L'euro a rendu nécessaire la création d'un système transeuropéen de transferts financiers, dont le but secondaire est l'harmonisation à terme de tout type de paiement. Or, depuis l'éclatement de la crise financière, le système en question, baptisé TARGET 2 depuis que sa deuxième version a été mise en œuvre à la fin de l'année 2007, cache derrière un bilan forcément nul, de forts déséquilibres entre les 17 Etats membres et leurs Banques centrales qui y participent.
Ce système est en effet utilisé pour le règlement des opérations des banques centrales nationales de la zone euro, comme pour les paiements des banques commerciales.
Les banques centrales de pays exportateurs et disposant de liquidités sont plus engagés et donc risqueraient en théorie davantage de pertes financières que celles des pays en déficit qui importent beaucoup et manquent de liquidités. Par exemple, si un paiement grec est réalisé en direction de l'Allemagne, la Banque centrale grecque demande à son homologue allemande d'effectuer le paiement. C'est ensuite la BCE qui est l'intermédiaire du recouvrement de cette créance.
En mars 2011, le professeur allemand d'économie, Hans-Werner Sinn, de l'Institut IFO avait, à travers une étude, mis au jour ces déséquilibres cachés et juré que l'Allemagne risquait de perdre, à travers ce système, quelques centaines de milliards d'euros, si la zone euro venait à péricliter. Depuis lors, régulièrement, le débat ressurgit en Allemagne. Au début du mois d'août 2012, la fraction CDU du Bundestag s'inquiétait de nouveau que l'engagement de la banque centrale allemande, à travers Target 2, vis-à-vis des autres banques centrales européennes, s'élevait désormais à 730 milliards d'euros et s'offusquait qu'une telle somme soit exposée sans aucun contrôle démocratique.
Dans un article du 4 août 2012, la Süddeutsche Zeitung a souligné qu'avec l'Allemagne seuls les Pays-Bas (à hauteur de 155 milliards d'euros), le Luxembourg (115 milliards), la Finlande (73 milliards) et l'Estonie (0,7 milliard) étaient créanciers sur la plate-forme Target 2. Et il soulignait à quel point la situation serait encore plus périlleuse pour le Grand-Duché que pour l'Allemagne. " Les chiffres montrent que l'Allemagne n'est en aucun cas le principal lésé de la crise : Mesuré selon la puissance économique, le risque que le Luxembourg encourt est presque dix fois plus élevé", écrivait en effet le journal munichois.
Le 26 juin 2012, jour du vote sur le Mécanisme européen de stabilité financière à la Chambre des députés, le député ADR, Gast Gybérien, avait déjà évoqué l'engagement de la Banque centrale du Luxembourg (BCL) sur Target 2 comme une "épée de Damoclès" et avait demandé à ce que le gouvernement fournisse des explications sur les 120 milliards d'euros portés au compte de la BCL.
"De très importantes décisions sont prises en Europe où on a l'impression qu'il n'y a pas de contrôle parlementaire ou pas assez de discussions parlementaires au niveau national. Si nous construisons l'Europe, nous devons le faire de manière démocratique et avec un contrôle démocratique", a expliqué le député ADR Fernand Kartheiser au journal Le Quotidien, pour expliquer l'invitation devant la commission du Budget et des finances, lancée par l'ADR au gouverneur de la BCL, Yves Mersch.
Le 11 septembre 2012, ce dernier a en effet garanti que les engagements dans ce système ne dépassent pas la somme de son capital, de ses réserves et provisions. La somme de ses bilans était en effet en 2011 égale à 127 milliards d'euros.
Ensuite, en cas de sortie de la Banque centrale grecque de l'Eurosystème, le Luxembourg ne perdrait que 260 millions d'euros, somme calculée en fonction de sa part de capital dans la BCE. Et la Banque centrale a les moyens de couvrir avec ses seules réserves.
M. Mersch "a garanti que tout s'est déroulé jusqu'à présent selon le mode d'opération normal de la Banque centrale. Et que les pays qui reçoivent de l'aide par ce biais pour réduire momentanément le montant des intérêts devront faire des efforts dans un avenir proche pour continuer à maîtriser leurs situations budgétaires sinon la Banque centrale limitera aussi ses activités et ces pays se retrouveront livrés à eux-mêmes", s'est réjoui le député socialiste Roger Negri à la sortie de la rencontre, auprès du Quotidien.
Par ailleurs, selon le site internet de la Chambre, les députés ont échangé avec le gouverneur de la BCL au sujet des nouvelles mesures annoncées par le président de la BCE, Mario Draghi, le 6 septembre 2012, et notamment le programme de rachat d’obligations publiques à volume illimité. Yves Mersch s’est aussi prononcé en faveur de la mise en place d’une Union bancaire et d’un élargissement du mandat du chef de l’Eurogroupe.
Par ailleurs, le 12 septembre 2012, la radio 100,7 a révélé qu'un avant-projet de loi relevant le capital de la BCL de 175 millions d'euros à 1,5 milliards d'euros était sur les rails. Cela n'aurait par contre rien à voir avec Target 2. Il s'agirait en fait de donner les moyens à la BCL de mener à bien ses nouvelles missions de surveillance, de prendre en compte sa participation de la gestion de la crise et serait une conséquence de la volonté de la BCE d'augmenter sa participation au FMI.