Visite officielle d’une délégation de la Chambre des députés à Zagreb, entrevue entre les députés de la Commission des Affaires étrangères et européennes et le ministre des Affaires étrangères, Jean Asselborn : le 4 juin 2012, l’adhésion de la Croatie à l’Union européenne figurait à la une de l’agenda du parlement. La Croatie pourrait devenir le 28e pays membre de l’Union européenne, à condition que tous les pays membres de l'Union ratifient son adhésion avant le 1er juillet 2013. Pour lancer le processus de ratification au Luxembourg, qui a signé l’acte le traité d’adhésion le 9 décembre 2011, le gouvernement a déposé le 4 avril 2012 le projet de loi 6423, sur lequel la Chambre des députés devrait se prononcer dans les prochains mois.
Les Croates se sont déjà prononcés. Le 22 janvier 2012, un référendum a eu lieu et les électeurs croates ont voté à hauteur de 66,72 % pour l’adhésion de la Croatie à l’Union européenne. Le taux de participation était néanmoins seulement de 43,5 %, comparé à 54 % aux dernières élections parlementaires en décembre 2011. En pratique, cela veut dire que 28,7 % seulement des Croates en âge de voter ont donné leur voix en faveur de l’adhésion à l’UE.
L’accord du Parlement européen, en décembre 2011, qui a été un préalable au lancement de la procédure de signature et ensuite de ratification par les Etats membres, a été large.
Les eurodéputés avaient néanmoins souligné qu'ils allaient suivre le processus de contrôle de préadhésion, et avaient demandé à la Commission de tenir le Parlement régulièrement informé des progrès réalisés par les autorités croates quant au respect des engagements pris par le pays lors des négociations.
Les députés avaient invité Zagreb à s'attaquer aux défis qui subsistent, en particulier dans les domaines des réformes judiciaires, et de la lutte contre la corruption et le crime organisé. Ils avaient également instamment invité la Croatie à multiplier ses efforts en vue de poursuivre en justice les crimes de guerre, de respecter l'ensemble des recommandations du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie et d'encourager le retour des réfugiés de guerre, en particulier les Serbes. Finalement, les députés avaient demandé à la Croatie de continuer les réformes structurelles, d'encourager l'emploi en relançant le marché du travail, et de poursuivre l'assainissement fiscal afin d'améliorer la compétitivité.
Le député européen luxembourgeois Robert Goebbels s’était abstenu. Son motif : "La Croatie est assurément un Etat ayant vocation à devenir membre de l'Union européenne", mais ce nouvel élargissement intervient selon lui "au mauvais moment".
Le ministre Jean Asselborn a expliqué à la Chambre des députés que vu que la Croatie est située aux frontières extérieures de l’Union, le pays pourra bénéficier de crédits liés à la sécurité et à la lutte contre le trafic illicite. Le pays devrait en plus percevoir entre 2013 et 2015 plusieurs milliards d’euros provenant de fonds européens destinés à relancer la croissance économique. Il a aussi mis en exergue que les aides à la préadhésion ont régulièrement fait l’objet de rapports spéciaux de la Cour des comptes européenne, afin d’éviter des erreurs commises lors de certaines procédures d’adhésion précédentes.
L’adhésion à l’Union européenne repose sur le principe fondamental de la reprise de l’acquis communautaire. L’acquis communautaire représente à lui seul plus de 85.000 pages de règlements, directives, décisions, positions ou actions communes publiés au Journal Officiel des Communautés européennes. La complexité de l’exercice que constitue la transposition de cet acquis et l’effort imposé aux nouveaux membres entraînent, comme cela a été le cas lors des précédents élargissements, des exceptions sous la forme de périodes transitoires.
Ainsi des périodes de transition ont aussi été accordées à la Croatie dans de nombreux domaines pour lui permettre de continuer, au-delà de la date d’adhésion à l’Union européenne, l’adaptation de ses politiques internes et de ses infrastructures conformément aux prescriptions de l’acquis dans certains des secteurs les plus sensibles, en particulier la libre circulation des capitaux, l’environnement et les transports.
Concernant la libre circulation des personnes, les Etats membres actuels peuvent décider, jusqu’à deux ans suivant la date d’adhésion, d’appliquer des mesures nationales, ou des mesures résultant d’accords bilatéraux, qui réglementent l’accès des ressortissants croates à leur marché du travail. Ces mesures peuvent être prolongées jusqu’à la fin de la période de cinq ans suivant la date d’adhésion, par exemple si un Etat membre estime que son marché du travail subit ou est menacé de subir des perturbations graves, et même, le cas échéant jusqu’à sept ans après l’adhésion. Au-delà de cette période, ce genre de mesures ne peut être prolongé que si des indications pertinentes sont fournies à la Commission.
Un Etat membre actuel qui applique des mesures nationales peut décider, en application de son droit interne, d’accorder une plus grande liberté de circulation que celle existant à la date d’adhésion, y compris un accès complet au marché du travail.
Dans tous les cas, réciprocité oblige, lorsque ces mesures transitoires sont appliquées par les Etats membres actuels, la Croatie peut maintenir en vigueur des mesures équivalentes en ce qui concerne les ressortissants de l’Etat membre ou des Etats membres en question.
L’acquisition de terres agricoles par des ressortissants (y compris les personnes morales) des Etats membres ou des Etats parties à l’accord sur l’Espace économique européen (accord EEE) qui ne résident pas en Croatie, reste soumise aux règles nationales pendant une période de sept ans pour les terres agricoles.
Des mesures transitoires sont également prévues pour permettre à la Croatie d’adapter sa législation en matière d’agriculture.
Du côté de la PAC, le remboursement des paiements directs octroyés aux agriculteurs pour l’année 2013 est subordonné à l’application par la Croatie, avant son adhésion, de règles identiques à celles prévues pour ce type de paiements directs dans les règlements européens existants.
En ce qui concerne la sécurité des aliments et la politique vétérinaire et phytosanitaire, des dérogations et mesures transitoires sont introduites pour les poules pondeuses; les établissements de viande, de lait, de poisson et de sous-produits d’animaux; la commercialisation des semences; et les contrôles vétérinaires pour les produits en provenance de pays tiers.
La Croatie étant un pays avec une façade maritime de plus de 1700 km et qui compte plus de 1100 îles, c’est dans le domaine de la politique des transports maritimes qu’une première mesure de transition concerne la libre circulation des services aux transports maritimes à l’intérieur des Etats membres a été prise.
Les services de croisière assurés entre des ports croates par des navires jaugeant moins de 650 tonnes brutes sont réservés à des navires immatriculés en Croatie et battant pavillon croate, fournis par des compagnies de navigation établies conformément à la législation croate, dont le principal établissement est situé en Croatie et dont le contrôle effectif est exercé en Croatie.
En guise de réciprocité, et ce jusqu’au 31 décembre 2014, la Commission pourra refuser aux navires croates, si un Etat membre le demande, d’offrir des services de croisière entre les ports de certaines régions d’un Etat membre autre que la Croatie, s’il est démontré que ces services perturbent gravement le marché intérieur des transports dans les régions concernées.
Une deuxième mesure stipule que ni les transporteurs croates, ni les transporteurs des Etats membres actuels ne peuvent intervenir sur le marché des transports routiers nationaux de l’autre partie et ce pour une période de deux ans, prolongeable de deux ans avec la possibilité d’invoquer pendant quatre ans à partir de la date d’adhésion une mesure de sauvegarde si un Etat membre actuel subit une perturbation grave, réelle ou potentielle, de son marché.
Dans le domaine de la fiscalité, des mesures transitoires permettront à la Croatie de déroger temporairement à certaines règles concernant l’harmonisation des législations des Etats membres relatives à l’accise sur les cigarettes et au système commun de taxe sur la valeur ajoutée.
L’Acte d’adhésion énumère aussi un certain nombre de dispositions spéciales dans le domaine de l’environnement dans la législation horizontale sur l’environnement, le système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans l’Union européenne et dans les domaines de la qualité de l’air, de la gestion des déchets, de la qualité de l’eau, de la prévention et de la réduction intégrées de la pollution ainsi que des produits chimiques.
Une des nouveautés dans ce traité d’adhésion est le système de monitoring qui a été mis en place suite à la demande d’un certain nombre d’Etats membres.
Il concerne d’abord le chapitre qui a trait au pouvoir judiciaire et aux droits fondamentaux. L’Union européenne avait fixé dix benchmarks de clôture en matière de réforme judiciaire, de lutte contre la corruption et la criminalité organisée, de droits fondamentaux et de coopération avec le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie. La Commission surveillera les progrès de mise en œuvre de la Croatie dans ces domaines de près. A l’automne 2012, la Commission européenne présentera un premier rapport de suivi complet au Parlement européen et au Conseil. Si des problèmes sont constatés au cours de la période de préadhésion, le Conseil pourrait statuer à la majorité qualifiée et sur proposition de la Commission européenne, de prendre des mesures appropriées à l’encontre de la Croatie.
L’Acte d’adhésion prévoit aussi trois clauses de sauvegarde afin de faire face à d’éventuelles lacunes graves, concernant :
Dès son adhésion, la Croatie doit verser le montant de 42,72 millions d’euros qui correspond à sa quote-part du capital versé au titre du capital souscrit de la Banque européenne d’investissement. Ce montant sera versé en huit tranches égales dès son adhésion et jusqu’en 2018. La Croatie contribue aussi en huit tranches égales aux réserves constitué par le solde du compte de profits et pertes tels qu’ils figurent au bilan de la Banque européenne d’investissement, pour des montants correspondant au pourcentage de 0,368 %.
Au Fonds de recherche du charbon et de l’acier, la Croatie doit verser le montant de 494.000 d’euros qui sera subdivisé en quatre paiements (15 %, 20 %, 30 %, 35 %).
Pour la première année suivant l’adhésion, l’Union européenne apporte à la Croatie une aide financière temporaire ("facilité transitoire") pour développer et renforcer sa capacité administrative et judiciaire à mettre en œuvre et à faire respecter le droit de l’Union européenne et à favoriser l’échange de bonnes pratiques entre pairs. Cette aide finance des projets de renforcement des institutions et de petits investissements limités qui sont accessoires à ceux-ci. L’aide répond à la nécessité permanente de renforcer la capacité institutionnelle dans certains domaines au moyen d’actions qui ne peuvent pas être financées par les fonds structurels ni par les fonds de développement rural. Les crédits d’engagement destinés à la facilité transitoire pour la Croatie sont, en prix courants, de 29 millions d’euros au total en 2013, afin de traiter des priorités nationales et horizontales.
Une facilité Schengen est créée en tant qu’instrument temporaire pour aider la Croatie entre la date d’adhésion et la fin de l’année 2014 à financer des actions aux nouvelles frontières extérieures de l’Union européenne en vue de l’application de l’acquis de Schengen et des contrôles aux frontières extérieures. Pour la période comprise entre le 1er juillet 2013 et le 31 décembre 2014, des montants de 40 millions EUR en 2013 et 80 millions d’euros en 2014 sont mis à la disposition de la Croatie sous la forme de paiements forfaitaires provenant de la facilité Schengen temporaire. Ces paiements forfaitaires doivent être utilisés dans les trois ans à compter de son adhésion à l’Union européenne.
Une facilité de trésorerie est créée en tant qu’instrument temporaire pour aider la Croatie entre la date d’adhésion et la fin de l’année 2014 à améliorer la trésorerie du budget national. Pour la période comprise entre le 1er juillet 2013 et le 31 décembre 2014, des montants de 75 millions d’euros en 2013 et 28,6 millions d’euros en 2014 sont mis à la disposition de la Croatie sous la forme de paiements forfaitaires provenant de la facilité de trésorerie temporaire.
Dans le cadre des fonds structurels et du Fonds de cohésion un montant total de 449,4 millions d’euros est mis à la disposition de la Croatie pour 2013. Un tiers de ce montant est réservé au Fonds de cohésion. Pour ce qui est de la période couverte par le prochain cadre financier, les montants devant être mis à la disposition de la Croatie en crédits d’engagement au titre des fonds structurels et du Fonds de cohésion sont calculés sur la base de l’acquis de l’Union européenne qui sera alors applicable. Ces montants sont adaptés conformément au calendrier d’introduction progressive suivant: 70 % en 2014, 90 % en 2015,100 % à compter de 2016.
Dans la mesure où le nouvel acquis de l’Union européenne le permet, il est procédé à un ajustement pour garantir une augmentation des financements en faveur de la Croatie de 2,33 et 3 fois le montant de 2013 respectivement pour 2014 et 2015.
Le montant total devant être mis à la disposition de la Croatie dans le cadre du Fonds européen pour la pêche en 2013 s’élève à 8,7 millions d’euros en crédits d’engagement. Pour ce qui est de la période couverte par le prochain cadre financier, les dispositions sont les mêmes que pour les fonds structurels, respectivement le Fonds de cohésion.
La Croatie ne percevra par contre pas de fonds venant du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader). Néanmoins, en 2013, la Croatie se voit attribuer 27,7 millions d’euros au titre du volet "développement rural".
Dans la deuxième partie de l’acte relatif aux conditions d’adhésion à l’Union européenne de la Croatie sont, entre autres, précisés les adaptations à apporter aux textes sur les institutions de l’Union européenne.
A partir de l’adhésion de la Croatie, la Cour de justice de l’Union européenne sera composée de vingt-huit juges et de huit avocats généraux. Le Tribunal sera lui aussi composé de vingt-huit juges.
En ce qui concerne la Banque européenne d’investissement, le conseil d’administration sera composé de vingt-neuf administrateurs (un administrateur désigné par chaque Etat membre et un désigné par la Commission européenne) et de dix-neuf suppléants. Elle sera dotée d’un capital de 233.247.390.000 d’euros souscrit par les Etats membres. La Croatie contribuera avec 854 millions d’euros.
Pour le Parlement européen une dérogation est apportée au nombre maximal de sièges prévu par les traités, pour tenir compte de l’adhésion de la Croatie. Le nombre de membres du Parlement européen est accru de douze membres croates, pour la période allant de la date d’adhésion à la fin de la législature 2009-2014 du Parlement européen. La Croatie procède, avant la date d’adhésion, à l’élection ad hoc au Parlement européen de ces douze membres ce qui portera le nombre total des députés au Parlement européen à 766 plus le président.
Au Conseil européen et au Conseil, la Croatie disposera de 7 voix. Les délibérations à la majorité qualifiée seront acquises si elles ont recueilli au moins 260 voix exprimant le vote favorable de la majorité des membres.
En ce qui concerne la composition de la Commission européenne, il faut noter qu’un ressortissant croate est nommé à la Commission européenne à compter de la date d’adhésion et jusqu’au 31 octobre 2014. Il sera nommé par le Conseil statuant à la majorité qualifiée et d’un commun accord avec le président de la Commission, après consultation du Parlement européen.
Pour tenir compte de l’adhésion de la Croatie, le nombre de membres du Comité économique et social est temporairement augmenté à 353 pour la période allant de la date d’adhésion à la fin du mandat au cours duquel la Croatie adhère à l’Union européenne. Le nombre ses représentants sera de 9. Il en sera de même pour le Comité des régions.
Le Luxembourg a appuyé le processus d’élargissement de l’Union européenne depuis ses débuts. Il a veillé tout au long des négociations à ce que les principes du mérite propre et de l’évaluation objective de la transposition de la législation communautaire par la Croatie soient scrupuleusement respectés.
D’un autre côté, le Luxembourg a étoffé ses relations bilatérales avec la Croatie. Le renforcement des relations bilatérales a notamment conduit à l’accréditation en 2011 d’un Ambassadeur luxembourgeois en Croatie avec résidence à Luxembourg et à une visite officielle du Grand-Duc en Croatie en juin 2010.
Sur le plan des relations économiques bilatérales, la Croatie est depuis des années le premier partenaire commercial du Luxembourg situé dans la région des Balkans occidentaux.
La Croatie a également cherché à approfondir ses relations avec le Luxembourg avec l’objectif de tirer des enseignements de son expérience et savoir-faire en matière européenne. Ainsi des entrevues régulières au niveau ministériel ont eu lieu entre des ministres luxembourgeois et croates.
Ces contacts à divers niveaux ont conduit à la mise en œuvre de projets dans les domaines de l’assistance économique et technique, de la formation et de l’aide humanitaire. Ces projets ont notamment permis l’organisation de séminaires offrant à l’administration publique et aux institutions judiciaires croates des formations en matière de droit européen organisées par l’antenne luxembourgeoise de l’Institut européen d’administration publique.
Dans le même contexte, le "European Journalism Centre" a organisé des réunions et visites en faveur de journalistes croates afin de les familiariser avec le fonctionnement des institutions de l’Union européenne, notamment celles situées à Luxembourg.
Finalement, le Luxembourg participe aux efforts de modernisation de la Croatie dans le secteur financier via la formation de spécialistes bancaires croates organisée par l’Agence de transfert de technologie financière (ATTF).