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Emploi et politique sociale - Marché intérieur
Les députés luxembourgeois considèrent que le projet de règlement relatif au droit de grève présenté par la Commission dans le cadre de la législation sur le détachement des travailleurs entre en conflit avec le principe de subsidiarité
15-05-2012


La Chambre des députés, réunie en séance plénière, a adopté le 15 mai 2012 un avis motivé portant sur la proposition de la Commission de règlement relatif à l’exercice du droit de grève dans le contexte de la liberté d’établissement et de la libre prestation des services. Un texte présenté par la Commission en mars 2012 dans le cadre de la législation européenne sur le détachement des travailleurs.

C’est la commission parlementaire du Travail et de l’Emploi qui a préparé cet avis dans le cadre du contrôle des principes de subsidiarité et de proportionnalité. Or, "à plusieurs égards, la proposition de règlement entre en conflit avec le principe de subsidiarité", indiquent les députés.

Premier problème soulevé, la base juridique sur laquelle se base la Commission, à savoir l’article 352 du TFUE. Appelé "clause de flexibilité", cet article, rappellent les députés, permet de prendre des initiatives législatives dans des domaines allant au-delà des compétences formellement reconnues à l’Union. Une clause qui permet d’ajuster les compétences de l’Union aux objectifs assignés par les traités lorsque ceux-ci n’ont pas prévu les pouvoirs d’action nécessaires pour atteindre ces objectifs. Les députés luxembourgeois relèvent dans un premier temps que le recours à l’article 352 "est censé rester exceptionnel". Mais ils observent aussi que cet article interdit "toute initiative d’harmonisation législative dans le cas où les traités excluent une telle harmonisation". Or, arguent les députés, "tel est précisément le cas pour le droit de grève et le droit d’association qui sont catégoriquement exclus par l’article 153, (5) TFUE des domaines pouvant faire l’objet d’une intervention législative de l’UE". Conclusion : "le recours à l’article 352 TFUE n’est pas fondé en l’espèce et à cet égard la proposition de règlement enfreint le principe de subsidiarité".

Le texte n’est pas à la hauteur de sa propre ambition qui est de dissiper, auprès des défenseurs de l’Europe sociale, les vives inquiétudes soulevées par la jurisprudence de la Cour de Justice de l’UE

Au-delà de cette question de base légale, les députés considèrent que "le texte de la proposition de règlement n’est pas à la hauteur de sa propre ambition qui est de dissiper, auprès des défenseurs de l’Europe sociale, les vives inquiétudes soulevées par la jurisprudence de la Cour de Justice de l’UE (arrêts Viking, Laval et Rüffert)". Les articles 2 et 3 de la proposition de règlement auront pour effet d’encadrer le droit de mener des actions collectives, y compris le droit de grève, observent les députés qui citent l’article 2 : "L’exercice de la liberté d’établissement et de la libre prestation des services énoncées par le traité respecte le droit fondamental de mener des actions collectives, y compris le droit ou la liberté de faire grève, et, inversement, l’exercice du droit de mener des actions collectives, y compris le droit ou la liberté de faire grève, respecte ces libertés économiques". La commission parlementaire "s’interroge sur la portée juridique de ce texte, les deux principes généraux énoncés semblant se neutraliser réciproquement".

Autre point soulevé par les députés, le contenu du paragraphe de l’article 3 selon lequel il incombe aux juridictions nationales de déterminer si et dans quelle mesure une telle action collective, en vertu des règles nationales et du droit conventionnel applicable à cette action, ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre le ou les objectifs poursuivis, sans préjudice du rôle et des compétences de la Cour de justice. Les députés relèvent en effet qu’au-delà du droit européen, les droits sociaux collectifs, et notamment le droit de grève, sont pleinement garantis par des instruments juridiques supranationaux émanant d’institutions internationales comme l’OIT ou le Conseil de l’Europe. Mais ils s’interrogent aussi sur la plus-value apportée par ce projet de règlement à la jurisprudence existante. En effet, constatent-ils, "au lieu d’apporter la clarification nécessaire dans l’intérêt de la protection des droits sociaux, ce texte semble plutôt de nature à confirmer cette jurisprudence en renvoyant aux juridictions nationales l’obligation de soumettre le droit à mener des actions collectives, dans le contexte de la liberté d’établissement et de la libre prestation de services, à un contrôle de proportionnalité". Le projet de règlement s’inscrit ainsi "précisément dans l’esprit de la jurisprudence incriminée qui a limité les objectifs des actions collectives au respect des règles impératives de protection minimale", s’inquiètent les députés qui jugent donc "préférable de s’en tenir à l’application des mécanismes nationaux de règlement de conflits collectifs de travail".

Conclusion : "en subordonnant ainsi partiellement le droit de grève aux libertés économiques, la proposition de règlement va au-delà des compétences de l’Union européenne et ne respecte donc pas le principe de subsidiarité".