Le 4 octobre 2012, en marge du Conseil EPSCO consacré àl'emploi et aux affaires sociales qui s’est tenu à Luxembourg, trois ministres du Travail européens dont le parti est membre du Parti des socialistes européens (PSE), l’Autrichien Rudolf Hundstorfer, le Français Michel Sapin et le Luxembourgeois Nicolas Schmit, ont présenté une initiative qui vise à ce que la dimension d’une Union européenne plus sociale soit incluse dans les documents qui seront soumis par Herman Van Rompuy au Conseil européen comme feuille de route pour un renforcement du projet européen aux sommets des 18 et 19 octobre et du 13 et 14 décembre 2012.
Une réunion de préparation qui a rassemblé 8 ministres d’obédience sociale-démocrate avait déjà eu lieu la veille dans les locaux du Ministère des Affaires étrangères à Luxembourg.
Nicolas Schmit a expliqué que dans un contexte où les dirigeants de l’Union réfléchissent à la sortie de crise et à une meilleure gouvernance de l’Union, "ce n’est pas acceptable de passer par pertes et profits l’Europe sociale, toujours absente dans les travaux préparatoires". C’est décevant, a jugé le ministre luxembourgeois, qui estime que s’il appartient au Conseil ECOFIN de plancher sur les volets économique et financier de la crise, il devrait néanmoins y avoir une interaction avec les travaux du Conseil EPSCO "qui veut jouer un rôle plus actif" dans le cadre des travaux du Conseil. Un argument que lui et son collègue aux Affaires sociales, Mars Di Bartolomeo, avaient déjà avancé en juin 2012. D’où l’initiative des ministres du Travail et de l’Emploi sociaux-démocrates, qui ont toutefois pris des contacts avec des collègues issues d’autres familles politiques. Ce qui compte pour Nicolas Schmit, c’est que l’on n’oublie pas les 5 millions de jeunes au chômage dont le sort montre qu’il y a un réel besoin d’une Europe sociale forte, et que la dimension sociale de l’Europe devienne une priorité de l’Union.
Pour le ministre français, Michel Sapin, l’Union doit affronter des problèmes financiers et économiques considérables. Il faut "des mesures audacieuses et douloureuses pour établir des mécanismes de stabilisation de l’Europe, comme l’union bancaire par exemple". Mais au-delà de ces mesures pour affronter les défis financiers, il faut "mettre en avant les valeurs sociales de l’Union et de l’Europe sociale". Il faut selon Michel Sapin des "actions concrètes qui aient un effet sur les maux qui nous frappent tous", comme ce chômage des jeunes dont le taux est deux fois plus important que dans les autres classes d’âge, ce qui est "choquant". Le Conseil européen devrait donc devenir un "rendez-vous du redressement et de la remise en ordre de l’Europe", et il devrait aussi délivrer un "message social".
C’est ce que les ministres socialistes voudraient dire à Herman Van Rompuy afin qu’il ajoute à sa feuille de route ce message social. Mais pour que leur initiative réussisse, les ministres du Travail socialistes devront rassembler d’autres collègues issus d’autres familles politiques européennes autour de leur message. Des contacts ont été pris pour élargir le cercle, et d’aucuns s’y sont montrés sensibles, comme le ministre italien, et des chefs de gouvernements sensibles à un équilibre entre l’économie et le social chez eux et en Europe.
Le ministre autrichien, Rudolf Hundstorfer, qui avait déjà en juin 2012 donné une conférence de presse conjointe avec Nicolas Schmit sur la lutte contre le chômage des jeunes, pense que l’idée de cohésion sociale, une valeur centrale de l’UE, est passée à l’arrière-plan des préoccupations politiques, et c’est l’union économique et monétaire qui prime sur tout. Que l’approfondissement de l’Union à travers l’union économique et monétaire soit une préoccupation primordiale, Hundstorfer ne le conteste pas, mais il pense que le volet social a aussi sa place dans les solutions pour l’Europe. Il faut passer aux mesures concrètes contre le chômage des jeunes, il faut allouer les fonds d’aide qui sont là, inciter les Etats membres à formuler des projets pour absorber ces fonds, et surtout veiller à ce qu’ils soient bien dépensés là où on en a le plus besoin, dans les pays en crise.
Herman Van Rompuy ayant déclaré dans un de ses derniers discours que la dimension sociale de l’Union relève de la coordination entre Etats membres, Michel Sapin a tenu à faire la différence entre une coordination "molle" et une coordination "plus ferme", cette dernière, qui serait un "progrès", ayant clairement sa préférence. Il est tout à fait d’accord qu’il ne faut pas toucher à la subsidiarité dans le traitement des questions sociales et ne rien changer à la distribution des compétences, mais une coordination plus ferme entre les politiques sociales et des échanges plus approfondis entre responsables politiques seraient utiles, sans que l’on verse dans une politique fédérale ou une politique qui ne relève pas des compétences de l’Union.
Nicolas Schmit a souligné pour conclure que l’Union est basée selon les traités sur l’économie sociale de marché, pas une économie de marché pure et simple et qu’il y a donc urgence à ce que "le social reprenne sa place dans l’UE". Un socle de droits sociaux tiendrait compte des aspirations des citoyens européens qui identifient l’Union avec le modèle social européen. Mais le dumping social qui est depuis quelques années lié à la mobilité des travailleurs contribue à diminuer l’adhésion à l’Union. Un salaire minimum dans tous les Etats membres, des règles pour accompagner et former les travailleurs issus d’une entreprise soumise à une restructuration, "la garantie d’un certain niveau de sécurité pour le travailleurs" seraient des pas utiles dans ce sens.
En fin de soirée, le PSE a publié une déclaration des ministres qui reprend dans le détail les propositions qu'ils entendent soumettre au Conseil européen.