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Audiovisuel et médias - Droits fondamentaux, lutte contre la discrimination - Traités et Affaires institutionnelles
Pour la Commission européenne, les menaces qui pèsent sur la liberté d’expression en Hongrie "sont des faits, pas des mythes"
Une audition de la commissaire Neelie Kroes devant le Parlement européen met en avant la complémentarité entre UE et Conseil de l’Europe pour le respect des droits fondamentaux en Europe
09-02-2012


La Commission européenne a fait état le 9 février 2012 de ses "graves inquiétudes" sur le pluralisme en Hongrie, obtenant de Budapest un engagement de suivre les recommandations que fera en la matière le Conseil de l'Europe, l'organisation compétente en droits fondamentaux.

"Des faits, pas des mythes"

La commissaire Neelie Kroes lors de son audition devant la commission LIBE du PE sur la situation en Hongrie, le 9 février 2012 source: PELors d'une audition devant la commission LIBE du Parlement européen, la commissaire européenne en charge des nouvelles technologies, Neelie Kroes, a déclaré avoir "toujours de graves inquiétudes au sujet de la situation actuelle en Hongrie. (...) Et il s’agit ici de faits, et pas de mythes", a-t-elle insisté, citant "la menace que fait peser l'actuelle loi sur les médias sur la liberté de la presse".  Ce qui inquiète la Commission, c’est comment la Hongrie veut conduire sa politique économique, et surtout "la qualité de sa démocratie et de la culture politique".

Dans son intervention, Neelie Kroes a évoqué les problèmes de la liberté de la presse, comme droit fondamental faisant partie de la liberté d’expression, comme fait économique aussi, car tout investisseur veut savoir si les médias rapportent sur la situation d’un pays de manière indépendante. Elle a aussi évoqué des faits de discrimination des minorités sur le marché du travail, la peur devant des agressions physiques, notamment chez les Roms. C’est dans un tel climat que la liberté des médias se trouve restreinte. Pour corroborer ses dires, elle a cité l’évaluation à laquelle est arrivé le groupe d’experts indépendants de haut niveau de l’UE sur la liberté et le pluralisme, un groupe qui travaille sous la direction de Vaira Vike-Freiberga, l’ancienne présidente de Lettonie, qui a déclaré le 25 janvier 2012 que "la Hongrie s’est elle-même mise dans une situation de danger potentiel pour la liberté des médias" et que "le gouvernement serait sage de voir comment il peut sortir de cette situation".

Le vice-premier ministre hongrois Tibor Navracsics lors de l'audition de la commission LIBE du PE sur la situation en Hongrie, le 9 février 2012 source: PEDevant le vice-premier ministre hongrois, Tibor Navracsics, qui était présent, la commissaire Kroes a critiqué les amendes élevées prévues par la nouvelle loi sur les médias, estimant qu'elles pouvaient par leur simple existence "se traduire par de l'autocensure - même si aucune amende n'est imposée". Elle a également cité le cas "important" de Klubradio, la radio privée d'opposition qui va se voir retirer sa licence à Budapest, au profit d'une radio musicale. "Si vous posez des conditions techniques qui pénalisent une radio de débats politiques, ne vous étonnez pas si vous avez moins de discussions politiques à la radio", a-t-elle prévenu. "Plus généralement, dans l'UE, le respect pour la liberté des médias et le pluralisme ne devrait pas se limiter à l'application techniquement correcte de la législation européenne et nationale", a martelé Neelie Kroes. Finalement, elle a exigé que l’arrêt de la Cour constitutionnelle hongroise qui a jugé que la loi sur les médias limitait les libertés de la presse écrite de manière non-constitutionnelle soit respecté

La Commission renvoie aussi la Hongrie devant le Conseil de l’Europe et reconnaît de ce fait son rôle d'organisation paneuropéenne chargée de faire respecter la convention européenne des droits de l'Homme

Neelie Kroes a aussi exigé que Budapest "accepte et mette en œuvre toute recommandation concrète qui pourrait être faite par le Conseil de l'Europe", l'organisation paneuropéenne chargée de faire respecter la Convention européenne des droits de l'Homme (CEDH), ce qui est nouveau et un pas pratique important dans la complémentarité entre Union européenne et Conseil de l’Europe pour faire respecter les droits fondamentaux en Europe avant l’adhésion de l’UE à cette convention.

En clair, Neelie Kroes exige au nom de la Commission que les autorités hongroises demandent explicitement l'avis du Conseil de l'Europe sur la conformité avec les valeurs fondamentales de sa législation sur les médias et de son application dans la pratique."La Commission européenne ne sera pas satisfaite de la situation générale (en Hongrie) tant que les problèmes qui peuvent être soulevés par le Conseil de l'Europe ne seront pas correctement et totalement traités", a-t-elle averti. Il ne lui suffit pas que le vice-Premier ministre hongrois Tibor Navracsics, qu'elle venait de rencontrer auparavant, lui ait assuré que son gouvernement "tiendra compte" des recommandations que fera le Conseil de l'Europe. "Tenir compte" ne revient pas forcément à "mettre en œuvre" toutes les recommandations. Devant les députés, le ministre hongrois lui a répondu que la Hongrie obtempérerait si les recommandations du Conseil de l’Europe "ne sont pas en contradiction avec le système législatif hongrois". Réponse sèche de Neelie Kroes : "Ce n'est pas ce que vous m'avez dit dans mon bureau."

Le contexte

En dehors de la question de la liberté des médias, Budapest fait depuis le 17 janvier 2012 l'objet de trois procédures d'infraction au droit communautaire. La Commission européenne, craignant pour l'indépendance de la banque centrale, mais aussi celle de la justice et de l'autorité de protection des données, lui a donné un mois pour modifier ces textes sous peine de poursuivre Budapest en justice.