C’est déjà le 14 novembre 2012 que la Chambre de commerce a publié son avis sur le projet de budget de l’Etat pour 2013. Elle y exprime sa grande inquiétude à cause du déficit de 1,292 milliard d’euros (2,8 % du PIB que les amendements rajoutés par le gouvernement le 6 novembre 2012 réduiront de quelque 251,5 millions d’euros à 1,0413 milliard d’euros). Malgré cela, la Chambre de commerce estime que "le budget 2013 restera fortement marqué par les déficiences structurelles dont souffrent les finances publiques luxembourgeoises".
Son analyse de la situation économique dans son ensemble est sombre : "Par ailleurs, l’économie luxembourgeoise reste fortement secouée par la crise. Des enjeux importants à moyen terme, concernant notamment le secteur financier, l’avenir industriel, la disparition de la TVA sur le commerce électronique, et à long terme, notamment en termes d’assurance-pension, d’assurance-maladie et d’assurance-dépendance, nous guettent. De surcroît, le Luxembourg s’enfonce dans un déficit structurel." Peu satisfaite des réponses apportées et des mesures de consolidation mises en œuvre jusqu’à présent, la Chambre de commerce résume ainsi les enjeux : "Soit le Luxembourg parvient à se réformer et à mettre en œuvre les jalons politiques et budgétaires nécessaires, soit il perdra à terme son attractivité et sa souveraineté budgétaire. Dans ce cas, son destin sera décidé ailleurs." Et de juger aussi que la jeune génération est "aujourd’hui déjà largement hypothéquée par l’insuffisance des réformes de la sécurité sociale, le taux de création d’emplois en berne et la concurrence effrénée en Grande Région sur le marché du travail".
La Chambre de commerce revendique toute une série de réformes pour mettre le Luxembourg au diapason de l’Europe : "réforme de l’architecture et des procédures budgétaires, réforme des marchés des biens et des services en simplifiant profondément les procédures administratives, ce qui relancerait l’économie sans aucune incidence budgétaire ; ou encore une réforme du système de formation des salaires et une réforme incisive du marché du travail par une flexibilisation accrue qui permettra de créer des emplois, tout en générant des recettes supplémentaires".
Pour la Chambre de commerce, ce train de réformes équivaut à "réinventer le modèle socio-économique luxembourgeois". En plus clair, même si la formulation reste encore très générale, cela veut dire aussi gel de l’indexation des salaires en 2013 et 2014 et réalisation d’une étude sur la désindexation généralisée de l’économie, une meilleure sélectivité sociale pour une lutte efficace contre la pauvreté, un changement de paradigme en matière de prise en charge de l’inactivité et un alignement du congé parental sur la norme européenne en la matière (14 semaines dans l’UE, mais 1 an à temps partiel ou 6 mois ou 26 semaines à plein temps au Luxembourg, ndlr).
"Les problèmes structurels qu’éprouve notre pays n’ont pas été provoqués par la crise, mais simplement mis à nu et renforcés par celle-ci."
Dans son analyse des grands blocs budgétaires, la Chambre de commerce met en avant le rôle du solde de la sécurité sociale au titre de l’année budgétaire 2013 dans l’amélioration du solde global de l’Administration publique. Mais elle ajoute, mettant en garde : "L’excédent de la sécurité sociale, le 'coussin de sécurité' ou 'l’amortisseur de choc' des finances publiques luxembourgeoises, fond à une vitesse préoccupante, évolution que la réforme des pensions actuellement envisagée ne permettra en rien d’endiguer."
Pour la Chambre de commerce, "les problèmes structurels qu’éprouve notre pays n’ont pas été provoqués par la crise, mais simplement mis à nu et renforcés par celle-ci" : la valeur ajoutée du secteur financier est à la baisse ; les usines ferment, les unités se délocalisent et les emplois disparaissent ; la chute de la productivité et la progression du coût salarial rendent la pérennisation des sites industriels très difficile ; le coût salarial est plus que jamais dissocié du contexte économique. Selon la Chambre de commerce, le coût salarial a connu entre 2009 et 2011 une hausse de 12,5 % sans que la richesse produite n’ait progressé.
La Chambre de Commerce "estime que les réponses à la double crise, économique et budgétaire, données jusqu’à présent par le Gouvernement, sont insuffisantes ". Elle dénonce le fait que "dans le 1er paquet d’assainissement des comptes publics du 17 décembre 2010, environ 80 % des économies annoncées sur le versant des dépenses ont été opérées à travers la non-réalisation d’investissements projetés. C’est d’autant plus regrettable que ce sont ces derniers, s’ils sont bien articulés, qui permettent de renforcer la compétitivité hors-coût et l’attractivité du territoire." Le 2e paquet de consolidation de printemps 2012 se compose, quant à lui "en partie de mesures ayant un caractère symbolique". Finalement, "les amendements présentés le 6 novembre ne solutionnent rien" même s’ils vont "du point de vue de l’objectif à atteindre, à savoir l’assainissement budgétaire (…) dans la bonne direction".
La mise en garde est formulée partant d’une aune européenne : "Premier de la classe en Europe en 2007 quant au solde de l’Administration publique (excédent de 3,7 %), le Luxembourg perd du terrain chaque année et, contrairement aux autres pays, aucune tendance réelle d’amélioration du solde public n’est perceptible au fil des années, comme il ressort du graphique ci-après, soulignant le caractère inefficace des efforts de consolidation et de relance de la croissance à l’œuvre au Luxembourg. A politique (quasiment) inchangée, l’Administration publique luxembourgeoise éprouvera, avec l’Espagne, le déficit le plus élevé en fin de période parmi les 8 pays représentés."
Pour atteindre l’objectif budgétaire à moyen terme (0,5 % du PIB) que l’UE demande au Luxembourg, la Chambre de Commerce fait ses propositions : assainir les finances publiques sans compromettre davantage la compétitivité ; la politique de consolidation n’est pas synonyme de récession économique ; conserver à tout prix la souveraineté budgétaire et l’attractivité du Luxembourg ; compléter des mesures structurelles portant sur des dépenses par des économies ponctuelles ; passer au crible toutes les dépenses et accélérer le rythme de consolidation suivant la trajectoire d’ajustement prévue par le Pacte fiscal européen ; considérer les hausses fiscales comme un instrument d’appoint, et non comme le principal instrument de l’assainissement budgétaire ; définir un objectif à moyen terme suffisamment ambitieux pour faire face au financement durable de la sécurité sociale.
Au-delà des mesures sociales citées ci-dessus, la Chambre de Commerce prône encore d’autres mesures structurelles : la mise en œuvre d’une "feuille de route du mieux investir" ; la transposition dans les meilleurs délais du Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’UEM, afin d’asseoir la consolidation budgétaire sur des bases plus solides et contraignantes ; la refonte de l’architecture budgétaire autour de critères de résultats, de performances et d’atteinte d’objectifs ; une feuille de route pluriannuelle afin de tendre vers des dépenses par fonction plus proches de la moyenne européenne.
La Chambre de Commerce prône par ailleurs "une révision du système fiscal dans sa globalité, en y intégrant, notamment, une radiographie des divers abattements et autres déductions qui, s'ils ont pu être justifiés à une époque, ne le sont plus forcément aujourd'hui". Alors qu’elle est contre une hausse de la fiscalité, elle demande que "certaines primes d’assurance obligatoires" cessent d’être déductibles, elle veut réviser les forfaits de frais d’obtention pour les revenus d’une occupation salariée, abolir partiellement le crédit d’impôt en matière immobilière, aligner le forfait kilométrique sur le prix d’un abonnement annuel des transports en commun et augmenter légèrement l’impôt foncier. Finalement, la Chambre de commerce prône un "relèvement modéré des taux d’accises en ligne avec les évolutions dans les pays voisins". Ces mesures permettraient des économies de 719 millions d’euros portant sur les dépenses et 260 millions d’euros de recettes en plus.