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Justice, liberté, sécurité et immigration
"Populismes et nationalismes européens : un défi majeur pour nos démocraties" - Une conférence de Jean Asselborn au Collège d'Europe de Bruges
19-02-2013


Jean Asselborn, au Collège européen de Bruges, le 19 février 2013, lors de sa conférence sur le populisme et le nationalisme en EuropeLe vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères, Jean Asselborn, a parlé le 19 février 2013 au Collège d'Europe de Bruges des populismes et des nationalismes en Europe.

Le ministre a commencé par évoquer "un nouveau paysage politique et partisan" dans lequel "les grandes familles de pensées politiques européennes de la seconde partie du vingtième siècle, chrétienne sociale, libérale et sociale-démocrate, ont perdu un peu de leur attractivité ", et ce " sous la quadruple influence de la chute du mur de Berlin, de la globalisation, de la libération des mœurs et de l’émergence d’un conscience environnementale".

Un manque de franchise sur la question dans les sphères dirigeantes de l’UE

Mais ce qui "donne à réfléchir et prête à l’inquiétude" dans la situation actuelle, c’est la banalisation d’une extrême droite au racisme virulent et d'inspiration ouvertement néofasciste et qui surtout prend racine au sein de l'Union européenne, a poursuivi Jean Asselborn. Dans son discours, il cite les pronazis du parti grec "Aube Dorée", le parti  "Jobbik" hongrois, mais aussi "le parti de droite au pouvoir, le Fidesz du premier ministre Viktor Orban", qui "a glissé vers des positions difficilement acceptables par rapport aux valeurs que l’Union européenne défend partout au monde." Il cite aussi "l’exemple récent d’un 'cavaliere' souhaitant revenir dans l’arène politique et ne reculant pas devant une certaine nostalgie mussolinienne pour paver son retour en politique" ou la "Nouvelle Alliance flamande" conservatrice de droite de Bart De Wever (N-VA), "par rapport à laquelle nous demeurons (…) en alerte et soucieux en raison d’un discours régionaliste souvent perçu comme séparatiste et dont " en tant que voisins et amis de la Belgique, nous nous préoccupons".

Jean Asselborn regrette "que la politique n’aborde que trop rarement avec la franchise requise les dangers que peuvent représenter pour nos sociétés européennes les nationalismes et populismes de colorations les plus diverses" et que la question de l’extrémisme "ne figure pas à l’ordre du jour de l’Union européenne".

"Le mélange explosif populiste-nationaliste"

Dans l’analyse de Jean Asselborn, "le mélange explosif populiste-nationaliste se compose de patriotisme débridé et de protectionnisme, de réflexes de défense face à l’autre, de rejet global de l’étranger, de méfiance viscérale face aux institutions étatiques et de refus de l’internationalisation". Il n’est pas seulement lié aux bouleversements de 1989 qui l’ont de nouveau fait resurgir en Europe. Pour cela il est trop persistant et trop répandu. Une trentaine de partis de type national-populiste plus ou moins influents se répartissent sur dix-huit pays européens où ils peuvent compter sur entre 5 et 15 % des électeurs. Et puis : "Qu’ils soient ouvertement racistes et fascistes, ou nationalistes et identitaires, qu’ils parasitent des pays riches ou moins nantis, les nationalismes et populismes se radicalisent tous azimuts", constate le ministre.

Les constantes du discours populiste sont "un nationalisme bravache et souvent agressif ", "pauvre en contenu rationnel", a observé Jean Asselborn. Ce discours se veut vengeur, crée du ressentiment, "récuse le discours raisonné et l’évaluation du pour ou du contre, et, partant, les compromis". Il "méprise les intellectuels", coupés de la réalité, et fait référence "au peuple ou à la nation conçus comme une unité organique auréolée de toutes les vertus". Un peuple qui, dans ce discours, est entouré d’ennemis intérieurs, les opposants politiques, les immigrés et les minorités, et extérieurs, surtout l’Union européenne, la mondialisation, les pays émergents.

Séparatisme et sécessionnisme

S’y ajoutent "le séparatisme ou sécessionnisme" qui  "revêtent la forme d’un nationalisme à connotation identitaire forte", des tendances qui doivent être vues "sous l’angle de batailles idéologiques et politiques enracinées dans les histoires respectives" et qui "combinent parfois la défense identitaire avec un refus des mécanismes de solidarité et de redistribution internes, exacerbés dans une Europe en crise", explique Jean Asselborn. Il y voit des forces centrifuges alors que "les Etats membres de l’UE ou du moins ceux de la zone euro sont en passe de céder des pouvoirs accrus aux institutions de l’Union européenne dans les domaines budgétaire, financier, bancaire et économique pour surmonter la crise de l’endettement", et que "seule une grande communauté politiquement au diapason et économiquement solidaire sera en mesure de résoudre des problèmes de telle taille et nature".

Les électeurs des partis populistes ou nationalistes ne sont pas tous des extrémistes

Jean Asselborn pense qu’une partie de l’électorat de formations antidémocratiques n’est pas foncièrement extrémiste, mais "peut être amenée à exprimer un vote contestataire pour sanctionner un gouvernement en réaction à des décisions et mesures qui ne plaisent pas", souvent dirigé contre l’UE. Or, estime le ministre, "l’Union européenne est le meilleur gage de protection dont nous disposons contre certaines dérives de la mondialisation et de l’interdépendance à l’échelle planétaire" et "la voie du protectionnisme économique ainsi que toute formule de retour aux isolationnismes nationaux n’est qu’illusion".

L’UE, une cible facile à cause de l’inconscience de ses dirigeants

Mais, estime Jean Asselborn, l’UE est une cible facile, d’autant plus que les dirigeant européens "nationalisent" aisément les succès communautaires alors que les échecs internes sont "européanisés". Le ministre ne décolère pas à ce sujet : "Je suis convaincu que nous devons repenser notre communication sur l’Europe. Les déclarations publiques à l’issue du dernier Conseil européen - qui n’est pourtant pas une assemblée d’extrémistes ou de populistes - peuvent contribuer à illustrer mon propos. Dans leurs déclarations concernant le cadre financier dans la perspective de 2020, la plupart des dirigeants ont affirmé s’être battus pour leurs intérêts nationaux. Rares ont été ceux qui ont mis en avant l’intérêt commun, européen. Il est irresponsable de réduire l’Europe à une équation comptable qui connaîtrait des gagnants et des perdants, ou de décrire les négociations en termes de championnat visant à célébrer les victoires ou les défaites des uns sur les autres. Nous devons changer d’approche et de méthode de communication et placer l’intérêt commun au centre de nos réflexions et débats comme de nos déclarations et actions."

Endiguer le populisme

Pour Jean Asselborn, il n’y a pas de doute : "Les idéologies nationalistes ont de manière répétée conduit l’Europe à sa perte."

Pour les contrer, il conjure les partis politiques démocratiques d’être "davantage à l’écoute de leurs concitoyens et des questions qu’ils posent concernant la crise, l’emploi, la violence, le terrorisme, les conséquences de la mondialisation, ou encore eu égard à la légitimité et au fonctionnement de l’Union européenne."

De l’autre côté, "le citoyen doit redevenir un acteur de la politique, débattre, s’investir dans la vie associative et la société civile, s’informer, aller au-delà de ses instincts et de ses peurs."

C’est ainsi qu’il sera selon lui possible de répondre, au niveau national, "aux tensions nées d’une situation singulière alliant vieillissement démographique, multiculturalisme et modèles d’intégration, crise des finances publiques, faible croissance économique et chômage".

Au niveau européen, il faudra "veiller à ce que nos valeurs démocratiques soient scrupuleusement respectées partout".

A l’échelle globale, "nous devons récuser avec force et conviction les thèses d’un choc des civilisations prôné par ceux qui espèrent tirer profit de la confrontation". Il faut au contraire "le dialogue entre les cultures, entre les civilisations, entre les religions".