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Énergie - Environnement
La controverse sur les gaz de schiste gagne le Grand-Duché
05-10-2012


Le 4 octobre 2012, l’eurodéputé Claude Turmes adressait au recteur de l’Université de Luxembourg, Rolf Tarrach, un courrier dans lequel il s’inquiétait de la partialité d’une conférence-débat sur les gaz de schiste prévue le 8 octobre prochain.L'invitation lancée par l'Université de Luxembourg et l'Ambassade de Pologne à une conférence sur les gaz de schiste qui aura lieu le 8 octobre 2012

Rolf Tarrach n’a pas tardé à répondre à l’eurodéputé par le biais d’un bref communiqué. Il y rappelle que le rôle d’une université est aussi de traité des sujets délicats et d’être une plateforme de réflexion pour des questions complexes, comme la question énergétique, ce sur quoi il rejoint tout à fait la position de Claude Turmes.

"La conférence permet à l'auditoire d'intervenir dans une séance de questions-réponses faisant suite aux interventions des différents membres du panel", précise le recteur en invitant Claude Turmes à "venir exprimer son point de vue lors de la conférence à l'occasion de cet échange entre l'auditoire et les membres du panel". Rolf Tarrach assure que les points abordés par Claude Turmes dans sa lettre ouverte seront abordés et il prévient : "le sujet traité n'appelle probablement pas une réponse unique". "De ce point de vue, les éclairages différents sont certainement les bienvenus : si l'université constate qu'il y a lieu de renouveler l'exercice pour permettre un échange plus complet sur cette question, elle le fera volontiers", annonce Rolf Tarrach qui conclut en constatant que "le débat est ouvert".

"Mauvaise réputation – grand potentiel", titre le journaliste Jakub Adamowicz, qui modérera le débat à l’université

Un article du Luxemburger Wort daté du 5 octobre 2012 en témoigne. Le journaliste Jakub Adamowicz, qui est aussi le modérateur du débat qui se tiendra le 8 octobre 2012, titre son article faisant état de ce débat brûlant "Mauvaise réputation – grand potentiel".

"Le Luxembourg ne dispose pas actuellement d’importantes sources d’énergies sur son territoire". C’est le constat duquel part le journaliste qui relève aussi que les besoins en énergie sont couverts par l’importation de pétrole, de gaz ou d’énergie nucléaire. "Pourtant, il y a peut-être une forme d’énergie au Luxembourg qui pourrait répondre aux besoins des entreprises et des ménages", poursuit Jakub Adamowicz. Et il cite l’eurodéputé socialiste Robert Goebbels qui appelle à mener des forages dans le Sud du pays afin d’évaluer le potentiel des gaz de schiste dont les feux souterrains observés régulièrement pourraient être un indicateur de présence.

Certes, Jakub Adamowicz évoque en quelques mots les réserves émises au nom de la protection de l’environnement du fait qu’une partie des produits chimiques ajoutés à l’eau pulvérisée à haute pression pour fracturer les roches et libérer les gaz qu’elles retiennent seraient cancérigènes. Mais le journaliste ajoute aussitôt que les procédures d’extraction se sont nettement optimisées au cours des dernières années et qu’on peut donc pratiquement exclure tout contact direct avec les nappes phréatiques.

Suit un paragraphe expliquant que l’extraction de gaz de schiste est pratiquée de façon systématique aux Etats-Unis, en Argentine, au Canada et en Chine. Jakub Adamowicz rapporte ensuite les effets positifs de l’exploitation massive de gaz de schiste aux Etats-Unis sur la réduction des émissions de gaz carbonique et la nette chute des prix du gaz.

Le futur modérateur de la conférence-débat du 8 octobre rappelle ensuite qu’il y a d’importants gisements de gaz de schiste en France, où le gouvernement s’oppose à leur extraction, et en Pologne, où les autorités entendent utiliser cette source d’énergie pour réduire "stratégiquement" leurs importations de gaz naturel.

Jakub Adamowicz évoque ensuite brièvement dans son article l’échange de courriers entre Claude Turmes et Rolf Tarrach au sujet de la conférence, sans préciser d’ailleurs qu’il modérera le débat, avant de donner la parole à Robert Goebbels dans une interview en trois questions.

 "En Europe, le principe de précaution est devenu un prétexte à l’inactivisme", dénonce Robert Goebbels

"L’humanité a-t-elle assez d’énergie ?", demande ainsi Jakub Adamowicz à l’eurodéputé qui répond que "notre civilisation a besoin d’énergie" et que la consommation d’énergie va augmenter encore dans les prochains années, ce qui, dit-il est lié à la lutte contre la pauvreté. "Toute source d’énergie potentielle doit être utilisée, y compris bien sûr les énergies renouvelables", affirme Robert Goebbels qui relève toutefois que ces dernières sont chères et ne couvriront pas les besoins. "Nous avons besoin d’autres sources de sauvegarde", affirme l’eurodéputé.

"L’extraction de gaz de schiste est-elle accablante?", demande ensuite le journaliste. Robert Goebbels estime que l’extraction de la plupart des sources d’énergie est rarement respectueuse de l’environnement. Comme le soulignait  Jakub Adamowicz dans son article, "les technologies se sont considérablement améliorées" affirme Robert Goebbels qui explique que l’impact sur l’environnement de l’extraction des gaz de schiste n’est désormais pas plus grand que celui du gaz naturel.

"Les gaz de schiste ont-ils un problème d’image en Europe ?", demande enfin Jakub Adamowicz. "Il y a beaucoup de reportages tendancieux", note Robert Goebbels qui explique qu’au Canada, les forages se font sans impact sur les nappes phréatiques. "Bien sûr les technologies peuvent être améliorées" et "des normes environnementales sont nécessaires", admet-il toutefois, mais il ne faut pas perdre de vue les avantages, tranche-t-il. "En Europe, le principe de précaution est devenu un prétexte à l’inactivisme", dénonce Robert Goebbels en soulignant que l’administration du président Obama a misé sur les gaz de schiste et a créé 600 000 nouveaux emplois, et que le prix du gaz a baissé, comme l’avait rappelé Jakub Adamowicz dans son papier.

"Le pape de l’énergie auto-désigné joue les maîtres censeurs en voulant interdire une discussion libre", dénonce Robert Goebbels

L’eurodéputé socialiste a réagi directement à la lettre ouverte de Claude Turmes dans un communiqué de presse diffusé un peu plus tard dans la matinée du 5 octobre 2012. "Le fait qu’un tel débat ait lieu au Luxembourg dérange Monsieur Turmes et ses supporteurs verts dans une partie de la presse", constate-t-il.

"Le pape de l’énergie auto-désigné joue les maîtres censeurs en voulant interdire une discussion libre", dénonce Robert Goebbels. "Au lieu de laisser libre cours à la liberté d’opinion dans les questions énergétiques, Monsieur Turmes décrète que les intervenants sont en quelque sorte tous des vendus à l’industrie", poursuit-il. "J’ai moins de proximité avec l’industrie que Monsieur Turmes", souligne Robert Goebbels, un argument qu’il a déjà développé dans les échanges houleux qu’ont eu les deux parlementaires sur la question du lobbying.

Si Robert Goebbels a accepté l’invitation de l’ambassade de Pologne et de l’Université, c’est, dit-il, parce qu’il juge qu’un débat public sur l’éventuelle utilisation de gaz de schiste au Luxembourg s’impose, notamment du fait qu’il existe des gisements de gaz de schiste dans le Sud du pays. "On ne sait pas si ce gaz de schiste peut être utilisé dans des conditions économiquement et écologiquement acceptables, mais il faudrait étudier la question", plaide Robert Goebbels.