Pierre Moscovici, le nouveau ministre français de l'Economie, des Finances et du Commerce extérieur, a été reçu le 30 mai 2012 par Jean-Claude Juncker, Premier ministre du Luxembourg et actuel président de l’Eurogroupe. A l’ordre du jour de leur rencontre : la situation tendue dans certains pays de la zone euro et la façon dont il convient de compléter le pacte budgétaire par un agenda en faveur de la croissance pour faire sortir la zone euro de la crise.
Jean-Claude Juncker a en effet été chargé d’élaborer avec le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, le président de la Banque centrale européenne, Mario Draghi, et le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, en vue du Conseil européen formel des 28 et 29 juin 2012, un ensemble de propositions pour favoriser la croissance dans l’UE. L’entrevue avec Pierre Moscovici a donc servi à rassembler un certain nombre d’éléments qui devraient, au-delà de la croissance, être utiles pour approfondir la dimension économique de l’UE.
Pierre Moscovici a expliqué, lors d’une conférence de presse commune, avoir voulu venir rapidement se concerter avec Jean-Claude Juncker. L’entretien a mis en évidence "beaucoup de points de convergence". Le ministre français a souligné toute l’importance de retrouver la croissance dans l’UE. Car "si l'Europe n'est qu'austérité, n'est que punition, si l’Europe n’est que promesse de récession, alors l'Europe va se séparer des Européens", a-t-il mis en garde.
Pierre Moscovici a donc plaidé pour un agenda nouveau, pour des thèmes nouveaux dans l’UE, dont la croissance, qui est le souci majeur du nouveau président français, François Hollande. "Nous avons quelques semaines pour trouver la voie qui nous permettra de concilier la consolidation budgétaire et la croissance", a indiqué Pierre Moscovici qui a assuré que « la France respectera ses engagements en matière de consolidation budgétaire tant pour 2012, 4,5 % de déficit, que pour 2013, 3 % de déficit, tout en menant une politique de changement et de justice ». Pierre Moscovici, qui a mis en exergue les grandes attentes que la France quant au rôle de la BEI et des fonds structurels dans le cadre d’un agenda de la croissance, a également rendu un hommage appuyé au rôle de la BCE comme partie prenante de l’élaboration de l’agenda de la croissance.
L’union bancaire a été un autre élément soulevé lors de l’entrevue. La Commission européenne avait appelé le même jour à renforcer l'intégration de la zone euro à travers une "union bancaire" et en permettant à son fonds de sauvetage, le Mécanisme européen de stabilité (EMS), de participer directement à la recapitalisation des banques. Cette proposition est soutenue autant par Luxembourg que par Paris. Pierre Moscovici l’a jugée "nécessaire si nous voulons faire face aux différentes situations". Et Jean-Claude Juncker a déclaré : "Nous étions parmi ceux, les Luxembourgeois et moi en tant que président de l'Eurogroupe, à avoir proposé cette voie directe sans devoir passer nécessairement par les Etats. Comme j'étais convaincu de la justesse de ce mécanisme à l'époque, je suis content de voir réapparaître cette idée sur notre agenda."
Jean-Claude Juncker et Pierre Moscovici ont également défendu la création d'euro-obligations pour mutualiser une part des dettes des Etats de la zone euro, une idée qui est toujours rejetée par l’Allemagne. Jean-Claude Juncker a rappelé qu'il avait proposé dès 2010 la création d'euro-obligations ou "eurobonds". Mais, à l'époque, "on en a fait une telle caricature" en expliquant à tort qu'il s'agissait de "mutualiser l'ensemble des dettes publiques de tous les Etats membres de la zone euro" qu'il faudrait aujourd'hui "objectiver le débat", a estimé le Premier ministre luxembourgeois, pour qui il existe cinq ou six possibilités pour avancer. "Ce n'est pas une affaire d'idéologie", "c'est une affaire sérieuse qu'il faudra traiter", a-t-il insisté.
Les journalistes ayant abordé la question de la présidence de l’Eurogroupe, alors que le deuxième mandat de Jean-Claude Juncker vient à terme fin juin 2012, le Premier ministre leur avoir "dit à plusieurs reprises" son "intention de quitter la présidence de l'Eurogroupe". Il a ajouté avoir déjà dit que M. Schäuble lui "semblait être un homme d'Etat européen qui pouvait remplir cette fonction". "Mais nous n'en sommes pas encore là", a-t-il poursuivi, car plusieurs nominations européennes doivent être tranchées. "J'espère qu'elles le seront avant la fin du mois de juin", a-t-il dit. De son côté, Pierre Moscovici a déclaré : "Nous estimons que Jean-Claude Juncker préside remarquablement bien l'Eurogroupe", sans en dire davantage.