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Énergie
La Chambre des députés a donné son aval à une nouvelle phase de la libéralisation des marchés du gaz et de l’électricité décidée au sein de l’UE après un débat sur l’orientation générale de la politique énergétique du pays
03-07-2012


www.chd.luLe 3 juillet 2012, la Chambre des députés a adopté deux lois qui transposent les directives européennes 2009/72/CE et 2009/73/CE du 13 juillet 2009 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et du gaz. Ces deux directives appartiennent au troisième paquet énergétique, adopté après ceux de 1998 et de 2003. Il vise à instaurer des règles communes en matière de production, de transport, de distribution et de fourniture d'électricité et de gaz.

Dans la législation nationale, ces deux lois viennent remplacer celles du 1er août 2007 qui définissaient les modalités d’organisation et de fonctionnement de ces deux secteurs énergétiques, l’accès au marché, les critères et procédures applicables en ce qui concerne les appels d’offres et les autorisations de capacités de production, ainsi que l’exploitation des réseaux.

"Avec ces projets dans leur majeure partie identique, nous transposons de nouvelles règles européennes dans le droit national mais en même temps nous posons des jalons pour une politique énergétique qui nous est propre, ambitieuse et qui met l'accent sur le développement durable et l'efficacité économique", a déclaré le rapporteur du projet de loi, Alex Bodry, avant d'inviter les députés à voter en faveur du texte. Au final, 52 des 59 députés se sont prononcés en faveur de chaque texte. Echaudés par la politique énergétique du gouvernement, les sept députés écologistes ont décidé de ne pas donner leur accord aux textes qui manqueraient le virage énergétique.

Le texte apporte des changements sensibles en ce qui concerne l'indépendance de l'autorité de régulation, le renforcement des droits des consommateurs et les critères d'autorisation orientés vers les objectifs énergétiques européens. Ainsi, les nouvelles règles d’organisation ont pour objectif de développer "un marché de l’électricité concurrentiel, sûr et durable sur le plan environnemental et permettent aux Etats membres d’imposer aux entreprises d’électricité des obligations de service public", résume l'exposé des motifs du projet de loi relative à l’organisation du marché de l’électricité.

Les droits de consommateurs sont renforcés 

Les deux lois introduisent des dispositions nouvelles concernant le droit d’accès aux données pertinentes de consommation, les modalités en cas de changement de fournisseur, la création de guichets uniques offrant aux consommateurs les informations nécessaires concernant leurs droits, la législation en vigueur et les voies de règlement des litiges à leur disposition en cas de litige.

"Les clients doivent disposer du droit de choisir leur fournisseur d’électricité et d’en changer facilement." Le délai à l'issue duquel les opérateurs doivent avoir réalisé le changement est fixé à trois semaines contre "un à deux mois" pour l'heure, comme l'a fait remarquer le rapporteur du projet de loi, Alex Bodry. En effet, ce délai est réduit d’un mois, "à compter du premier jour du mois suivant la demande du client", à trois semaines, "à compter de la demande du client". De même, le client ne doit pas avoir de frais spéciaux s'il change.

A l'inverse, les délais s'allongent pour ce qui est des retards de paiement de factures par des familles en difficultés financières. La coupure d'électricité et de gaz ne peut désormais intervenir qu'après un mois de non paiement, contre quatorze jours avant l'entrée en vigueur de cette loi.

D'autre part, les fournisseurs d'énergies sont tenus d'informer les clients sur la composition de l’électricité et sur l’impact environnemental causé de la même manière que leurs droits en cas de litige doivent leur être exposés. Par ailleurs, le projet de loi prévoit que le régulateur doit mettre en ligne un ou plusieurs guichets uniques afin de fournir aux consommateurs l’ensemble des informations nécessaires concernant leurs droits, la législation en vigueur et, le cas échéant, les voies de règlement des litiges à leur disposition.

En conséquence, le contrat de fourniture pour un client résidentiel doit préciser, en plus de ce qui était prévu auparavant:

  • le délai nécessaire au raccordement initial,
  • l’existence d’une clause de résiliation sans frais du contrat,
  • les compensations et les formules de remboursement éventuelles qui doivent désormais être d’application lors d’une facturation inexacte et retardée,
  • la communication de façon claire, sur les factures ou sur le site internet de l’entreprise de gaz naturel, d’informations concernant les droits des consommateurs,
  • faire en sorte que les clients résidentiels puissent disposer de leurs données de consommation et donner accès à leurs relevés de consommation, par accord exprès et gratuitement, à toute entreprise enregistrée en tant que fournisseur,
  •  mettre à disposition du client résidentiel, à la suite de tout changement de fournisseur de gaz naturel, un décompte final de clôture, dans un délai de six semaines après que ce changement a eu lieu, 
  • tenir le client dûment informé de sa consommation réelle de gaz et des coûts s’y rapportant, à une fréquence suffisante pour lui permettre de réguler sa propre consommation de gaz, sachant qu' "il y a lieu de prendre dûment en compte le rapport coût-efficacité de telles mesures" et que "ce service ne donne lieu à aucun surcoût pour le consommateur".

La Chambre des salariés est la chambre professionnelle la plus enthousiaste en ce qui concerne le renforcement de la protection du consommateur. "Afin que l’ouverture du marché et la liberté de choisir le fournisseur de gaz naturel puissent vraiment produire leurs effets bénéfiques, il faut une véritable transparence dans l’information offerte aux consommateurs. En effet, l’ouverture du marché ne doit pas avoir pour conséquence des avantages offerts aux seuls gros clients et grands fournisseurs d’énergie. Les ménages doivent également en bénéficier", a-t-elle fait savoir dans son avis.

Le comptage intelligent d'ici la fin de l'année 2018

La loi définit également un cadre et un calendrier pour le déploiement d’une infrastructure nationale commune et interopérable de comptage intelligent. Ce type de comptage détaillé de la consommation d'énergie permet la participation active des consommateurs au marché de l’électricité. Une étude menée en février 2011 avait convaincu le gouvernement qu'il est techniquement possible de le faire dans tout le pays.

La loi fixe ainsi à juin 2015 au plus tard le début des travaux pour une mise en place définitive sur l'ensemble du territoire fixé à fin 2018 pour l'électricité et 2020 pour le gaz. L'autorité de régulation est chargée de définir à ses fonctionnalités, en consultant les opérateurs. Ces opérateurs travaillent déjà ensemble sur le projet, pour ce qui est du développement technique. Ils pourraient à cette fin créer un Groupement d'intérêt économique.

Un seul système commun pour le gaz naturel et l’électricité sera créé "en vue d’une solution optimale sur le plan organisationnel et sur le plan économique". L’eau et la chaleur pourraient y être ajoutées ultérieurement.

La Chambre des salariés et la Chambre des métiers ont toutefois mis en garde sur la protection de la vie privée des consommateurs. "La précision des compteurs et la liaison constante qu’ils entretiennent avec les fournisseurs d’électricité et de gaz sont jugées préoccupantes", écrivait la CSL dans son avis. La Chambre des métiers, par ailleurs, estimait que le comptage intelligent ne suffisait peut-être pas. Elle suggérait qu'il fallait "suivre également le consommateur par un conseil adapté afin qu’il change son mode de comportement si l’on veut aboutir à une réduction de la consommation d’énergie".

La Chambre de Commerce est d’avis qu’il serait plus utile de prévoir un texte légal transversal couvrant l’ensemble des marchés similaires et donc non seulement les réseaux de distribution de l’électricité et du gaz, mais également d’autres réseaux comme celui de l’eau.

Objectifs de la politique énergétique

Le texte garantit un accès aux réseaux pour les énergies produites en recourant à des sources d’énergie renouvelables.

"A côté de la sécurité, la régularité, la qualité et le prix de la fourniture, ainsi que de la protection de l’environnement, y compris l’efficacité énergétique, la protection du climat, le projet de loi ajoute l’énergie produite à partir de sources d’énergie renouvelables aux obligations de service public", dit l’exposé des motifs.

Ainsi, le double objectif européen d'atteindre à l'horizon 2020 une part de 20 % de renouvelables dans la consommation d'énergie et d'améliorer de 20 % l'efficacité énergétique est hissé au rang de mission du service public. Il deviendra de ce fait un critère, au même titre que la sécurité, la sûreté et la protection de la santé, pour décider de la délivrance de l'autorisation de créer de nouvelles capacités de production.

Alex Bodry considère ces règles comme un rempart à "la discrimination des énergies renouvelables" qui préparent le terrain en cas d'essor futur de ces énergies au Luxembourg.

L'indépendance du régulateur est renforcée

Le régulateur, en l'occurrence l'Institut luxembourgeois de Régulation (ILR), acquiert une autonomie de fonctionnement. Il devrait désormais pouvoir prendre ses décisions de manière indépendante. Les lois jumelles de 2007 soumettaient ses décisions à l'approbation ministérielle. Cette pratique est abandonnée mais est toutefois remplacée, au grand dam du Conseil d'Etat qui a dénoncé cette disposition, par une procédure permettant au ministre d’introduire une "demande en reconsidération". Cette demande devra toutefois être motivée par des orientations de politique énergétique. Le rapporteur, Alex Bodry, a également souligné que lorsqu'elle reconsidérera sa décision, l'ILR tranchera en toute autonomie.

L'introduction d'une "demande en reconsidération" est permis par le recours à une dérogation, prévue par chacune des deux directives, concernant l’indépendance du gestionnaire de réseau de transport ainsi que les dispositions qui en découlent. Le Luxembourg, ainsi que Chypre et Malte, sont autorisés à ne pas tenir compte de la dissociation des réseaux de transport et des gestionnaires de réseau de transport, "en raison de leurs réseaux isolés et du nombre relativement restreint de clients connectés à ces réseaux".

L'ILR jouera aussi un rôle nouveau dans la stimulation du marché. Elle reçoit la possibilité de mettre en place des instruments d'incitation "dans le cadre des méthodes et tarifs d’utilisation des réseaux et services accessoires". "Ces incitations n'interviendront pas seulement dans le domaine de la réduction des prix mais aussi pour la haute qualité de l'approvisionnement", a précisé Alex Bodry. Les mesures incitatives devraient ainsi encourager les gestionnaires de réseau à améliorer les performances, à favoriser l’intégration du marché et la sécurité de l’approvisionnement ainsi qu'à soutenir les activités de recherche connexes.

De surcroît, la loi instaure un cadre pour une collaboration accrue de l'ILR aux niveaux régional et international et plus précisément avec la nouvelle agence de coopération des régulateurs de l’énergie.

L'électromobilité reçoit une base légale

La différence majeure entre les deux projets de loi est que celui consacré au marché de l'électricité introduit, suite à un amendement, une base légale pour la transposition d'un concept national de l'électromobilité. Les bornes de rechargement pour les véhicules électriques appartiennent par ce biais au réseau public et les frais d'adhésion au réseau seront payés par le client. La loi prévoit que l'Etat puisse participer à la création et à l'entretien de ces installations publiques. 

Le gouvernement veut voir ce qui va se passer sur le terrain, après avoir reçu les résultats d'une étude en décembre 2011, confiait le rapporteur. Un partenariat entre communes, Etat et opérateurs privés, est envisagé pour le développement de l'électromobilité. Le gouvernement a pour objectif que 40 000 voitures circulant en 2020, soit 10 % du parc roulant national, soient électriques tandis que 850 bornes de charge publiques pour voitures électriques seraient installées d'ici 2020.

Question de l'énergie nucléaire

Dans le cadre du projet de loi sur le marché de l'électricité, à l'instigation des Verts, il fut débattu la possibilité d'intégrer l'interdiction de l'importation de l'énergie nucléaire dans le réseau national. Toutefois, rapportait Alex Bodry, il ne semblait pas pertinent de l'introduire dans un texte national alors que le marché européen fonctionne selon le principe de la libre circulation des biens et des services et que le Luxembourg est membre d'Euratom.

Gérer les cas de contrôle d’un réseau de transport ou d’un gestionnaire de réseau de transport par un pays non membre de l’Union européenne

La loi prévoit dans ce cas que l’autorité de régulation, informée par le propriétaire du réseau de transport, demande les avis de la Commission européenne et du Commissaire du Gouvernement à l’Energie avant de donner sa décision définitive "d’inscrire, de maintenir, de modifier ou de rayer un gestionnaire de réseau de transport de la liste publiée au Journal officiel de l’Union européenne". Le gestionnaire de transport serait alors rayé de cette liste au cas où l'absence de mise en péril de l’approvisionnement énergétique nationale ou de l’Union européenne n'a pas été démontrée.

Le débat

Le CSV pour un raccordement du réseau électrique luxembourgeois aux réseaux de ses trois voisins, dont la France

Félix Eischen a parlé dans son intervention au nom du CSV des processus techniques qu’amèneront les nouvelles lois, mais aussi du marché de l’énergie et de sa durabilité, du fait que le marché intérieur de l’énergie pose problème dans les domaines du gaz et de l’électricité, dans la mesure où il y a peu de concurrence loyale et pas assez de protection des consommateurs. Il a rappelé comment le Luxembourg était passé en 2007 par une première phase de libéralisation du marché de l’énergie pour ce qui est de ses pôles de production et fourniture ainsi que de transport et distribution. Le nouveau paquet de lois va renforcer les droits des consommateurs, la sécurité de l’approvisionnement, garantir l’accès aux énergies renouvelables, contribuer à la propagation de la mobilité électrique et à l’indépendance du régulateur.

Il a mis en exergue les difficultés des fournisseurs pour mettre en œuvre les droits d’un consommateur supposé bien informé par le comptage intelligent et censé prendre ses responsabilités pour "optimiser son comportement énergétique", puisque ce comptage devrait être d’application auprès de 95 % des clients pour l’électricité en 2018 et pour le gaz en 2020. Par ailleurs, ce consommateur pourra accumuler son propre courant et délester les réseaux.

Félix Eischen a ensuite voulu parler de la politique de l’énergie en général. Les prix et la sécurité de l’approvisionnement doivent attirer l’activité industrielle vers le Luxembourg  et non pas la détourner du pays. C’est pourquoi il lui semble important que le Luxembourg dispose d’une société de réseau nationale qui assure cette sécurité et aussi la qualité des infrastructures qui acheminent l’énergie. Enovos est censé remplir cette fonction et assurer une certaine indépendance énergétique. 

Le député a salué les connexions du réseau luxembourgeois avec les réseaux allemand et belge, mais regretté que ce ne soit pas encore le cas avec la France, vu les problèmes qui se posent autour des conduites électriques de la SOTEL. Le CSV, a-t-il déclaré, est en faveur de cette connexion avec les trois voisins du Luxembourg, donc aussi la France, et cela ne signifie en rien que le pays se prononce en faveur de l’énergie nucléaire. Mais comme les industries du pays sont de gros consommateurs en énergie, il faut tout faire pour leur assurer des prix compétitifs.

Le pays doit également parier sur les énergies renouvelables, et vu son faible potentiel local, investir à l’étranger. Il faut parler un langage commun dans l’UE quand il est question d’énergie, pense Félix Eischen, et cela passe autant par la connexion avec la France que par la recherche et l’exploitation de nouvelles ressources, comme l’énergie solaire du Maghreb. Il est convaincu que le Luxembourg devrait participer aux parcs solaires et aller plus vers ces pays pour échapper en partie à la dépendance de la Russie. Il a alors lancé un appel au gouvernement afin qu’il bouge un peu plus et a plaidé pour que le programme de l’ancien ministre de l’Economie, Jeannot Krecké, de construire 90 grandes éoliennes sur le sol du Luxembourg avant 2020 soit mis en pratique et que les communes s’engagent davantage pour utiliser les terrains répertoriés à cette fin. Il a aussi évoqué le biogaz et la fermentation du lisier, cette dernière étant capable de produire l’équivalent de 24 millions de litres de carburant par an. Il a finalement salué les projets liés à la mobilité électrique avec les 850 bornes qui seront installés à travers le pays et marqué l’accord de son groupe politique aux projets de transposition des directives.

Paul Helminger du DP a aussi donné son accord aux projets, car ils constituent un pas important dans la bonne direction. Le libéral prévoit des temps d’adaptation chez les consommateurs et les fournisseurs, pas mal de problèmes pratiques en cas de changement de fournisseur. Convaincu que le comptage intelligent prendra le temps nécessaire pour entrer dans les mœurs, comme cela a été le cas pour l’Italie et les Pays-Bas, il a souhaité la création ou la convergence vers un réseau unique pour l’eau aussi, pas seulement pour le gaz et l’électricité.

Pour les Verts une occasion pour accélérer le changement de paradigme énergétique

C’est Henri Kox des Verts qui a ensuite occupé la tribune pendant une quarantaine de minutes pour "cracher dans la soupe". Sur de nombreux points, il a exprimé son désaccord et développé une vision en partie différente de la libéralisation des marchés du gaz et surtout de l’électricité, le gaz posant pour lui moins de problèmes comme "technologie de transition vers les énergies renouvelables".

Il a fait le constat que la Grande Région a maintenant un acteur dominant pour les réseaux et l’électricité, et c’est Enovos. Les Verts sont d’avis que les réseaux devraient appartenir à l’Etat à 100 %. Ils n’ont donc pas été heureux lorsque les parts d’Enovos qu’Arcelor Mittal a vendues n’ont pas été achetées par l’Etat luxembourgeois. Pour qu’un approvisionnement  durable en énergie puisse être garanti, il faut des réseaux pour connecter un maximum d’acteurs. Cela a été selon lui une erreur du gouvernement luxembourgeois de ne pas être allé dans cette direction. Il a mis en garde contre la tentation des investisseurs privés dans les réseaux de se laisser garantir un rendement mais aussi de laisser se dégrader les réseaux, comme cela a été le cas au Royaume-Uni. Et de dire qu’il n’avait pas entièrement confiance dans le repreneur des actions, l’assureur AXA. Henri Kox a aussi plaidé pour qu’il soit tenu compte des acteurs plus petits sur le marché, parce que les petits peuvent être porteurs d’innovations.

Dans ses réflexions de principe sur l'économie de l’énergie, Henri Kox a évoqué le trop fort coût du pétrole pour l’UE, des sommes autour de 500 millions d’euros qui font défaut à l’économie européenne. Il a parlé du nucléaire comme d’un contresens économique, au-delà d’être dangereux. Mais le consommateur peut influer avec son comportement sur l’économie de l’énergie, par exemple en optant contre l’énergie nucléaire.

"Nous avons besoin d’une transition énergétique vers les énergies renouvelables", a plaidé Henri Kox, sachant que celles-ci seront décentralisées et produites à des moments différents. Chaque consommateur peut devenir selon lui un producteur d’énergie, ce qui constitue une démocratisation de cette économie de l’énergie.

De cela, rien dans le projet de loi selon lui, alors que le même projet dresserait toujours des barrières pour permettre le passage aux énergies renouvelables, comme dans le cas des limitations imposées à la photovoltaïque ou de l’exclusion des énergies renouvelables du comptage intelligent. Il a regretté que le Luxembourg ne suive pas l’exemple du marché allemand, où l’énergie solaire baisse à certains moments de manière substantielle les parts de marché des grands fournisseurs traditionnels. Il a comparé cette attitude à celle du commissaire européen à l’énergie Günther Oettinger, qui a été décevant lors de son discours du 2 juillet et qui refuse, selon lui le tournant, énergétique. Il a aussi mis en garde contre le modèle français, la France ayant selon lui raté le coche pour entrer sur les marchés des énergies renouvelables.

Quant aux grandes éoliennes, elles ne doivent pas devenir le monopole d’Enovos, de la SEO et d’autres. Il faut trouver des moyens pour avoir les citoyens à bord, des nouveaux concepts pour ouvrir les projets à la participation des communes. Mais tout cela implique aussi que l’on accepte une "autre visualité", un néologisme des Verts pour exprimer ce que nombre de personnes éprouvent comme une pollution visuelle du paysage culturel.

Henri Kox a ensuite critiqué le fait que le gouvernement n’ait pas voulu explorer la question d’interdire le courant d’origine nucléaire dans le courant importé. C’est pourquoi les Verts sont contre les lignes qui amènent du courant électrique de France, car il est grandement d’origine nucléaire. A un autre moment, il a fait le lien entre la mobilité électrique qui étai à la fête à Cattenom, une technologie clairement liée selon lui à l’énergie nucléaire en France, la piste d’autoroute supplémentaire qui va être construite vers la France et qui sera ouverte à la mobilité électrique et la ligne électrique vers la France qui alimentera entre le parc automobile électrique, les trois facteurs constituant un concept mais qui défavorise les énergies renouvelables.

La précarité énergétique, une autre préoccupation des Verts, a conduit Henir Kox a déclarer que les personnes qui ne peuvent plus payer leur facture d’énergie sont des personnes à problèmes multiples et que celles-ci ne doivent pas être privées d’énergie en hiver. Il faudrait explorer des concepts pour les aider. Même si le gouvernement ne s’y applique pas, les communes pourraient le faire, comme c’est déjà le cas pour certaines.

Les Verts, a-t-il annoncé, voteraient contre les deux lois, car une occasion pour accélérer le changement de paradigme énergétique a été ratée.

Pour la Gauche, la libéralisation ne tient pas ses promesses et remplace la coopération par la concurrence

Serge Urbany, de la Gauche, a critiqué lui aussi une telle loi mais parce qu’elle pousse encore plus en avant une libéralisation qui n’a pas tenu ses promesses initiales de faire baisser les prix grâce à la concurrence. Au contraire, les prix ont augmenté et rendent difficile les fins de mois de nombreux ménages. La libéralisation a aussi entraîné la formation d’oligopoles dans l’UE, et en fin de compte moins de sécurité et d’efficacité. Le secteur public a renoncé à ses responsabilités et perdu sa souveraineté sur les réseaux et la fourniture d’énergie. On améliore les droits des consommateurs, mais on met avant tout l’accent sur la concurrence. Les droits du régulateur indépendant sont renforcés, ceux de l’Etat affaiblis. Un autre risque est que l’eau risque de tomber sous le coup du comptage intelligent, ce qui est problématique, puisque l’eau et son utilisation sont considérées comme un besoin de base. L’eau intégrée dans cette logique des réseaux libéralisés risque alors d’être aussi libéralisée. Or, pour la Gauche, les produits de base et les services de base doivent rester dans la main de l’Etat. C’est pourquoi l’Etat devrait racheter les actions d’Enovos qui ont été libérées par ArcelorMittal. Pour Serge Urbany, la loi rend un changement du paradigme énergétique plus difficile, parce qu’elle ne mise pas sur l'esprit de coopération internationale et intelligente, mais sur la concurrence.

Dans sa réponse aux députés, le ministre Etienne Schneider n’a pas dévié de sa ligne

Le ministre de l’Economie, Etienne Schneider, souvent interrompu et raillé, a répondu aux questions des députés. D’accord avec les faits relevés par Serge Urbany, il a néanmoins déclaré qu’à tout moment, l’Etat peut acquérir la majorité des actions d’Enovos. Et à Henri Kox, il a répondu qu’AXA est un investisseur qui doit être intéressé au rendement, mais que, de l’autre côté, le réseau ne peut être renouvelé que par l’investissement, et c’est le rendement  qui rémunère l’investissement. Bref, sa crainte n’est donc pas justifiée.

Il a justifié la distance que prend le gouvernement avec l'énergie photovoltaïque par des questions de prix dans une situation budgétaire difficile qui ne permet pas de drainer des fonds publics vers des projets non rentables et non concurrentiels, en attendant la baisse des prix sur ce marché avant d’y retourner. Mais, a-t-il précisé, la photovoltaïque privée n’est pas interdite, mais il n’y aura pas de soutien pour les installations au-delà de 30 kilowatts, ce qui n’exclut pas les maisons privées dont les installations ne dépassent en règle générale pas les 4 kilowatts. Dans un même ordre d’idées, il a mis en garde contre les subsides inutiles pour l’injection dans le réseau d’énergies renouvelables produites par des privés dont le prix serait démesuré par rapport à des avantages trop modestes escomptés en volume et fréquence, ce qui rendrait donc la dépense non rentable.

Le ministre s’est néanmoins de nouveau aussi engagé à doubler la part des énergies renouvelables au Luxembourg jusqu’en 2014. Il a défendu le droit de la SEO de réaliser des projets d’éoliennes comme toute autre firme. Les citoyens sont tout à fait inclus, car la SEO est ouverte à toute forme de co-investissement.

Quant à la précarisation, il a trouvé que c’est toujours difficile en cas de problèmes sociaux de trancher qui ne paiera pas – une remarque qui a déclenché l’ire sur le banc des Verts pour qui il ne s’est jamais agi de trancher si quelqu’un devait payer ou non : "Ne pas payer son courant ou son gaz ,c’est comme aller au supermarché et ne pas payer en hiver", a dit le ministre en enfonçant le clou. Mais le problème peut être traité par le fait que les entreprises de fourniture d’énergie informent les communes sur ceux qui ne paient pas, ce qui permettra aux communes d’agir.