Depuis août 2012, et encore plus depuis leur publication en octobre 2012, les propositions de l'Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA ou EASA) pour de nouvelles règles harmonisées en Europe afin de lutter contre la fatigue des pilotes, des mesures censées entrer en vigueur d'ici fin 2015, font l’objet d’une forte opposition dans le milieu des pilotes en Europe.
Le 22 janvier 2013, les pilotes et le personnel navigant ont un peu partout en Europe "tiré la sonnette d’alarme" face à la nouvelle règlementation européenne concernant la limitation du temps de vol. L’ECA (European Cockpit Association) a organisé sous le mot d’ordre "Walkout for Safety" (débrayage pour la sécurité), une journée de protestation qui a consisté dans des manifestations simultanées dans ou autour des aéroports majeurs de l’UE. A Luxembourg, une trentaine de pilotes a manifesté dans et devant le hall de l’aéroport sous la houlette de l’Association Luxembourgeoise des Pilotes de Ligne (ALPL), qui est membre de l’ECA et de la Fédération Internationale des Associations des Pilotes de Ligne (IFALPA). A Bruxelles, une pétition qui porte sur la sécurité et qui a recueilli quelque 100 000 signatures, a été remise à la Commission
Pour Nico Voorbach, le président de l’ECA, "les nouvelles normes permettront aux compagnies aériennes d’appliquer des horaires de vol dangereux vu que les équipages pourront être amenés à effectuer un service d’une durée de 20, voire de 22 heures. Aussi pourra-t-on exiger des équipages de rester aux commandes toute la nuit pendant 12 heures d’affilée, alors que les scientifiques avertissent que les risques pour la sécurité augmentent de façon significative si la durée du service de nuit dépasse les 10 heures."
"La sécurité des passagers, des équipages et des citoyens vivant sous les couloirs aériens est en jeu", a averti Philip von Schöppenthau, Secrétaire général de l’ECA. "Nous nous en remettons aux législateurs nationaux et aux députés européens », a-t-il poursuivi, « pour qu’ils apportent des amendements à ce règlement et qu’ils placent la sécurité de nouveau en tête des priorités de l’UE, puisque le texte tel qu’il existe est carrément inacceptable."
Le président de l’ALPL, Darell Myers a soutenu ces revendications, tout comme la nécessité que les États membres puissent continuer à conserver ou à introduire des règles de sécurité plus strictes en matière de limitation du temps de vol.
Le député européen PPE et ancien dirigeant syndical dans le domaine des transports, Georges Bach, a apporté son soutien au mouvement de protestation. « Nous avons tous l’impression que le principal intérêt de la Commission européenne, ce sont les profits des lignes aériennes et non pas la sécurité des passagers et les conditions de travail des équipages », dit-il dans un message qu’il a fait parvenir aux manifestants de l’ALPL.
Georges Bach a posé en décembre 2012 une question écrite à la Commission dans laquelle il lui demande de confirmer que le principe de «non-régression» sera préservé dans la future réglementation sur la limitation du temps de vol et que les États membres resteront autorisés à conserver ou à introduire des règles de sécurité plus strictes en matière de limitation du temps de vol.
Il demande aussi à la Commission de fournir un aperçu des secteurs dans lesquels ont été suivis les conseils scientifiques figurant dans quatre rapports commandés par l'AESA en 2009 et en 2011 et, lorsque ces conseils n'ont pas été suivis, d’expliquer si elle considère que les activités menées en vertu de telles dispositions sont manifestement sûres et, dans l'affirmative, pour quelles raisons.
Il demande ensuite à la Commission d’expliquer si elle considère que la limitation du temps de vol de nuit de l'AESE, à savoir 11 à 12,5 heures, est manifestement sûre, étant donné que, selon les avis scientifiques, les vols de nuit devraient être limités à 10 heures.
Il lui demande également d’expliquer si elle considérerait des journées de service de 22 heures (soit 8 heures en attente + 14 heures de service de vol) comme manifestement sûres, étant donné que les États-Unis ont «plafonné» à 16 heures le service d'attente et de vol.
Finalement, il voudrait que soient expliqués la logique et les arguments de sécurité qui sous-tendent la proposition de l'AESE de permettre aux États membres de se définir comme des États à "horaires précoces" ("early types") plutôt qu'à "horaires tardifs" ("late types"), car « cela permettra aux compagnies aériennes d'un pays à "horaires précoces" d'échapper aux limitations en matière d'«horaires contraignants» mentionnées dans l'avis pour certains de leurs départs précoces et de contrevenir aux avis scientifiques quant à ce qu'il y a lieu de considérer comme undépart précoce".
La Commission n’a pas encore répondu à ces questions, mais Georges Bach et ses collègues du groupe politique PPE Hubert Pirker, Jim Higgins et Dominique Riquet vont suivre de près la question. Ils ne veulent pas accepter "que la Commission européenne prenne des décisions unilatérales sur des sujets aussi sensibles sans tenir compte des revendications des représentants des pilotes et des équipages qui sont basées sur leur propre expérience."
Le député ADR Fernand Kartheiser avait adressé le 23 octobre 2012 une question parlementaire au sujet de la proposition de la nouvelle règlementation européenne concernant la limitation du temps de vol, à laquelle le ministre compétent pour les transports, Claude Wiseler, a répondu le 14 janvier 2013.
L’on y lit que le Luxembourg "ne peut qu’encourager les efforts européens d’harmonisation des temps de vol et de service à un haut niveau, sachant que ces règles sont appliquées de manière très différente dans les différents Etats membres, malgré un premier cadre européen, de sorte qu’un 'level playing field' n’est pas garanti dans les différents pays". La DAC, la Division de l’Aviation civile, qui représente le Luxembourg à l’EASA, a été instruite de veiller à ce que les règles de sécurité soient uniformisé en Europa à un niveau élevé. Le ministre qualifie le texte soumis par la Commission de "première mise à jour des règles existantes » qui « précise des séries de cas de figure qui n’avaient pas été réglés dans l’ancien texte, avec pour objectif de rendre plus sûr le transport aérien commercial". Le ministre souligne que contrairement aux réglementations nationales, le texte de la Commission se base sur des études scientifiques.