Le but est de stimuler le développement d'autres agrocarburants, dits de seconde génération, produits à partir de matières premières non alimentaires, telles que des déchets ou de la paille, dont les émissions sont sensiblement inférieures à celles des combustibles fossiles et qui n'interfèrent pas directement avec la production alimentaire mondiale.
Pour la première fois, l'estimation de l'impact de la conversion des terres – le changement indirect dans l'affectation des sols (ILUC) – sera prise en considération lors de l'évaluation de la performance des agrocarburants en matière de réduction des émissions.
Produits de façon durable et selon des procédés efficaces, les agrocarburants représentent, pour le bouquet énergétique de l'UE, une solution de substitution à faible intensité en CO2 par rapport aux combustibles fossiles, en particulier pour le secteur des transports. Les agrocarburants sont faciles à stocker et à distribuer, présentent une forte densité énergétique et émettent généralement beaucoup moins de gaz à effet de serre que le pétrole, le gaz naturel ou le charbon. Seuls les biocarburants qui remplissent un ensemble de critères de durabilité peuvent bénéficier d'aides publiques sur le marché européen.
À mesure que le marché des agrcarburants s'est développé, il est devenu manifeste que tous les agrocarburants ne se valaient pas en ce qui concerne les émissions de gaz à effet de serre liées à l'affectation des sols.
D'après de récentes études scientifiques, si l'on prend en compte les modifications indirectes de l'affectation des sols provoquées par la production d'agrocarburants, par exemple le déplacement de la production agricole destinée à l'alimentation humaine ou animale vers des terres non agricoles, telles que des forêts, la contribution de certains agrocarburants aux émissions peut en fait être équivalente à celle des combustibles fossiles qu'ils remplacent.
La Commission propose par conséquent de modifier la législation actuelle sur les agrocarburants introduite par la directive sur les énergies renouvelables 2009/28/CE et par la directive sur la qualité des carburants 2009/30/CE.
Il s’agit d’abord de porter à 60 % le niveau minimal de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour les nouvelles installations, afin d'améliorer l'efficacité des processus de production des agrocarburants et de dissuader l'investissement dans des installations présentant une faible performance en matière d’émissions de gaz à effet de serre.
Il s’agit ensuite d'inclure des facteurs liés aux changements indirects d'affectation des sols (ILUC) dans les rapports que doivent soumettre les fournisseurs de carburant et les États membres sur la réduction des émissions associée aux agrocarburants et aux bioliquides.
Une des mesures les plus visibles est la restriction jusqu'en 2020 au niveau actuel de consommation, c'est-à-dire 5 %, du volume d'agrocarburants et de bioliquides produits à partir de cultures alimentaires qui peut être comptabilisé dans les 10 % d'énergies renouvelables que vise l'UE à l'horizon 2020 pour le secteur des transports. Les objectifs globaux en matière d'énergies renouvelables et de réduction de l'intensité en CO2 restent inchangés.
Il s’agit aussi de prévoir des mesures incitatives afin de promouvoir les agrocarburants auxquels est associé un niveau faible ou nul d'émissions liées au changement indirect dans l'affectation des sols. La Commission pense en particulier aux agrocarburants de deuxième ou troisième génération qui sont produits à partir de matières premières qui n'entraînent pas de besoins de terres supplémentaires, comme les algues, la paille ou divers types de déchets. Ces agrocarburants contribueront selon la Commission davantage à la réalisation de l'objectif de 10 % d'énergies renouvelables dans le secteur des transports fixé par la directive sur les énergies renouvelables.
Grâce à ces nouvelles mesures, la Commission pense pouvoir promouvoir des agrocarburants qui, tout à la fois, permettent de réduire sensiblement les émissions, n'entrent pas directement en concurrence avec la production alimentaire et sont plus durables.
Sa proposition ne veut pas restreindre la possibilité pour les États membres d'octroyer des subventions aux agrocarburants. Mais elle est d'avis qu'après 2020, les agrocarburants ne devraient recevoir d'aides financières que s'ils permettent une réduction sensible des émissions de gaz à effet de serre et ne sont pas produits à partir de cultures destinées à l'alimentation humaine ou animale.
La proposition de la Commission de limiter jusqu'en 2020 au niveau actuel de consommation de 5 % le volume de biocarburants et de bioliquides produits à partir de cultures alimentaires qui peut être comptabilisé dans les 10 % d'énergies renouvelables que vise l'UE à l'horizon 2020 pour le secteur des transports ne va pas manquer de soulever des questions au sein du gouvernement luxembourgeois.
Le 8 octobre 2012, les ministres Claude Wiseler et Etienne Schneider, responsable le premier de l’environnement, le second de l’énergie, avaient écrit dans la réponse à une question parlementaire qu’au Luxembourg, atteindre l’objectif de 10 % d’énergies renouvelables dans les transports ne peut se faire qu’en mélangeant des agrocarburants à des carburants classiques. L’électro-mobilité joue certes un rôle, avaient-ils ajouté, mais les règles de calcul découlant de la directive font qu’elle n’aura qu’une petite incidence sur l’objectif des 10 %, et ce même si d’importants efforts sont faits en la matière d’ici 2020. C’est cette directive qui devrait maintenant être modifiée.
Par ailleurs, Etienne Schneider a expliqué dans la même réponse à la question parlementaire s’être engagé au niveau européen, dans le cadre du Conseil Energie, pour que la Commission européenne évalue les critères de durabilité de la directive en termes d’efficacité et les modifie en conséquence, ce que la proposition de la Commission annonce.
L'agence AFP a annoncé que "les industriels des biocarburants, qui ont investi massivement dans l'éthanol à base de plantes sucrières et céréalières et le bio diesel issu des huiles végétales, sont en colère".
De même, le secrétaire général de la principale fédération d'agriculteurs, le COPA-COGECA, Pekka Pesonen, a dénoncé "un virage qui constitue une rupture de confiance inacceptable".
"Certains Etats ont déjà fait des plans qui dépassent la limite de 5%. Cette proposition va mettre un terme brutal au développement du secteur et provoquer un ralentissement dans l'industrie des biocarburants et l'emploi dans les zones rurales", a-t-il affirmé.
L’eurodéputé vert Claude Turmes, qui avait de concert avec le député national Henri Kox attiré le 10 septembre 2012 de nouveau attiré l’attention de l’opinion publique sur la question des agrocarburants dans un contexte de crise alimentaire mondiale, a immédiatement réagi aux propositions de la Commission.
L’opposant de longue date à la directive sur les énergies renouvelables juge important le fait que la Commission veuille affronter les effets indirects des biocarburants sur la protection du climat et les prix des aliments. Il salue le fait que la Commission veuille imposer des limites aux biocarburants de la première génération afin de réduire la pression sur les prix des aliments. Mais il regrette que la Commission "ne fixe pas des règles claires pour l’impact sur le climat des changements d’affectation des sols indirects". En omettant ces règles, la Commission crée pour Claude Turmes un risque supplémentaire que les mesures en faveur des agrocarburants accentuent encore le changement climatique. Cela lui semble paradoxal, puisque la Commission dit elle-même qu’avec l’affectation des sols à des cultures qui sont destinées à leur production, les agrocarburants ont un bilan environnemental qui est moins bon que les carburants d’origine fossile. Pour lui, cette partie de la proposition de la Commission est faible, mais pourra être corrigée au Parlement européen au cours de la procédure législative.