Le 7 novembre 2012, deux jours après son entrée en fonction comme nouveau ministre des Affaires étrangères des Pays-Bas, Frans Timmermans a rendu visite, après une escale à Bruxelles auprès du gouvernement belge et de l’OTAN, à son homologue luxembourgeois, Jean Asselborn. Les deux ministres, qui ont en commun d’avoir étudié tous les deux à Nancy, d’être des cyclistes chevronnés et aussi des socialistes, se connaissent depuis le temps où Frans Timmermans était ministre des Affaires européennes entre 2007 et 2010, à une époque difficile où se négociait le traité de Lisbonne sur fond de rejet en 2005 du traité constitutionnel par les Néerlandais. A l’issue de leur entrevue, ils ont affiché des positions communes sur les grands chantiers européens, leur refus de changer les traités en vigueur, sur le Benelux comme espace de coopération et acteur de poids dans l’UE, sur les valeurs communes des deux pays et sur les relations euro-atlantiques.
Un grand chantier commun lie, selon Jean Asselborn, au sein de l’UE le Luxembourg avec les Pays-Bas, qui sont son quatrième partenaire commercial et dont les ressortissants constituent presqu’un pourcent de la population résidente : la stabilisation de la zone euro et la relance économique. Certes, a admis le ministre, "les Grecs doivent faire de grands efforts et changer de mentalité vis-à-vis de leur Etat qui n’est pas leur ennemi", ils doivent pratiquer des réformes et introduire la justice fiscale. Mais de l’autre côté, l’UE et les créanciers de la Grèce ne doivent pas étrangler le pays et faire porter tout le poids de la crise aux salariés et pensionnés. La Grèce a déjà été aidée avec 150 milliards d’euros, constate le ministre, "et on ne peut pas la laisser tomber".
Jean Asselborn a aussi tenu à se démarquer du débat qui prône des réformes institutionnelles pour une meilleure sortie de crise de l’UE. Sa "ligne" est claire : on peut faire beaucoup avec les traités européens en vigueur et l’on ne résoudra rien avec des référendums et des changements de traité. D’accord avec la ligne de son homologue luxembourgeois, Frans Timmermans a enfoncé le clou : il faut exploiter tous les moyens des traités existants.
Finalement, Jean Asselborn a informé la presse à l’issue de l’entrevue avec son homologue néerlandais que le Luxembourg prendrait la présidence du Benelux en janvier 2013, et ce pour un an selon les termes du traité renouvelé.
Frans Timmermans n’a pas été en reste en termes d’annonces. Les Pays-Bas veulent approfondir et s’investir dans la coopération Benelux en tant que telle. Ils veulent aussi que le Benelux prenne plus d’initiatives au sein de l’UE, les forces unies des trois pays ayant plus d’impact et de poids. Finalement, les ministères des Affaires étrangères des trois pays devraient voir ensemble dans quelle(s) partie(s) du monde ils pourraient avoir des ambassades conjointes, ce qui est intéressant en termes de coûts, mais surtout en termes de présence politique. Une idée soutenue par Jean Asselborn qui a rappelé que les Pays-Bas ont autour de 130 ambassades, la Belgique environ 80 et le Luxembourg "presque 30", ce qui révèle "une différence d’envergure". L’idée de créer des ambassades bénéluxiennes n’a pas encore pu être précisée, a-t-il prévenu, "mais nos diplomates vont se consulter".
Un autre aspect de la coopération entre les deux pays a été le soutien des Pays-Bas à la candidature du Luxembourg au Conseil de sécurité des Nations Unies (CSNU) pour les années 2013-2014. Par ailleurs, un diplomate néerlandais expérimenté sera détaché pour les deux ans que le Luxembourg siègera au CSNU à Luxembourg pour le soutenir sur certains dossiers, a annoncé Frans Timmermans, tandis que Jean Asselborn s’est engagé au nom du Luxembourg à soutenir la candidature des Pays-Bas au CSNU pour la période 2017-2018.
Le ministre social-démocrate a insisté sur le fait que le Luxembourg et les Pays-Bas partagent les mêmes valeurs, et, au-delà du constat, il les a dûment nommées : "le plein emploi, une bonne sécurité sociale, un accès à une bonne éducation pour tous les enfants, le soutien à une vie convenable". C’est aussi sur cette base que se construit selon lui une UE plus forte et plus présente dans le monde.
Interrogé sur l’atlantisme des Pays-Bas qui pourrait subir des déceptions alors que les USA semblent déplacer le centre de gravité de leurs intérêts géostratégiques vers l’Asie, Frans Timmermans a répondu en niant qu’il y ait contradiction entre le fait d’être "pro-OTAN et pro-UE". L’Europe a besoin des USA pour assurer sa défense et sa sécurité, a-t-il martelé, et ce encore plus dans un contexte où il faut assurer la stabilité du monde arabe qui est actuellement mise à mal. Une Union européenne forte et performante est pour lui une manière d’investir dans les relations euro-atlantiques, car "les USA mesurent l’UE à sa capacité de résoudre ses problèmes". Jean Asselborn lui a emboîté le pas en pointant le fait que "les démocrates sont plus exigeants à l’égard de l’UE que les républicains".