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Traités et Affaires institutionnelles
Situation politique en Roumanie - Le Premier ministre roumain a rencontré les représentants des institutions européennes et s'est engagé à dissiper leurs inquiétudes
12-07-2012


José Manuel Barroso et le Premier ministre roumain, Victor Ponta, lors de leur entrevue le 12 juillet 2012 à BruxellesLe Premier ministre roumain, Victor Ponta, s’est rendu le 12 juillet 2012 à Bruxelles pour s’expliquer avec le président de la Commission européenne, le président du Conseil européen et des représentants du Parlement européen, dont son président, sur les développements politiques en Roumanie qui ont suscité des inquiétudes au sein des institutions européennes, mais aussi dans nombre de capitales européennes, dont Paris, Berlin, qui a convoqué le même jour l’ambassadeur de la Roumanie à la chancellerie fédérale, et Luxembourg, où Jean Asselborn avait dénoncé les comportements putschistes des sociaux-démocrates roumains.

En l’espace de trois semaines à peine, le gouvernement de centre-gauche Victor Ponta a suspendu de ses fonctions le président de centre-droit Traian Basescu, réduit par décret les pouvoirs de la Cour Constitutionnelle et remplacé le médiateur, seul habilité à contester les décrets du gouvernement, par un député de sa coalition, ce qui lui a valu de vives critiques en Europe et des accusations d’avoir procédé à un "coup d’Etat constitutionnel".

Le président de la Commission européenne José Manuel Barroso a exprimé dans son communiqué "ses sérieuses préoccupations au sujet des récents événements politiques en Roumanie en ce qui concerne l’Etat de droit, l’indépendance du pouvoir judiciaire et le rôle de la Cour constitutionnelle." Il a dit clairement que "le gouvernement roumain doit respecter la pleine indépendance de la justice, restaurer les pouvoirs de la Cour constitutionnelle et s'assurer que ses décisions sont appliquées".

Dans son communiqué, José Manuel Barroso a également demandé au Premier ministre roumain "de nommer un médiateur qui bénéficie du soutien de tous les partis, de mettre en œuvre une procédure nouvelle et transparente pour la nomination d'un procureur général et un directeur de la lutte anti-corruption, et de faire de l'intégrité une priorité politique".

Le président Barroso a salué les assurances qu’il a reçues de la part de Victor Ponta en tant que membre du gouvernement et que ce dernier allait démarcher les autres institutions roumaines pour qu’elles aillent dans le même sens.  

Finalement, la Commission a rappelé qu'elle doit adopter le 18 juillet son rapport sur le Mécanisme de coopération et de vérification (MCV), destiné à vérifier les progrès de la Roumanie dans le respect de l'Etat de droit depuis son adhésion il y a cinq ans. Elle a souligné que le rapport prendra en compte "les récents développements" dans le pays. Même s’il n’y a pas de lien direct entre cette évaluation de la Commission et la question de l’entrée de la Roumanie dans l’espace Schengen, actuellement bloqué par les Pays-Bas, ce rapport va influer sur les décisions dans cette affaire.

Lors de l’entrevue entre Victor Ponta et le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, ce dernier avait posé ostensiblement le traité de Lisbonne sur la table. Un rappel que l’article 7 du traité de Lisbonne prévoit la suspension des droits de vote d'un Etat de l'UE en cas de "violation grave" des droits fondamentaux. Cet article n'a jamais été utilisé à ce jour.

Les promesses de Victor Ponta

 A l’issue de son entrevue avec José Manuel Barroso, au cours duquel ce dernier lui avait expliqué point par point les sujets qui inquiètent la Commission, Victor Ponta a fait un certain nombre de promesses qu’il a égrenées dans un entretien avec l’AFP. Il a déclaré qu’il n’allait pas contester ou se battre avec la Commission, mais "immédiatement prendre les décisions pour dissiper vos inquiétudes". Il a promis qu'il répondrait à la Commission "dans un délai très court (…) afin d'apporter des réponses et de montrer à la Commission l'engagement clair du gouvernement de remplir toutes les normes européennes". Le référendum de destitution du président Basescu n’est pas annulé et maintenu pour le 29 juillet, car selon lui, "la Commission européenne ne me l'a pas demandé.". Et il ajoute : "Ils m'ont juste demandé de prouver que le référendum serait organisé de manière légale et impartiale". Il a signalé son engagement que "le système judiciaire sera indépendant et efficace", et qu’il n’y aurait pas d'interférences politiques du gouvernement ou du Parlement. Il a dit comprendre les inquiétudes provoquées à l'étranger par la crise politique roumaine, estimant qu'il était "normal" que l'on s'en inquiète, mais il a aussi dénoncé la "propagande politique" contre lui, y compris "au niveau européen".

Remous au Parlement européen

Victor Ponta avait déjà rencontré la veille le président du Parlement européen, le social-démocrate allemand Martin Schulz, qui a critiqué sa manière d’agir sans toutefois y voir une violation des règles de droit. "Des lois importantes ne devraient pas être changées par des ordonnances d’urgence, mais par un processus démocratique", a-t-il déclaré. L’atmosphère qui règne en Roumanie fait selon Martin Schulz que "le pays est perçu autrement qu’il ne devrait l’être". Le président du Parlement européen, qui est de la même famille politique européenne que Victor Ponta, est convaincu que la Commission n’évaluera pas le débat politique roumain comme une infraction aux normes européennes.

Victor Ponta, qui a aussi été reçu par Hannes Swoboda, le chef du groupe politique social-démocrate au Parlement européen, a par contre essuyé une fin de non-recevoir de la part de Joseph Daul, le chef du groupe politique PPE, le plus important du Parlement européen, qui est de la même famille politique européenne que le président Basescu, dont la fille, Elena, siège à Strasbourg dans les rangs du PPE.

Après avoir appris les propos de Victor Ponta sur ses engagements à l’égard de la Commission, Wilfried Martens, le président du PPE, et Joseph Daul ont insisté auprès de la Commission pour qu’elle veille "à ce que l’Etat de droit soit rétabli en Roumanie". Ils craignent que "les formulations diplomatiques" du Premier ministre roumain ne soient suivies d’aucune action concrète et "que les événements des prochaines semaines risquent de justifier notre profonde méfiance". Un des critères les plus importants sera le respect ou le non-respect par le gouvernement roumain de l’arrêt de la Cour constitutionnelle qui exige que le référendum sur la destitution du président Basescu ne puisse être validé que si plus de 50 % des électeurs inscrits ont participé au scrutin.

L’eurodéputé vert et ancien président des Verts allemand Reinhard Bütikofer a de son côté reproché aux sociaux-démocrates européens leur trop grande mansuétude à l’égard de leurs amis politiques à Bucarest. Pour lui, la situation de la démocratie n’est pas bonne en Roumanie, et cela devrait être critiqué sans égard pour l’affiliation à tel ou tel parti européen. Il a critiqué dans la foulée les démocrates-chrétiens du PPE qui ont selon lui également fait montre de trop de mansuétude à l’égard du Premier ministre hongrois Viktor Orban et de ses initiatives constitutionnelles et législatives (loi sur les médias, sur la réforme du système judiciaire, etc.), dont certaines sont toujours sujettes à des procédures d’infraction auprès de la Commission. S’adressant à ses collègues du Parlement européen, il a déclaré: " Nous devons faire attention à ne pas nous laisser instrumentaliser au Parlement européen par des acteurs qui mènent des guerres civiles nationales et idéologiques qui veulent abuser de notre institution en l’utilisant comme d’un lieu dans lequel ils peuvent projeter leur conflit." Pour lui, les valeurs démocratiques doivent être défendues en commun par les eurodéputés, et cela indépendamment de leur affiliation politique.

Pendant ce temps à Bucarest

Au moment même où Victor Ponta avait ses entrevues avec les institutions européennes à Bruxelles, la Cour constitutionnelle estimait à Bucarest que l'adoption par le gouvernement d'un décret qui a réduit ses attributions en l'empêchant de se prononcer sur les décisions du Parlement posait "la question d'un comportement abusif" de l'exécutif.