Le 16 juillet 2012, le ministre de l’Économie et du Commerce extérieur, Etienne Schneider, a accueilli Arnaud Montebourg, ministre français du redressement productif, pour une entrevue qui leur a permis d’échanger leurs vues sur la politique industrielle européenne.
S’ils n’avaient pas prévu de conférence de presse, les deux ministres étaient toutefois attendus par un groupe de journalistes qui ont pu rendre compte des fruits de cette rencontre.
Etienne Schneider a ainsi expliqué que les deux ministres avaient convenu d’écrire une lettre ouverte à la Commission européenne pour réclamer "une réflexion intense et des mesures concrètes en faveur de la compétitivité et de la réindustrialisation de l’Europe", ainsi que le rapporte Léonard Bovy dans le Luxemburger Wort. Il s’agit d’inscrire ces débats dans l’agenda européen. "Généralement, le Conseil Compétitivité a des ordres du jour très techniques. Nous souhaitons que désormais ces ordres du jour soient plus en phase avec la situation actuelle de crise et évoquent notamment le redressement productif", a expliqué Etienne Schneider, dont Delphine Dard rapporte les propos dans le Quotidien.
Les deux ministres entendent ainsi qu’il soit question au Conseil Compétitivité de la possibilité d’introduire un label européen pour que les produits industriels commercialisés en Europe respectent les critères sociaux et environnementaux en vigueur dans l’UE. Pour Etienne Schneider, rapporte Delphine Dard, l’enjeu est de rétablir "le respect" alors que d'autres régions du monde, comme les Etats-Unis par exemple, elles, n'ont pas de problème à agir de cette façon. "Il faut protéger la production européenne", estime encore le ministre, cité par Léonard Bovy.
Les discussions des deux ministres ont cependant surtout porté sur le cas spécifique d’Arcelor Mittal. Arnaud Montebourg avait en effet annoncé la couleur il y a quelques semaines, souhaitant prendre contact avec ses homologues européens concernés par la fermeture de sites de production du numéro 1 mondial de l’acier sur leur territoire. Sa visite à Luxembourg marquait le début de ces discussions.
"Je cherche à construire une réaction des Etats face à la puissance d'un groupe comme ArcelorMittal", déclarait ainsi le ministre français à l’AFP. "Il est important d'avoir des contacts directs avec mes homologues ministres de l'Industrie dans toute l'Europe, concernés par les implantations d'ArcelorMittal", a déclaré Arnaud Montebourg, soulignant que "les Etats européens doivent maîtriser les aciers qui sont des produits de base pour le reste de leurs industries". "La maîtrise, cela suppose parfois l'action commune", a encore déclaré le ministre français.
A l’issue de la rencontre, les déclarations des deux ministres laissaient entendre que la fronde gouvernementale contre le géant de l’acier s’organise. "On ne veut plus se laisser faire, on veut agir", tel semble être la principale motivation des ministres. Car si le sort que réserve ArcelorMittal à ses différents sites varie d’un pays à l’autre, en fin de compte, "le résultat, une désindustrialisation, est le même pour tout le monde", a expliqué Etienne Schneider à Léonard Bovy.
Etienne Schneider a fait le point sur la situation au Luxembourg. Ainsi, s’il a confirmé que le plan Lean d’ArcelorMittal concernant le personnel administratif ne touchera pas le Luxembourg, il a précisé que le plan Omega, qui touche lui aussi le personnel administratif du sidérurgiste, devrait avoir des répercussions au Luxembourg. Helmut Wyrwich se fait l’écho dans le Tageblatt de la grogne du ministre quant au manque de transparence du géant de l’acier. "Pourquoi le sidérurgiste ne discute-t-il pas ouvertement avec les gouvernements ?", a déploré le ministre devant le journaliste. "Je rencontre Michel Wurth trois fois par semaine et c’est dans le Tageblatt que j’apprends les intentions d’ArcelorMittal", a raconté Etienne Schneider qui regrette une attitude qui crée de la défiance.
"Nous voulons agir ensemble entre la France, la Belgique et le Luxembourg pour trouver des pistes afin d'éviter que des sites de production soient fermés même s'ils s'avèrent plutôt rentables", a donc annoncé Etienne Schneider.
Le ministre luxembourgeois n’a pas souhaité en dire plus long sur cette rencontre, mais, rapporte Delphine Dard, il s’est dit confiant quant à la possibilité pour les Etats d'influencer la politique du groupe sur le plan industriel. "Les pistes pourraient être très dures, mais il est prématuré de les rendre publiques", a-t-il glissé.
Les ministres de ces trois pays se sont d’ores et déjà donné rendez-vous à Paris à la mi-septembre pour examiner "la possibilité de légiférer" contre les fermetures de sites industriels, ainsi que l’a confié Etienne Schneider à la presse. Le ministre luxembourgeois attend que son homologue français lui soumette un projet de loi en préparation et veut étudier dans quelle mesure ce texte pourrait être transposé au Grand-Duché.