Il a aussi estimé que le Luxembourg avait eu recours devant la CJUE à de mauvais arguments, notamment en n’invoquant pas sa dimension régionale, de sorte que l’Etat a perdu son procès.

Le ministre compétent, Claude Wiseler, a expliqué que le Luxembourg avait choisi les seuls arguments sur base desquels il comptait gagner, mais comme il a perdu, son aéroport devra dorénavant affronter la concurrence selon les règles fixées désormais. Et cette concurrence sera rude, a admis le ministre.