Principaux portails publics  |     | 

Agriculture, Viticulture et Développement rural - Economie, finances et monnaie - Énergie - Transports
Sur fond de crise alimentaire mondiale, Claude Turmes et Henri Kox crient haro sur les agrocarburants
10-09-2012


Pour leur rentrée politique, les Verts ont mis le doigt sur les agrocarburants, un sujet qui les fâche tout particulièrement dans un contexte de crise alimentaire mondiale. Claude Turmes et Henri Kox devant la presse le 10 septembre 2012

Car si l’eurodéputé Claude Turmes et le député Henri Kox conviennent de la nécessité urgente de mieux doter le programme alimentaire mondial et d’éviter les restrictions d’exportations de denrées alimentaires, ils prennent du recul pour analyser la situation et pointer les raisons de cette crise alimentaire.

Ainsi, la météo qui explique les faibles récoltes dans différentes régions du monde témoigne selon eux du changement climatique et vient rappeler l’urgence de mener une politique concrète pour lutter contre ce phénomène.

Les agrocarburants : le mauvais choix

Mais le choix de miser sur les agrocarburants n’est pas le bon, estiment les deux parlementaires écologistes.

La directive sur les énergies renouvelables de 2009 a fait les frais des pressions des lobbies de l’automobile et de l’éthanol, rappelle Claude Turmes, qui était rapporteur sur le dossier, même si l’importance des agrocarburants de première génération a pu être relativisée et si les critères de durabilité dans la production d’agrocarburants ont pu être renforcés. Des critères censés prendre en compte l’effet indirect de l’utilisation des terres pour produire ces carburants, ou encore les émissions de CO2 résultant de leur culture.

Là où le bât blesse, dénonce Claude Turmes, c’est que la Commission bloque depuis deux ans l’introduction de critères plus stricts en matière de "changement d’affectation des sols indirect", (CASI), un critère qui permettrait d’assurer que la production d’agrocarburants n’entrerait pas en concurrence avec la production alimentaire. Le parlementaire ne mâche pas ses mots et parle même de "boycott institutionnel". Après questions parlementaires et courriers de la part du groupe parlementaire des Verts au Parlement européen, le commissaire en charge de l’Energie, Günther Oettinger, a toutefois annoncé fin août la volonté de la Commission de définir des critères plus stricts afin de protéger la sécurité alimentaire. Claude Turmes attend de pied ferme des propositions de la Commission portant sur la prise en compte du CASI, mais aussi sur une limitation de l’usage des agrocarburants de première génération.

Le Luxembourg mise beaucoup, dans son plan d’action national en matières renouvelables, sur le mix énergétique dans les carburants, qui consiste à ajouter au carburant environ 2 % d’agrocarburants, un chiffre qui devrait atteindre 5 % dans les prochaines années. Henri Kox s’est attaché à démontrer le peu d’efficacité du biodiesel ou du bioéthanol par rapport à l’électro-mobilité alimentée par des panneaux photovoltaïques : à surface égale, le photovoltaïque peut fournir 100 fois plus d’énergie que les agrocarburants. Le député plaide donc pour une révision du plan d’action national, l’objectif étant de miser moins sur les agrocarburants, de réduire la consommation d’énergie, d’augmenter la production nationale d’énergies renouvelables et mettre en place des projets de coopération avec d’autres pays de l’UE. Et il n’a pas manqué de critiquer l’intention affichée fin juillet par le gouvernement de revoir à la baisse les prix d'injection du photovoltaïque.

Encadrer et limiter la spéculation sur les denrées alimentaires

Autre revendication des écologistes, la nécessité d’encadrer et de limiter la spéculation sur les denrées alimentaires. Ces dernières années, l’intérêt des investisseurs s’est accru, et les spéculations qui en découlent ne sont pas sans impact sur la volatilité des prix.

Au niveau européen, les Verts plaident donc pour une plus grande transparence en matière de commerce des denrées alimentaires et de fixation des prix. Ils estiment aussi qu’en matière de commerce agricole, l’UE doit soutenir la production locale de denrées alimentaires. Enfin, la spéculation sur les matières premières doit être réglementée et limitée, en excluant par exemple les institutions financières des bourses d’échanges de matières premières et en régulant strictement les échanges de produits dérivés.

Au niveau du Luxembourg, les deux parlementaires écologistes ont lancé un appel au gouvernement à soutenir les initiatives du commissaire Michel Barnier visant à mieux réguler les marchés des obligations et les instruments financiers, et donc à réduire les spéculations sur les matières premières, dans le cadre de la directive MiFID. Henri Kox a par ailleurs invité les banques actives au Luxembourg à suivre l’exemple de certaines de leurs consœurs d’outre-Moselle qui ont fait le jeu de la transparence en affichant la part que représentent dans la stratégie d’investissement de leurs fonds les spéculations sur les prix des matières premières et des denrées alimentaires.

Claude Turmes plaide pour une plus grande ambition en matière d’efficacité énergétique des moteurs

Les Verts ciblent par ailleurs le secteur des transports comme important levier pour limiter la dépendance en carburants. Car pour sortir de notre dépendance au pétrole, les agrocarburants et l’électro-mobilité ne peuvent suffire. Il convient selon eux de se focaliser sur une mesure plus efficace, à savoir renforcer les exigences en matière d’émissions de CO2 des automobiles. La Commission a présenté en juillet 2012 une nouvelle proposition fixant les objectifs à ne pas dépasser pour 2020 – les réglementations actuelles fixant des contraintes jusqu’en 2015. Claude Turmes demande à la Commission d’aller plus loin dans ses exigences et plaide pour une limite contraignante de 80 g d’émissions de CO2 par km dès 2020. Et il appelle à fixer des objectifs à plus longue échéance afin de permettre aux industriels de faire les investissements à long terme nécessaires au développement technologique.

De nouvelles pratiques alimentaires et un nouveau modèle agricole allant de pair

Enfin, les Verts plaident plus largement pour un tournant dans nos pratiques alimentaires et agricoles. Pour répondre à l’actuel régime alimentaire de ses habitants, le Luxembourg aurait besoin de deux fois sa surface, ont-il par exemple chiffré... Un modèle qui n’est pas tenable et, ce encore au moins à plus grande échelle dans la mesure où la population mondiale ne cesse d’augmenter. C’est sans compter les effets de la surexploitation des terres.

La consommation de viande, particulièrement élevée dans les pays industrialisés, comme au Luxembourg, est dans ce contexte un facteur déterminant, expliquent les écologistes luxembourgeois en pointant par exemple le fait que 34 % des récoltes mondiales de soja servent à l’alimentation animale ou encore que les ¾ des surfaces agricoles utilisées dans le monde servent à produire de la viande. Il faut donc repenser notre alimentation, plaident les Verts qui voudraient lancer des campagnes de sensibilisation au Luxembourg afin de pousser les gens à consommer moins de viande. Henri Kox propose de s’inspirer des "veggie day" introduits dans nombre de villes belges ou allemandes, comme l’on déjà fait, avec succès, certains établissements scolaires des villes de Luxembourg et de Bettembourg.