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Transports
La Commission vient de mettre sur la table son quatrième paquet ferroviaire, et déjà les débats s’annoncent vifs
30-01-2013


Le 30 janvier 2013, la Commission européenne a présenté le quatrième paquet ferroviaire, un ensemble de six propositions législatives visant à "achever l’espace ferroviaire européen" en procédant notamment à l’ouverture totale du marché du transport de voyageurs à l’horizon 2019. La Commission ambitionne aussi d’améliorer l’interopérabilité au sein de l’espace ferroviaire européen et propose de séparer strictement les activités de gestionnaire d’infrastructure et de transporteur.La Commission a mis sur la table le quatrième paquet ferroviaire le 30 janvier 2013

Une proposition attendue de pied ferme depuis plusieurs mois et accueillie de façon plus ou moins sceptique et critique selon les différents volets du paquet.

Premier défi auquel entend répondre la proposition : l’interopérabilité, grâce à "un système de normes et d’autorisations qui fonctionne"

Actuellement, l’Agence ferroviaire européenne (AFE / EFA), instituée par le deuxième paquet ferroviaire en 2004, joue un rôle central dans la promotion de l’interopérabilité, en harmonisant les normes techniques par l’élaboration de spécifications techniques d’interopérabilité (STI) pour l’ensemble du marché de l’UE.

Cependant, des règles techniques et de sécurité de portée nationale (qui régissent notamment les procédures d’exploitation ferroviaires) restent en vigueur parallèlement aux STI de l’Union européenne. D’après les calculs de l’AFE, il existe actuellement plus de 11 000 règles nationales dans l’UE. On observe en outre des divergences considérables dans la manière dont les autorités nationales de sécurité mènent les procédures d’autorisation de véhicules et de certification en matière de sécurité.

Conséquence des obstacles techniques et administratifs, les coûts administratifs sont élevés et l’accès au marché pour les nouveaux arrivants et les constructeurs de véhicules ferroviaires sont difficiles. Les procédures d’autorisation pour les nouveaux véhicules ferroviaires peuvent durer jusqu’à deux ans et coûter jusqu’à 6 millions d’euros, explique par exemple la Commission.

Même s’il existe des normes harmonisées au niveau de l’UE, les autorisations ferroviaires et les certificats de sécurité sont actuellement délivrés par chaque État membre.

Quant aux entreprises ferroviaires, elles sont tenues de payer le coût de la procédure d’agrément à l’autorité nationale de sécurité. Certaines entreprises ont dû investir l’équivalent de deux personnes-années et payer jusqu’à 70 000 euros en coûts administratifs et de conseil. Le problème touche particulièrement le fret ferroviaire, domaine dans lequel les nouveaux arrivants sont plus vulnérables à la complexité des procédures et aux retards qu’elles engendrent étant donné qu’ils disposent souvent de ressources humaines et financières limitées.

Les chiffres disponibles auprès des parties intéressées laissent supposer que les coûts liés aux procédures d’autorisation atteignent jusqu’à 10 % des coûts des locomotives par pays. Lorsque celles-ci sont utilisées dans trois États membres, les coûts globaux peuvent atteindre environ 30 %.

Les nouvelles propositions

La Commission veut réduire les coûts administratifs des entreprises ferroviaires et faciliter l’entrée de nouveaux opérateurs sur le marché.

En vertu des nouvelles propositions, l’Agence ferroviaire européenne doit devenir un "guichet unique" qui délivrera les autorisations de véhicules au niveau de l’Union sous la forme de "passeports de véhicule" ainsi que des certificats de sécurité valables dans l’ensemble de l’Union pour les opérateurs.

La Commission propose par conséquent de procéder à une révision du règlement instituant l’Agence ferroviaire européenne afin, d’une part, de conférer à l’Agence des compétences en matière d’autorisation de véhicules et de certification en matière de sécurité des entreprises ferroviaires et, d’autre part, de renforcer son rôle en matière de supervision des règles nationales et de surveillance des autorités nationales de sécurité.

Afin de concrétiser ces modifications, le nouveau paquet modifiera les directives sur l’interopérabilité et la sécurité ferroviaires, permettant ainsi de clarifier et de simplifier les dispositions existantes, de consolider les modifications précédentes et de mettre à jour la législation pour l’aligner sur le traité de Lisbonne et le nouveau cadre législatif pour la mise sur le marché de produits.

En vertu des nouvelles dispositions, l’AFE délivrera les autorisations pour les véhicules et octroiera les certificats de sécurité (en coopération avec les autorités nationales de sécurité compétentes) pour les entreprises ferroviaires sur la base des demandes qui lui seront transmises. Elle jouera également un rôle accru dans la facilitation du déploiement de l’ERTMS. Outre ces modifications, la structure de gouvernance et les modes de fonctionnement interne de l’AFE seront améliorés.

Ces mesures ont pour objectif de réduire de 20 % les délais d’accès au marché pour les nouvelles entreprises ferroviaires et de réduire de 20 % le coût et la durée de la procédure d’autorisation du matériel roulant. Globalement, les entreprises devraient ainsi économiser 500 millions d’euros sur 5 ans.

Deuxième axe de la réforme proposée par la Commission : assurer une séparation entre la gestion des infrastructures et l'activité de transporteur

La séparation des comptes financiers est obligatoire depuis 1991. Depuis 2001, les fonctions reconnues comme "fonctions essentielles" du gestionnaire de l’infrastructure – notamment l’attribution des sillons et la tarification de l’usage des infrastructures – ont dû être séparées des activités de transport.

Dans les faits, la Commission constate que certains États membres contestent la portée précise des règles de l’UE et ne les ont pas mises en œuvre dans leur intégralité. En outre, les règles exigent seulement que la société holding de l’opérateur national historique procède à la séparation des fonctions d’attribution de sillons et de tarification de l’usage de l’infrastructure. D’autres fonctions telles que la prise de décisions relatives à l’entretien, à la gestion journalière du trafic ferroviaire et au développement de l’infrastructure, peuvent être exercées par une entité liée à une entreprise ferroviaire (exploitant de trains) – en pratique, l’opérateur historique national. Aux yeux de la Commission, il existe "au minimum une forte suspicion que des opérateurs historiques font usage de cette faculté pour exercer, de manière dissimulée, des discriminations à l’encontre des nouveaux arrivants".

À l’inverse, plus de la moitié des 25 États membres dotés d’un système de transport ferroviaire sont allés au-delà des exigences de la législation de l’UE, en optant pour une séparation institutionnelle (sans relations de propriété ni de contrôle) entre un gestionnaire de l’infrastructure à part entière et les opérateurs de transport. D’autres pays ont choisi de mettre en place des structures plus complexes, consistant soit en une structure totalement intégrée (avec délégation des deux fonctions essentielles du gestionnaire de l’infrastructure à des organismes externes), soit en une société holding dont l’une des entités juridiques est chargée de la gestion de l’infrastructure.

La Commission s’inquiète de la position de monopole qu’occupent naturellement les gestionnaires de l’infrastructure qui "ne réagissent pas toujours aux besoins du marché et ne trouvent pas d’incitation suffisante à satisfaire les besoins des utilisateurs".Elle déplore aussi le fait que les gestionnaires de l’infrastructure ne coopèrent pas assez entre eux.

Par ailleurs, elle se fait l’écho de vives critiques formulées par les nouveaux acteurs du marché en ce qui concerne la présence du gestionnaire de l’infrastructure dans une structure intégrée, une situation où il semblerait que les gestionnaires de l’infrastructure opèrent des discriminations à l’encontre d’opérateurs non historiques, par exemple en augmentant considérablement les redevances d’accès aux voies et aux gares pour les services de transport de voyageurs lors de l’entrée sur le marché d’un nouvel opérateur.

Les nouvelles propositions

La Commission se fixe pour objectif de renforcer la position des gestionnaires de l’infrastructure pour qu’ils aient la maîtrise de toutes les fonctions centrales du réseau ferroviaire – y compris la planification des investissements dans l’infrastructure, les opérations et l’entretien quotidiens, ainsi que l’établissement d’horaires. Aux termes des nouvelles propositions, une entité unique – le gestionnaire de l’infrastructure – remplira toutes les fonctions liées au développement, à l’exploitation (y compris la gestion du trafic) et à l’entretien de l’infrastructure. Cela n’empêchera pas le gestionnaire de l’infrastructure de sous-traiter, sous son contrôle, des tâches spécifiques de renouvellement ou d’entretien à des entreprises ferroviaires.

Autre objectif affiché par la Commission, garantir le développement du réseau dans l’intérêt de tous les acteurs. La Commission propose à cet effet d’établir un comité de coordination qui permettra à tous les utilisateurs de l’infrastructure de faire connaître leurs besoins et assurera un traitement adéquat des difficultés qu’ils rencontrent. Il s’agit de faire en sorte que les gestionnaires de l’infrastructure soient davantage tournés vers le marché et de garantir que leur politique de répartition des sillons, de tarification, d’entretien et de renouvellement répond à la demande de tous les utilisateurs de l’infrastructure ferroviaire.

La Commission aspire aussi à renforcer la coopération transfrontalière entre les gestionnaires de l’infrastructure. Elle propose la création d’un réseau des gestionnaires de l’infrastructure, afin de garantir le traitement correct et coordonné des questions de nature transfrontalière et paneuropéenne par les gestionnaires. Les questions à traiter dans ce cadre comprennent la mise en œuvre du réseau RTE-T, les corridors de fret ferroviaire et le plan de déploiement de l’ERTMS.

La Commission a pour objectif de séparer la gestion des voies de l’exploitation des trains. Eu égard aux nombreuses plaintes d’utilisateurs et aux preuves de discrimination dont elle dispose, la Commission considère que les gestionnaires de l’infrastructure doivent jouir d’une indépendance opérationnelle et financière par rapport aux exploitants de services de transport ferroviaire, quels qu’ils soient. Cette mesure est à ses yeux essentielle pour éliminer les conflits d’intérêts potentiels et assurer à toutes les entreprises un accès non discriminatoire aux voies.

Elle implique (1) d’étendre les exigences d’indépendance à toutes les fonctions du gestionnaire de l’infrastructure et (2) de renforcer les exigences en question.

À titre de règle générale, la proposition de la Commission confirme la séparation institutionnelle en tant que moyen le plus simple et le plus transparent pour garantir l’indépendance nécessaire.

La proposition prévoit que la séparation institutionnelle entre les gestionnaires de l’infrastructure et les entreprises ferroviaires (sans relations de propriété entre les deux types d’entité) devienne la règle applicable par défaut dès l’entrée en vigueur de la directive. La création de nouvelles structures holding dans le secteur ferroviaire ne serait plus possible.

Les entreprises ferroviaires, indépendantes des gestionnaires de l’infrastructure, disposeront d’un accès immédiat au marché intérieur du transport de voyageurs en 2019.

Réponse sans doute aux inquiétudes exprimées notamment par l’Allemagne et la France, la Commission n’exclut cependant pas qu’une structure verticalement intégrée, en "holding", puisse aussi assurer l’indépendance requise, mais sous réserve que des "murailles de Chine" strictes soient mises en place pour garantir la séparation juridique, financière et opérationnelle. Ces mesures comprennent notamment: la mise en place d’organes décisionnels totalement distincts, pour prévenir les pratiques discriminatoires; des flux financiers séparés (avec une séparation des comptes et des mesures garantissant que les recettes du gestionnaire de l’infrastructure ne profitent pas aux entreprises ferroviaires sous forme de financement croisés); des systèmes informatiques distincts pour éviter les fuites d’informations commerciales confidentielles; enfin, l’imposition de périodes d’attente strictes pour le transfert du personnel, de manière à éviter les conflits de loyauté.

Dans le contexte de l’ouverture totale du marché du transport de voyageurs à l’horizon 2019, les entreprises ferroviaires appartenant à une structure verticalement intégrée pourraient se voir interdire d’opérer dans d’autres États membres si elles n’ont pas d’abord convaincu la Commission de la mise en place de garanties appropriées assurant l’indépendance juridique, financière et opérationnelle requise pour assurer effectivement le maintien de conditions égales de concurrence et de l’existence d’un accès équitable des autres opérateurs à leur marché national d’origine.

Troisième ambition de la Commission : ouvrir à la concurrence les marchés nationaux du transport de voyageurs

Les services nationaux de transport ferroviaire de voyageurs représentent plus de 94 % du marché du transport ferroviaire de voyageurs dans l’UE.

Les entreprises disposeront de deux moyens pour offrir des services nationaux de transport ferroviaire de voyageurs dans l’UE :

1) proposer des services commerciaux concurrents

En pratique, cela signifie qu’une société serait en mesure de mettre sur pied et d’exploiter ses propres services, entrant ainsi en concurrence avec d’autres opérateurs – c’est déjà ce qui se passe sur les lignes à grande vitesse italiennes, où l’opérateur public Ferrovie Dello Stato et le nouveau venu NTV exploitent tous deux des services entre Naples, Rome et Milan.

2) participer à des procédures de mise en concurrence

Il s’agit de soumissionner pour décrocher des contrats de service public de transport ferroviaire, lesquels représentent environ 90 % des trajets effectués en train dans l’Union; ces contrats couvrent notamment la plupart des trains de banlieue et des trains régionaux, ainsi que certaines distances supérieures. Ils feront désormais obligatoirement l’objet d’une mise en concurrence. (C’est déjà le cas dans certains États membres – par exemple dans les Länder allemands qui organisent eux-mêmes la mise en concurrence pour l’attribution de leurs services régionaux, ou au Royaume-Uni avec son système de concessions).

A l’heure actuelle, les marchés des services de fret ferroviaire sont entièrement ouverts à la concurrence depuis janvier 2007 et ceux des services de transport international de voyageurs depuis le 1er janvier 2010.

En ce qui concerne les marchés nationaux de transport de voyageurs, la législation européenne n’impose pas leur ouverture, ce qui n’a pas empêché certains États membres d’autoriser la concurrence, à savoir l’Allemagne, la Suède, l’Italie, le Royaume-Uni, l’Autriche et la République tchèque. Mais dans 16 des 25 États membres dotés d’un système ferroviaire, il existe un opérateur historique dont la part de marché est supérieure à 90 %. 47 % des voyageurs-kilomètres dans l’Union, couvrant la plupart des services locaux et régionaux ainsi que plusieurs services longue distance sont exploités dans le cadre d’obligations de service public mais après une attribution directe aux opérateurs historiques, assortie de droits exclusifs.

Si rien ne change, prévoit la Commission, plusieurs opérateurs historiques continueront à décrocher des contrats par attribution directe, ce qui exclut les nouveaux entrants et maintient la concurrence à un faible niveau. "Les monopoles nationaux continueront à exister sur de nombreux marchés nationaux, ce qui empêchera les améliorations du service résultant de la pression concurrentielle", s’inquiète la Commission.

Les nouvelles propositions

La Commission propose de modifier le règlement (CE) n° 1370/2007 relatif aux services public de transport de voyageurs par chemin de fer et par route de manière à rendre obligatoire la mise en concurrence en vue de l’attribution de contrats de service public de transport ferroviaire, et de modifier la directive 2012/34/UE pour autoriser de manière générale l’accès à l’infrastructure en vue de l’exploitation de services nationaux de transport de voyageurs – avec la possibilité toutefois de limiter cet accès lorsqu’une menace pèse sur l’équilibre économique (la viabilité) d’un contrat de service public.

Les entreprises seront en mesure d’offrir des services nationaux de transport ferroviaire de voyageurs dans l’UE: soit en proposant des services commerciaux concurrents (libre accès); soit en soumissionnant pour obtenir des contrats de service public de transport ferroviaire, qui représentent environ 90 % des trajets effectués en train dans l’UE et feront désormais obligatoirement l’objet d’une mise en concurrence.

En vertu des propositions de la Commission, la mise en concurrence ne s’appliquera obligatoirement qu’aux marchés dépassant certains seuils. Il s’agit d’éviter des procédures de mise en concurrence pour de petits contrats pour lesquels les pouvoirs publics ne peuvent espérer réaliser que de faibles économies. Un plafond pour les contrats de service public sera fixé en termes de trains-km ou sous la forme d’un pourcentage du volume total du transport de voyageurs par chemin de fer géré par contrat de service public pour chaque État membre, afin d’assurer qu’il se trouvera, sur le marché, des soumissionnaires susceptibles de présenter des offres adéquates. Des mesures transitoires seront mises en place en vue de l’introduction de l’obligation de mise en concurrence, pour éviter des effets disproportionnés sur les contrats existants attribués directement.

À la suite de plaintes émanant d’entreprises, la Commission fait aussi des propositions pour éliminer deux autres obstacles à l’accès de nouveaux arrivants, à savoir l’accès au matériel roulant et la discrimination dans l’accès à des systèmes de billetterie intégrée.

Le matériel roulant ferroviaire – locomotives, voitures et unités multiples – est très coûteux, mais son coût peut être amorti sur une période d’exploitation de 30 à 40 ans, voire plus. Cependant, les modifications qu’il est proposé d’apporter à la directive 91/440 limitent à 15 ans la durée des contrats de service public, et cette durée est souvent beaucoup plus courte. En l’absence de mécanisme pour gérer le risque lié à la valeur résiduelle du matériel roulant à la fin d’un contrat de service public, les soumissionnaires devraient intégrer ce risque dans le prix de leur offre – ce qui rendrait prohibitif le coût des contrats de service public. Mais il est plus probable que les entreprises ferroviaires nationales existantes, disposant d’un accès au matériel roulant, seraient les seules à soumissionner, ce qui priverait l’objectif de mise en concurrence d’une grande partie de son sens.

Pour éviter ce problème et faciliter l’accès au matériel roulant, la Commission propose d’introduire l’obligation, pour les autorités compétentes, d’assumer le risque financier lié à la valeur résiduelle du matériel roulant par un éventail de moyens appropriés, par exemple en endossant la propriété du matériel roulant, en fournissant une garantie bancaire pour l’acquisition de nouveau matériel, ou en mettant sur pied une société de location (ROSCO, ROlling Stock operating COmpany).

La Commission propose l’établissement, sur une base volontaire, de systèmes de billetterie nationaux, soumis à des exigences de non-discrimination. Cette proposition permettra aux États membres et aux opérateurs de mettre en place des systèmes de billetterie nationaux, clarifiera les dispositions existantes et mettra fin à certaines insécurités juridiques.

La Commission souligne l’importance du maintien d’une main-d’œuvre ferroviaire qualifiée

Pour que les travailleurs jouissent de garanties suffisantes après l’ouverture des marchés, la législation existante, notamment la directive relative aux transferts d’entreprises, définit les conditions pour le transfert de personnel lors de l’attribution d’un contrat de service public et de la cession d’actifs tels que le matériel roulant à une autre entreprise ferroviaire. Le règlement sur les obligations de service public permet aux autorités compétentes d’imposer le transfert de personnel et/ou la fixation de normes en cas d’attribution d’un contrat de service public à une autre entreprise ferroviaire.

Mais dans les dix prochaines années, le secteur ferroviaire devra faire face simultanément au défi du vieillissement de la population active et à celui des gains d’efficacité dus à l’ouverture du marché, prévoit la Commission.

Si la Commission est convaincue que les taux d’emploi ne devraient pas diminuer après l’ouverture des marchés et que l’augmentation de la productivité et de l’attractivité du secteur du transport ferroviaire entraînera une plus forte demande et des investissements et aura donc un impact positif sur les conditions de travail, elle est consciente qu’il est essentiel de disposer de ressources humaines qualifiées et très motivées dans le secteur du transport pour garantir l’efficacité et la compétitivité des services fournis dans ce domaine.

Les propositions

Les entreprises ferroviaires paneuropéennes seront tenues de mettre sur pied des comités d’entreprise européens, conformément à la directive concernant l’institution d’un comité d’entreprise européen, et de participer aux travaux du comité de dialogue sectoriel (dialogue social pour le secteur ferroviaire).

Les États membres devront pouvoir prendre des mesures supplémentaires pour protéger les travailleurs en exigeant des nouveaux contractants qu’ils reprennent ces travailleurs lorsqu’ils deviennent attributaires de contrats de service public, ce qui va au-delà des exigences générales de l’UE relatives aux transferts d’entreprises.

Cette proposition a aussitôt suscité des réactions sceptiques, voire très critiques, même si certains aspects du paquet sont appréciés

Les syndicats ont réagi sans tarder à cette proposition.

Ainsi, Guy Greivelding, qui est président du FNCTTFEL-Landesverband mais aussi président de la section Rail de la Fédération européenne des travailleurs des transports (ETF), a aussitôt dénoncé un paquet législatif déséquilibré. Les syndicats s’inquiètent notamment de l’introduction de l’obligation de passer des appels d’offres dans les services de transport ferroviaire de passagers, de la libéralisation de tous les services nationaux aux passagers, ainsi que de la séparation totale entre gestion des infrastructures et activités de transport.

L’ETF est d’avis que l’obligation de passer des appels d’offre est contraire au droit des Etats membres à décider de l’organisation des services de transport public inscrit dans le protocole 26 du traité de Lisbonne.

A leurs yeux, l’ouverture à la libre concurrence met par ailleurs en danger les principes d’universalité et d’accessibilité des services ferroviaires en favorisant le choix des lignes les plus rentables au détriment d’un réseau équilibré.

Ce que critique en particulier Guy Greivelding, c’est que la libre concurrence va s’imposer, mais que la protection des travailleurs continuera elle de relever des autorités locales, sans aucune obligation légale au niveau européen. A ses yeux, la Commission confirme une fois de plus son approche idéologique qui consiste à dire "oui à l’ouverture des marchés mais non à la protection des conditions sociales des travailleurs", ainsi que le résume le syndicaliste luxembourgeois.

Il n’a pas échappé à l’ETF que la Commission s’est penchée sur la question des compétences, ce que le syndicat salue, mais il regrette qu’il ne soit assorti d’aucune proposition législative concrète.

Sur la question des nouvelles compétences que la Commission entend confier à l’ERA, l’ETF conditionne son aval à une harmonisation des standards de santé et de sécurité au travail pour les conducteurs de locomotives sur la base des standards les plus élevés.

L’eurodéputé Georges Bach (PPE), lui-même ancien cheminot et syndicaliste engagé, a réagi très vite en affichant son scepticisme. Au terme d’une première lecture qu’il entend bien approfondir dans les prochains jours, le parlementaire affirme d’ores et déjà qu’il n’est pas d’accord avec tous les éléments du paquet.

Georges Bach salue toutefois les propositions de la Commission visant à améliorer l’interopérabilité. De son point de vue, l’harmonisation technique aurait d’ailleurs dû être réalisée depuis longtemps, puisque c’est la base pour mettre en place un réseau ferroviaire européen. Il déplore par conséquent que la Commission ait préféré, plutôt que de se concentrer sur ces normes techniques, introduire progressivement une libéralisation accompagnée par une inquiétude du secteur liée aux différentes propositions législatives qui se sont suivies ces dix dernières années. "Il ne faut pas s’étonner que le transport passe de plus en plus du rail vers la route", constate, amer, Georges Bach qui relève que la réforme du premier paquet ferroviaire vient tout juste d’être adoptée alors qu’arrive déjà sur la table ce quatrième paquet.

L’eurodéputé luxembourgeois salue aussi le rapport de la Commission sur le personnel. "Même s’il n’y a pas là de proposition législative, c’est un des premiers textes de la Commission qui traite du statut du personnel ferroviaire", constate, plus nuancé que les syndicalistes d’ETF, Georges Bach, qui se souvient que cet aspect a été longtemps négligé et qui assure qu’il est grand temps d’accorder plus d’attention aux travailleurs du secteur.

En revanche, Georges Bach rejoint les syndicats dans sa critique virulente de l’introduction obligatoire d’appels d’offre. "A mon avis, les autorités nationales devraient pouvoir continuer de décider en toute indépendance de la façon dont elles entendent organiser les transports publics de passagers", plaide Georges Bach soucieux que les pouvoirs publics assurent des services minimums de qualité à toute la population en matière de mobilité.

Georges Bach s’inquiète aussi des intentions de la Commission de séparer les gestionnaires de réseaux des transporteurs, et notamment des conséquences qu’une telle décision pourrait avoir au Luxembourg. De son point de vue, le parti pris de la Commission, qui consiste à voir dans la séparation stricte entre infrastructure et activités de transport la manière la plus simple et la plus transparente d’éviter les conflits d’intérêt est "dogmatique" et ne tient pas du tout compte des différentes spécificités nationales. "Un système ferroviaire très petit mais aussi très connecté au niveau international comme celui du Luxembourg ne peut être comparé avec la situation de l’Allemagne ou de l’Espagne", explique Georges Bach qui promet que le dossier va dans tous les cas l’occuper beaucoup dans les prochains mois.