Dans son édition du 26 avril 2012, l’hebdomadaire Le Jeudi s’est intéressé au 1er mai qui approchait à grands pas. L’occasion pour Michel Petit d’interroger André Roeltgen, de l’OGB-L, qui lui a expliqué que "sans l'Europe, les perspectives sont nulles". Aussi, son syndicat s’en occupe-t-il davantage depuis l’élargissement et la mise sur le marché de l'euro. "Tous les débats deviennent européens, que ce soit l'index, la liberté syndicale, la sécurité sociale, l'éducation ou le budget de l’Etat", témoigne André Roeltgen qui indique clairement que, pour un syndicat, "ne pas suivre ce qui se passe au niveau européen, ce serait se marginaliser". "Au CES également, nous remettons des rapports sur la politique européenne", précise encore André Roeltgen en concluant : "c'est capital pour la politique nationale au Luxembourg".
Les discours du 1er mai 2012 viennent corroborer ce constat : la politique européenne n’apparaît qu’en filigrane, mais elle est omniprésente. Tant dans le discours politique qu’a tenu Jean-Claude Reding, président de l’OGB-L, le 27 avril 2012 que dans celui que Patrick Dury, président du LCGB, a prononcé à Wasserbillig le 1er mai 2012.
Dans son discours, Jean-Claude Reding a bien insisté sur le public varié auquel il s’adressait : peu importe la nationalité, peu importe le lieu de résidence, pour le président de l’OGB-L, le fait de travailler au Luxembourg implique d’avoir des intérêts communs. Et la première revendication portée par le syndicat, c’est celle d’un dialogue social sérieux, qui permettrait, au-delà de la tripartite, d’avoir plus de démocratie dans le monde du travail. "Le Luxembourg est un microcosme complexe, multiculturel et il nous faut de ce fait veiller plus que d’autres à la cohésion démocratique de notre société", plaide en effet Jean-Claude Reding. Dans ce souci de parvenir à un dialogue constructif, il met en garde tant le patronat que le gouvernement : "Nous ne souhaitons pas le conflit", affirme-t-il, mais il prévient aussi que "la résistance est possible", et il la juge d’ailleurs "nécessaire" au vu de l’évolution sociale. Le leader syndical constate en effet que "le salariat paie pour la crise" et que les inégalités se sont nettement accentuées.
Dès lors, son mot d’ordre, véritable fil rouge du discours, fait le lien entre politique nationale et européenne : "Nous n’avons pas besoin d’une version allégée de la politique européenne d’austérité", clame ainsi Jean-Claude Reding. Le président de l’OGBL s’indigne du renforcement de la politique d’austérité au Luxembourg alors que le Grand-Duché, insiste-t-il, "respecte les critères de stabilité de l’UE et peut emprunter sans difficulté et à bas coût pour investir". "Notre dette est basse et il y aurait assez d’actifs pour pouvoir la rembourser directement si c’était nécessaire", ajoute-t-il avant de se demander pourquoi on parle d’une dette d’Etat importante et du déficit du budget de l’Etat. La réponse est simple, affirme Jean-Claude Reding, qui dénonce "un jeu sur une confusion entre différents volets des finances publiques". Ainsi, il est question du déficit de l’Etat central, qu’il ne nie pas, mais sans qu’il ne soit précisé que la sécurité sociale est excédentaire et qu’une partie des prestations sociales est financée par les impôts. Un système qui a permis de maintenir bas les charges annexes au salaire, et qui explique pourquoi les salaires réels sont plus élevés au Luxembourg que dans d’autres pays, commente le leader syndical. "Objectivement", juge Jean-Claude Reding, les finances publiques du Luxembourg sont "dans une bonne situation" et il n’y pas de raison de "faire dans le catastrophisme et de vouloir réduire encore les revenus de la majorité des gens".
Ce que dénonce le président de l’OGBL, c’est aussi le fait que les coupes budgétaires vont toucher la politique sociale, et ce au nom de la "sélectivité sociale". Et il s’attache à démontrer, exemples à l’appui, les effets de la politique en faveur de la famille du gouvernement, qui porte préjudice aux familles aux revenus moyens ou faibles.
Jean-Claude Reding, qui appelle de ses vœux des "réformes positives" dans le domaine du maintien dans l’emploi, du logement, des transports publics, de l’environnement, de l’éducation et de la formation ou encore de la sécurité publique, s’est longuement penché sur la question de la réforme du système de pensions, "réforme soi-disant structurelle" qu’il attaque frontalement, en appelant à modifier le projet de réforme.
Autre grief du président de l’OGB-L, "l’idéologie de la modération salariale et de la compétitivité", qui explique en partie l’évolution des salaires. "On a l’impression que la crise est utilisée pour augmenter les marges de profit au détriment des salaires", dénonce-t-il.
Et il appelle à la prudence en matière de fiscalité, pointant la montée des inégalités d’une part, mais aussi "l’hystérie qui règne en matière d’austérité et de dette". Or, s’inquiète Jean-Claude Reding, dans la majorité des propositions fiscales qui sont en discussion, ce sont ceux qui gagnent peu ou moyennement qui risquent d’être principalement touchés. Non pas qu’il s’oppose à toute augmentation d’impôt, mais il entend veiller à la justice sociale.
Le leader syndical s’inquiète des conséquences sociales, mais aussi économiques de la politique d’austérité menée au Luxembourg et en Europe. La politique d’austérité européenne va conduire "à une récession économique", va "aggraver les conséquences sociales de la crise et risque de conduire à une crise démocratique", craint Jean-Claude Reding, qui s’inquiète aussi à l'idée que "cette politique porte préjudice à l’idée européenne et au processus d’intégration européenne". "Elle renforce l’extrême-droite et le nationalisme en Europe", dénonce-t-il. "Il n’est pas étonnant que presqu’aucun pays ne consulte ses citoyens lors des décisions européennes importantes, comme le nouveau traité sur les règles à tenir en matière de politique budgétaire dans la zone euro, bien qu’il s’agisse là d’un transfert massif de souveraineté, bien qu’il soit question non seulement de politique monétaire, mais aussi fiscale et sociale", constate encore le président de l’OGB-L. Mais il s’étonne de voir l’empressement zélé du gouvernement luxembourgeois à suivre une politique critiquée non seulement par les syndicats, mais aussi par des économistes renommés, par les socialistes, les écologistes et la Gauche au Parlement européen, ou encore certaines figures du FMI. "Nous n’avons pas besoin d’un modèle luxembourgeois de la politique d’austérité bruxelloise", affirme encore Jean-Claude Reding qui plaide pour une politique qui défende le système social luxembourgeois, l’améliore et l’adapte aux nouveaux défis.
Dans le discours de Patrick Dury, la crise et ses conséquences économiques et sociales difficiles et dramatiques figuraient aussi en première place. Le président du LCGB, inquiet devant la montée du chômage structurel, et notamment celui des jeunes, a souligné l’importance de l’éducation et de la formation tout au long de la vie. "Il nous faut adapter le modèle que nous avons développé dans l’industrie sidérurgique luxembourgeoise à la situation actuelle", plaide Patrick Dury qui insiste, lui aussi, sur l’importance du maintien de la cohésion sociale au Luxembourg.
La "justice sociale" qu’il appelle de ses vœux et qui repose notamment sur la lutte contre le chômage et sur la formation, Patrick Dury n’en voit pas les effets dans le projet de réforme des pensions qui est sur la table. Le leader syndical s’en prend aussi à l’approche du gouvernement en matière de finances publiques. Il remet en question la crédibilité d’un gouvernement qui, après avoir reconnu que la situation n’était pas si dramatique, voit maintenant les choses d’un tout autre œil et appelle à économiser 500 millions d’euros. "Pour le LCGB, l’approche du gouvernement n’est plus compréhensible", a déclaré Patrick Dury qui regrette que, lors des dernières tripartites, les discussions se soient concentrées sur l’index, une approche qui a empêché selon lui de discuter des solutions socialement justes qui auraient pu être trouvées dans le cadre des finances publiques. Et il ne manque pas d’interpeller lui aussi le gouvernement sur le sens qu’il donne à la "sélectivité sociale" invoquée.
Patrick Dury, qui exige une politique solidaire et socialement juste, a donc appelé le gouvernement à réunir autour de la table les partenaires sociaux afin de discuter des finances publiques du Luxembourg. Car il juge nécessaire un dialogue social fort en cette période difficile, lui dont le syndicat qu’il préside se fait fort de placer l’humain au cœur de ses préoccupations.