Les bonus des banquiers ne devront normalement pas excéder leurs salaires annuels et les banques devront détenir davantage de capitaux de bonne qualité en vue d'accroître la stabilité du secteur, stipule un accord conclu entre les négociateurs du Parlement européen et du Conseil le 27 février 2013. La seule exception autorisant des bonus allant jusqu'au double du salaire annuel pourra être accordée par les détenteurs d'au moins la moitié du capital de la banque. Les députés avaient demandé depuis le début un ratio 1:1.
Les normes sur lesquelles s’est fait l’accord ont été entérinées au niveau du G20 dans ce qui est appelé l'accord Bâle III. Les nouvelles règles européennes sont énoncées dans un règlement et une directive qui constituent le paquet législatif relatif aux exigences en matière de fonds propres. Ces nouvelles règles seront appliquées aux institutions financières présentes en Europe, y compris aux 8 000 banques actuellement en service dans l’Union européenne. Ce qui est nouveau dans l’'accord provisoire obtenu avec le Parlement européen, c’est la limitation du montant des bonus accordés aux banquiers.
"Nous avons conclu le paquet le plus global qui puisse exister sur les règles des banques dans l'UE. Les banques seront stabilisées et plus résistantes face aux crises", a déclaré le rapporteur Othmar Karas (PPE, AT), lors d’une conférence de presse, le 28 février. Du côté de la présidence du Conseil, c’est le ministre des Finances irlandais, Michael Noonan, qui a accueilli la nouvelle avec satisfaction: "Je suis très fier d'annoncer que la présidence irlandaise a réussi cette percée, une percée durement obtenue.» Il faut savoir que depuis l'annonce début novembre par les Etats-Unis de leur décision de ne pas appliquer les règles de Bâle III à la date prévue, plusieurs dirigeants bancaires européens avaient appelé à retarder leur entrée en vigueur en Europe.
Le ministre des Finances irlandais, Michael Noonan, a par ailleurs déclaré: "Pendant la crise financière, les contribuables européens ont dû recapitaliser les banques. Cette révision des règles bancaires européennes apporte la garantie qu'à l'avenir les banques auront suffisamment de fonds propres, en termes qualitatifs et quantitatifs, pour faire face à des chocs. Les contribuables à travers toute l'Europe seront ainsi protégés dans l'avenir."
La limitation de la rémunération des banquiers semble néanmoins avoir été un élément difficile de la négociation : "Dans ces négociations, en tant que présidence, nous avons dû trouver un juste équilibre entre plusieurs intérêts: à savoir limiter les rémunérations des banquiers tout en conservant un secteur bancaire européen compétitif, et fournir un règlement unique mais suffisamment flexible pour toute l'Europe", a par exemple indiqué le ministre Noonan. Il a aussi émis l’espoir que cette limitation des rémunérations réduise les risques que les individus prendront pour leurs établissements.
Quant au commissaire européen Michel Barnier, il a estimé que "si ces règles avaient été en vigueur il y a cinq ou six ans, nous n’aurions vraisemblablement pas eu une affaire Lehman Brothers, qui a déclenché la crise en 2008".
En vue de réduire les prises de risques excessives, le ratio bonus par rapport au salaire sera de 1 pour 1 et pourra atteindre, au maximum, 2 pour 1 si les actionnaires donnent leur approbation. Ce ratio plus élevé nécessitera les voix d'au moins 65 % des actionnaires détenant la moitié des actions ou 75 % des voix en l'absence de quorum.
Afin d'encourager les banquiers à envisager la situation à long terme, dans le cas où le bonus dépasse le ratio 1:1, un quart du bonus dans son ensemble sera reporté de cinq ans au minimum.
Conformément aux règles, les seuils des capitaux de qualité que les banques devront détenir, seront plus élevés. Les banques seront tenues d'avoir au minimum 8 % de capitaux de bonne qualité (principalement de catégorie 1, soit la forme qui comporte le moins de risques).
La législation contraindrait les banques à communiquer les profits réalisés, les impôts payés et les subventions reçues pays par pays, ainsi que le chiffre d'affaires et le nombre d'employés. Ces informations devront être transmises à la Commission européenne à partir de 2014 et au grand public dès 2015.
L'accord politique devra être approuvé par les États membres et par le Parlement en plénière. Il sera soumis au Conseil ECOFIN du 5 mars 2013 qui décidera à la majorité qualifiée, sans possibilité de veto. Le vote du PE est prévu lors de la session des 15-18 avril. Une fois l'accord approuvé, les États membres devront intégrer les règles dans le droit national d'ici le 1er janvier 2014.
Le Premier ministre britannique David Cameron, dont le pays ne peut pas s’opposer avec un veto à l’accord entre Parlement européen et Conseil sur Bâle III, a exigé que les nouvelles règles soient appliquées de manière telle qu’elles prennent en considération les besoins spécifiques de la City de Londres, source de 12 % des recettes de l’Etat britannique et de 10 % de son PIB. "Contrairement aux autres Etats membres de l’UE, nous avons de grandes banques internationales qui ont leur siège en Grande-Bretagne et qui sont actives dans le monde entier", a-t-il expliqué.
Le maire de Londres Boris Johnson, un ancien journaliste de la presse populaire anglaise eurosceptique et familier des salles de presse de Bruxelles et de Strasbourg, a critiqué l'accord sur un ton nettement plus âpre. "Le meilleur résultat que cette mesure peut espérer atteindre est un soutien à Zurich, Singapour et New York aux dépens d'une UE en difficulté", a réagi le maire conservateur de Londres, cité par l’AFP. "Les gens vont se demander pourquoi nous restons dans l'UE si celle-ci persiste dans ce genre de politiques contre-productives. Bruxelles ne peut pas contrôler le marché mondial des talents dans le domaine bancaire et ne peut pas décider de la paie des banquiers à travers le monde", a-t-il fait valoir. Et il a rajouté : "C'est peut-être la mesure la plus illusoire en provenance de l'Europe depuis que Dioclétien a tenté de fixer le prix des denrées à travers l'Empire romain."
Pour la confédération patronale britannique CBI, l’accord pourrait établir "un dangereux précédent et s'étendre à d'autres secteurs, entamant les perspectives d'emploi et de croissance".