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Audiovisuel et médias - Droits fondamentaux, lutte contre la discrimination
Classement mondial de la liberté de la presse : "Au-delà des frontières de l’Union européenne, la liberté de l’information s’effondre", constate Reporters sans frontières
30-01-2013


rsf-presseLe 30 janvier 2013, l'association Reporters sans frontières (RSF) a publié la nouvelle édition de son Classement mondial de la liberté de la presse. Celui-ci reflète le degré de liberté dont bénéficient les journalistes, les médias et les "netcitoyens" dans chacun des 179 pays auscultés ainsi que les moyens mis en œuvre par les États pour respecter et faire respecter cette liberté.

"Dans les dictatures, les acteurs de l’information s’exposent à des représailles impitoyables pour eux-mêmes et pour leurs proches. Dans nombre de démocraties, ils font face à la crise économique de la presse et aux conflits d’intérêts. Si leurs situations ne sont pas toujours comparables, il convient de rendre hommage à tous ceux qui résistent aux pressions, qu’elles soient martiales ou diffuses", souligne dans l'étude le secrétaire général de RSF, Christophe Deloire, alors que l'année 2012 fut d'ailleurs "l'année la plus meurtrière jamais enregistrée" par l'association dans son bilan annuel.

"Statu quo pour une bonne partie des pays de l’Union européenne" et "poursuite de l'hémorragie législative" pour d'autres

La zone Europe arrive en tête du classement de RSF devant la zone Amériques, l’Afrique,  l’Asie-Pacifique, les pays de l’ex-URSS puis la région Moyen-Orient - Afrique du Nord.

RSF fait état d'un "statu quo pour une bonne partie des pays de l’Union européenne". Ainsi, seize d’entre eux figurent parmi les trente premières places du classement. En tête du classement mondial, on retrouve les trois pays européens qui occupaient les premières places l’an dernier. La Finlande est, pour la troisième année consécutive, le pays le plus respectueux de la liberté de la presse au monde. Suivent les Pays-Bas et la Norvège. Le Luxembourg progresse de deux places pour arriver en 4e position. L'Allemagne arrive en 17e position, la Belgique en 18e. En attente "de la concrétisation des promesses du nouveau gouvernement sur le secret des sources, l’audiovisuel public et Internet", la France figure en 37e place, blottie parmi les pays de l'Est de l'UE.

RSF prévient que ce résultat serait "à première vue encourageant s’il ne masquait pas l’érosion lente d’un modèle européen confronté à ses nombreuses incohérences et à des situations inquiétantes au sein des onze autres pays membres". Ainsi, l'association constate que "l’hémorragie législative entamée en 2011 ne s’infléchit pas en 2012". Elle en veut pour exemple l'Italie, qui, si elle gagne quatre places, n'en reste pas moins 57e. D'une part, "la dépénalisation de la diffamation n’est toujours pas acquise", d'autre part, "les institutions instrumentalisent dangereusement les 'lois bâillons'", constate-t-elle. La Hongrie, qui précède l'Italie, a perdu seize places car elle "paie toujours le prix de ses réformes législatives liberticides qui ont considérablement modifié la pratique du journalisme".

Mais RSF repère un développement encore "plus inquiétant", à savoir la "chute vertigineuse" de la Grèce, qui en perdant 14 places dans le classement, se retrouve 84e. L'austérité a son influence sur cette débâcle : "Les journalistes évoluent dans un contexte social et professionnel désastreux". Surtout, les journalistes sont "exposés à la vindicte populaire et toujours confrontés à la violence des mouvances extrémistes et des forces de police, journalistes et photos-reporters doivent désormais faire face à l’activisme ultra violent des néo-nazis du parti Aube Dorée." 

Deux places plus loin, la Bulgarie, "où les promesses de réformes sont restées lettre morte et où Internet n’offre désormais plus le même refuge aux journalistes indépendants", ferme la marche des Etats membres de l'UE.

Les "pratiques liberticides" dans les Balkans et la " place infamante" de la Turquie

A en croire le classement de RSF, les prochains élargissements de l'UE ne semblent pas du genre à relever la moyenne. "Au-delà des frontières de l’Union européenne, la liberté de l’information s’effondre (…) ; dans les Balkans, les anciennes pratiques liberticides s’enracinent", constate en effet l'association.

La prochaine à entrer, la Croatie (64e) et la Serbie (63e), présentent un "bilan mitigé". Pour cause, "la poursuite des réformes législatives entraîne de fait une amélioration sans faire oublier les nombreux obstacles et la persistance des anciennes pratiques qui nuisent toujours au journalisme indépendant".

L’Albanie (102e), le Monténégro (113e), tous deux en recul de six places, et la Macédoine (116e, – 22 places) sont les moins biens classés des pays des Balkans. Ils partagent de semblables entraves à la liberté de la presse, que RSF énumère ainsi : "acharnement judiciaire basé sur la pratique d’une législation souvent inadaptée, impossibilité d’accès aux données publiques, violence physique et morale contre les acteurs de l’information, marchés publicitaires institutionnels et privés instrumentalisés, emprise de l’économie grise sur les principaux rouages du système médiatique". RSF souligne particulièrement que la Macédoine "alterne entre retraits arbitraires de licence et dégradation du climat d’exercice de la profession de journaliste" tandis que son parlement s'inspire "dangereusement" des exemples hongrois ou italiens, en organisant désormais une "légalisation de la censure".

A la 154e place, la Turquie, malgré un "paysage médiatique pluraliste et vivace", "s’enracine à une place infamante au regard du rôle de 'modèle régional' auquel elle aspire", constate Reporters sans frontières. Ainsi, au nom de la lutte contre le terrorisme, "la démocratie turque est aujourd’hui la plus grande prison du monde pour les journalistes". "La paranoïa sécuritaire de l’État, qui tend à voir en chaque critique le résultat de complots ourdis par diverses organisations illégales, s’est encore accentuée au cours d’une année marquée par un fort regain de tension sur la question kurde." RSF attend de voir les effets de la réforme annoncée de la loi antiterroriste, "maintes fois promise et repoussée", et de la reprise du dialogue entre les autorités et la rébellion kurde du PKK.

Sur la méthode

Ce classement est fabriqué à partir des réponses à des questionnaires envoyés par Reporters sans frontières à des organisations partenaires (soit dix-huit associations de défense de la liberté d’expression), à son réseau de 150 correspondants, à des journalistes, des chercheurs, des juristes ou des militants des droits de l’homme.

Sont également prises en compte des problématiques telles que le degré d’autocensure affectant les producteurs d’information, l’ingérence du pouvoir  dans le contenu éditorial ou encore la transparence des dispositifs gouvernementaux. Le cadre légal ainsi que sa performance font également l’objet de questions plus détaillées. Pour ce classement, RSF a également ajouté les questions de concentration économique, de favoritisme dans l’attribution des subventions, de répartition de la publicité publique, de discrimination dans l’accès aux professions du secteur médiatique et de formation au journalisme ont été prises en compte.

Sept notes composent la note finale du pays : pluralisme, indépendance des médias, environnement et autocensure, cadre légal, transparence, infrastructures, degré de violences à l’encontre de journalistes sur la période donnée.