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Emploi et politique sociale
Année européenne du vieillissement actif et de la solidarité intergénérationnelle – Nicolas Schmit entend s’appuyer sur les travaux de recherche du CEPS pour préparer un projet de loi visant à favoriser le maintien en activité des seniors
03-05-2012


Dans le cadre de l’année européenne du vieillissement actif et de la solidarité intergénérationnelle, le Ministère du Travail et de l’Emploi a chargé le CEPS de mener un programme de recherche afin de faire le point sur la situation des travailleurs âgés au Luxembourg.Nicolas Schmit

En effet, partant du constat que "nous avons le privilège de vivre plus longtemps", comme l’a exprimé le ministre Nicolas Schmit, et des conséquences que cela a sur la société, la question de savoir comment vieillir dans de bonnes conditions se pose avec une grande acuité. Il s’agit de santé, mais aussi de reconnaissance sociale. Et dans ce cadre, se pose nécessairement la question de la relation entre âge et travail. Il faut donc se demander comment travailler plus longtemps dans de bonnes conditions. Cette réflexion est nécessaire à un moment où le temps où l’on pensait que les plus âgés devaient laisser la place aux jeunes sur le marché du travail est révolu. Une approche, illustrée par exemple par la "préretraite solidarité" encore en pratique au Luxembourg, sur laquelle on revient peu à peu. Le manque de main d’œuvre qualifiée auquel fait face l’Allemagne à l’heure où les baby-boomers commencent à partir à la retraite le montre bien. Et la réponse à cette "révolution", c’est le concept de vieillissement actif.

Frontaliers et résidents étrangers n'ont plus l'effet "rajeunissant" qu'ils avaient encore en 2003 sur la population active du Luxembourg

Le Luxembourg a une place un peu à part dans l’UE en matière de vieillissement de la population active. Ainsi, en 2003, le Grand-Duché disposait-il, en comparaison avec ses voisins, d’un "répit" en termes de vieillissement, la présence massive de frontaliers et d’immigrés, en moyenne plus jeunes que les résidents luxembourgeois, venant rajeunir la population active. La part des séniors de plus de 50 ans dans la population active occupée ne représentait que 13 %, contre 19 % en Belgique, 22 % en France et 24 % en Allemagne. La question du renouvellement des générations ou même de l’équilibre du système social se posait donc alors avec moins d’acuité au Luxembourg que dans l’Allemagne, la Belgique ou la France voisines.

Mais, constatent les chercheurs du CEPS, entre 2003 et 2011, la situation a évolué et le répit dont disposait le Grand-Duché n’est plus. Ainsi, en comparant les pyramides des âges en 2003 et 2011, on observe que la classe d’âge majoritaire dans la population active n’est plus celle des 35-39 ans, comme en 2003, mais celle des 40-44 ans. De façon plus générale, la pyramide s’est resserrée, ce qui témoigne d’un vieillissement important de la population active. Résultat, les plus de 50 ans représentent maintenant 19 % de la population active.

Quand on observe plus en détail l’âge moyen de la population active, qui est passé de 36,9 ans en 2003 à 39,7 ans en 2011, on se rend compte que l’âge moyen des résidents luxembourgeois, qui était de 39,1 ans est passé à 40,5 ans, alors que l’âge moyen des résidents étrangers et des frontaliers a lui connu une hausse plus forte, passant de respectivement 36,4 et 36,1 ans à 39,5 et 39,4 ans. Ces populations n'ont donc plus aussi nettement d'effet rajeunissant de la population active.

Le taux d’emploi des séniors, à savoir les 55-64 ans, est un indicateur européen qui était pris en considération dans la stratégie de Lisbonne : l’objectif était d’arriver en 2010 à un taux d’emploi de l’ordre de 50 % pour cette catégorie d’âge. Or, si le Luxembourg a connu une forte hausse de ce taux d’emploi entre 2001 et 2010 - il est en effet passé de 24,8 à 39,6 % -, le Grand-Duché reste bien en-deçà de la moyenne européenne, qui était de 46,3 % en 2010. Les taux d’emploi des séniors sont peu ou prou du même ordre en Belgique et en France, mais l’Allemagne, qui partait certes de 37,7 % en 2001, affiche un taux d’emploi des séniors de 57,7 %, bien au-dessus donc de l’objectif établi dans la stratégie de Lisbonne.

Un changement de paradigme en vue dans l'organisation de la vie professionnelle

Nicolas Schmit ajoute aux chiffres concernant les pays voisins l'expérience qu'il a pu observer dans des pays connus pour leur système social solide et qui ont dû faire des efforts pour adapter les conditions de travail au maintien dans l’emploi des seniors. Et face à ces chiffres, le ministre veut agir. Il prône un changement de paradigme dans l’organisation de la vie professionnelle. S’il est encore trop tôt pour détailler un texte dont nombre d’éléments sont en discussion, Nicolas Schmit a toutefois annoncé qu’un projet de loi proposerait des mesures favorisant le maintien en activité des seniors, en obligeant par exemple toute entreprise de plus de 150 salariés à établir un "plan d’action senior". Il y sera question, en fonction des spécificités de l’entreprise et des discussions avec les partenaires sociaux en son sein, des conditions de travail, d’un meilleur suivi sur le plan de la santé, mais aussi de formation tout au long de la vie, ou encore d’une organisation plus souple du travail.

Et, pour nourrir le débat qui va accompagner la proposition de loi sur le vieillissement actif qu’il entend soumettre en fin d’année, le ministre a demandé à l’équipe de chercheurs du CEPS de mener un programme de recherche qui permettra d’éclairer différents aspects du vieillissement actif et de la solidarité intergénérationnelle, mais aussi de donner des éléments de réflexions aux partenaires sociaux et aux politiques pour avancer vers des solutions à cette problématique qui est un véritable enjeu de la cohésion sociale.

La formation tout au long de la vie, enjeu essentiel du maintien dans l’emploi, notamment pour les travailleurs peu qualifiés

Ce programme de recherche s’articule autour des différents acteurs concernés par le vieillissement actif, à savoir les pouvoirs publics, qui ont un rôle indispensable, les entreprises, qui doivent pouvoir et vouloir maintenir les seniors dans l’emploi, et les travailleurs, qui eux aussi pouvoir et vouloir travailler plus longtemps, ce qui est loin d’être une évidence au Luxembourg notamment, où règne une culture de départ précoce à la retraite. Il s’agit ainsi de dresser un bilan des mesures prises au cours des dix dernières années par les pouvoirs publics, et de les mettre en perspective avec celles mises en œuvre par les voisins. Les chercheurs du CEPS veulent aussi dresser un nouveau bilan de la situation démographique des entreprises, mais aussi de leurs pratiques en matière de gestion des âges. Enfin, il va s’agir de faire le point de façon détaillée sur la situation des seniors sur le marché du travail, sur le recrutement des seniors, mais aussi leurs conditions de travail. Le CEPS entend aussi mener une analyse sur l’opportunité de faire de l’entreprenariat une alternative au travail salarié pour certains seniors. Enfin, la formation tout au long de la vie, élément central de toute politique de maintien dans l’emploi, va faire l’objet d’une attention Mireille Zanardelli, chercheuse au CEPS, a présenté la première publication consacrée au vieillissement actif le 3 mai 2012toute particulière, notamment pour les seniors peu qualifiés.

La première publication du CEPS, qui a été présentée par Mireille Zanardelli, fait justement le point sur le taux d’emploi des séniors en fonction de leur niveau de formation. Les chiffres de 2010 sont limpides. Plus les travailleurs sont qualifiés, plus ils travaillent longtemps : ainsi les seniors diplômés de l’enseignement supérieur ont-ils un taux d’emploi de 66,8 %, alors qu’il est de 34,6 % pour les personnes ayant un niveau secondaire supérieur ou post-secondaire non supérieur. Mais il est surtout de 24,9 % pour les seniors ayant un niveau primaire ou secondaire inférieur. Et c’est bien là qu’il faut agir en priorité, dans la mesure où ces travailleurs ont souvent les conditions de travail les plus pénibles. L’enjeu est donc non de les maintenir dans leur emploi, mais plus généralement dans l’emploi. Mais pour leur permettre une seconde carrière, il faut anticiper et mettre l’accent sur la formation continue tout au long de la vie. Le témoignage de Nicolas Schmit sur les difficultés qu’il y a dans le reclassement externe en témoigne, et il plaide pour que l’on se préoccupe de la mobilité professionnelle plus en amont.

Un dossier à suivre dans les prochains mois, en attendant la conférence qui va clôturer le projet de recherche en fin d’année, et la présentation du projet de loi.