Les traités imposent au Parlement européen, dont le siège est fixé à Strasbourg, de se réunir en douze périodes de sessions plénières mensuelles par an, y compris la session budgétaire, sans que la durée de ces sessions ne soit précisée. Traditionnellement, deux sessions plénières ont lieu à Strasbourg au cours du mois d'octobre pour compenser l’absence de session plénière en août.
Selon la pratique, les périodes de sessions plénières ordinaires, d’une durée de quatre jours, se tiennent à Strasbourg alors que les sessions additionnelles portant en principe sur des demi-journées successives ont lieu à Bruxelles.
À la suite de deux amendements, le Parlement, par deux délibérations adoptées le 9 mars 2011, a modifié le calendrier des sessions pour 2012 et 2013. D’une part, l'une des deux sessions plénières de quatre jours prévues pour se tenir en octobre 2012 et octobre 2013 à Strasbourg a été supprimée. D’autre part, les sessions plénières d’octobre 2012 et d’octobre 2013 restantes ont été scindées en deux : ainsi, deux sessions plénières distinctes de deux jours sont prévues au cours de la semaine des 22-25 octobre 2012, et deux durant la semaine des 21-24 octobre 2013 devant se tenir ainsi à Strasbourg.
La France a saisi la Cour de justice afin d’annuler ces deux délibérations du Parlement. Soutenue par le Luxembourg, elle fait valoir que ces délibérations violent les traités et la jurisprudence de la Cour. Elle reproche au Parlement d’avoir rompu la régularité du rythme des sessions plénières en fixant des sessions additionnelles à Bruxelles alors que seulement onze sessions plénières étaient prévues à Strasbourg. Le Parlement aurait pour seul objectif de diminuer la durée de présence des députés européens au siège du Parlement à Strasbourg, sans que cette diminution ne soit motivée par une exigence d'organisation interne des travaux de cette institution. L’adoption, en termes identiques des calendriers votés pour 2012 et 2013, confirmerait qu’il ne s’agit pas d’une réponse ponctuelle à un besoin conjoncturel mais bien d’une pratique destinée à être pérennisée.
À titre liminaire, l'avocat général rappelle que si la Cour ne peut ignorer le contexte de forte remise en cause de l’obligation du Parlement de siéger à Strasbourg, elle est appelée à statuer en droit dans le cadre des présentes affaires.
L’avocat général rappelle, tout d’abord, les apports de la jurisprudence de la Cour selon laquelle elle a considéré que le siège du Parlement à Strasbourg a été défini comme le lieu où doivent être tenues, à un rythme régulier, douze périodes de sessions plénières ordinaires, dont la session budgétaire. Des périodes de sessions plénières additionnelles ne peuvent donc être fixées dans un autre lieu de travail (à Bruxelles) que si le Parlement tient les douze périodes de sessions ordinaires à Strasbourg, lieu du siège de l’institution. En outre, la Cour a tracé une ligne de démarcation entre la compétence des États membres de fixer le siège des institutions et la compétence d’organisation interne qui doit être reconnue au Parlement.
L’avocat général relève ensuite que la durée des périodes des sessions plénières n’est pas explicitement précisée ni par les traités, ni par les protocoles, ni même par le règlement intérieur du Parlement. L’absence de règle explicite combinée à l’évolution naturelle du rôle du Parlement impose une interprétation dynamique des traités. Pour ce faire, c'est la cohérence globale des calendriers qui doit être examinée.
Ainsi, l’avocat général constate, en premier lieu, que la tenue de deux périodes de sessions plénières mensuelles sur la même semaine du mois d’octobre est constitutive d’une incohérence.
Pour 2012 et 2013, il est prévu pour chaque mois de l’année, à l’exclusion des mois d’août et d’octobre, qu’une période de session plénière mensuelle se déroule sur une période de quatre jours (plus précisément du lundi 17 heures au jeudi 17 heures). En ce qui concerne les mois d’octobre, et suite à l’adoption des amendements, une session de quatre jours sur les deux existantes a été supprimée et deux sessions de deux jours (du lundi au mardi puis du jeudi au vendredi) doivent se tenir la même semaine.
Il ressort ainsi d’un examen tout à fait objectif des calendriers que ces délibérations ont entériné une rupture de la régularité du rythme des sessions. Partant, il est incontestable que, si l’absence de session en août induit nécessairement une irrégularité dans le calendrier, dans la mesure où deux sessions plénières doivent se tenir dans un même mois, cette irrégularité est amplifiée par les aménagements apportés aux calendriers de 2012 et 2013.
En deuxième lieu, l’avocat général considère que le Parlement n’a pas justifié, ou à tout le moins expliqué, les raisons pour lesquelles la durée des deux périodes de sessions plénières d’octobre 2012 et 2013 a été réduite à deux jours chacune par rapport aux autres sessions plénières mensuelles.
L’avocat général reconnaît notamment, en examinant l’argument le plus fort invoqué par le Parlement selon lequel les calendriers pour 2012 et 2013 viseraient à réduire les coûts engendrés par la pluralité des lieux de travail du Parlement, ces coûts étant devenus plus saillants dans un contexte de crise économique, que, dans le contexte actuel, une réflexion pourrait être menée par les États membres. Il ajoute cependant que ces coûts font partie des "contraintes inhérentes" à la pluralité des lieux de travail du Parlement que la Cour évoque dans sa jurisprudence. Puisque les traités exigent, en tout état de cause, douze périodes de sessions plénières mensuelles, la tenue, sur un même mois, de deux périodes de sessions plénières qui, chacune, aurait une durée équivalente à celles des autres mois de l’année ne représente pas un coût supplémentaire par rapport à celui engendré par la tenue sur toute l’année, d’une telle période par mois, août inclus.
Compte tenu de l’économie générale des calendriers pour 2012 et 2013, il apparaît clairement que les deux périodes de sessions plénières prévues sur la même semaine en octobre 2012 et 2013 couvrent, en fait, une unique période de session, dont on peut légitimement présumer, en raison de l’absence d’explications convaincantes du Parlement, qu’elle a été artificiellement scindée en deux afin de répondre, de manière non moins artificielle, aux exigences des traités.
Dès lors, l’avocat général constate que les deux périodes de sessions fixées la même semaine en ce qui concerne les mois d’octobre 2012 et 2013 ne peuvent être qualifiées, individuellement, de périodes de sessions plénières mensuelles au sens des traités.