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Transports
4e paquet ferroviaire – Les eurodéputés ont réservé un accueil mitigé à la proposition du commissaire européen, Siim Kallas
19-02-2013


La Commission a mis sur la table le quatrième paquet ferroviaire le 30 janvier 2013Après avoir libéralisé le secteur des marchandises, lancé la séparation entre le gestionnaire de l'infrastructure ferroviaire et les entreprises ferroviaires, puis ouvert le marché du transport de voyageurs internationaux à la concurrence, la Commission européenne a présenté le 30 janvier 2013, son quatrième paquet ferroviaire. Ce dernier, composé de six directives, achèverait le processus de libéralisation du rail, en ouvrant le marché du transport de voyageurs nationaux, lequel représente 90 % des déplacements en train dans l'UE. Cette libéralisation impliquerait notamment, afin de faciliter l'accès aux marchés des nouveaux arrivants, la réduction des coûts administratifs.

Ce quatrième paquet entend également réaliser l'harmonisation technique des réseaux nationaux en renforçant l'interopérabilité, mais aussi séparer plus nettement le gestionnaire d'infrastructure et les entreprises ferroviaires. Sur ce dernier point, il s'agit d'éloigner la prise de décisions relatives à l’entretien, à la gestion journalière du trafic ferroviaire et au développement de l’infrastructure, des opérateurs nationaux qui, dans certains pays, l'exercent encore.

Le commissaire en charge du Transport est venu présenter son projet devant la commission parlementaire compétente, le 19 février 2013. Siim Kallas a défendu cette dernière étape de la libéralisation du transport ferroviaire, comme le moyen indispensable pour enrayer le déclin du rail en Europe, "à moins de souhaiter que le rail devienne un jouet de luxe pour les pays riches", a-t-il dit face aux députés, comme le rapporte le communiqué de presse diffusé par le Parlement européen, le 20 février 2013. La Commission européenne a choisi une approche "pragmatique" qui respecterait les spécificités régionales, les structures d’entreprises en place ainsi que "les prérogatives nationales de définir les obligations de service public", a assuré le Commissaire.

Siim Kallas a notamment insisté sur ces points car l'ouverture du marché des voyageurs nationaux, partie la plus sensible de ce quatrième paquet, fait déjà l'objet de vives résistances de la part d'eurodéputés.

"La combinaison entre accès libre au marché et contrats de service public risque d’engendrer du 'cherry picking', c’est-à-dire une concentration de l’offre sur des lignes rentables", a prévenu Said El Khadraoui (S&D, BE), "alors que pour le citoyen, seul un service fiable compte, même sur des lignes moins fréquentées".

L'eurodéputé luxembourgeois et ancien syndicaliste cheminot, Georges Bach (PPE) est lui aussi intervenu dans la séance des questions pour contester le choix d'une ouverture totale du marché. Il a notamment déclaré que les eurodéputés étaient "tous d'accord qu'il faut défendre, l'interopérabilité, la sécurité, l'efficacité, défendre l'intérêt des clients" et que "l'interopérabilité va faire avancer l'harmonisation technique".

Toutefois, il a émis ses doutes sur le but d'atteindre un "modèle uniforme à toute l'UE" alors que quelques mois auparavant, il n'était encore question que d'un "modèle ouvert". Il a mis en avant les dimensions territoriales et historiques, notamment la taille des pays, comme éléments à prendre en compte plutôt que de viser une uniformisation complète. Reprenant l'article d'un journal allemand, il s'est inquiété que la Commission européenne veuille "forcer" la concurrence. Georges Bach a par ailleurs souligné l'hétérogénéité de la proposition de la Commission européenne, comme il l'avait déjà cru pouvoir la démasquer en septembre 2012.

Face à une enveloppe réduite, "je m’interroge sur notre ambition réelle", a renchéri Karim Zéribi (Verts/ALE, FR), "si ce n’est la libéralisation à tout prix". Le débat sur le Cadre pluriannuel financier 2014-20 s'est aussi réinvité à l'occasion de ces débats. L'eurodéputé, Mathieu Grosch (PPE, BE), pense qu'en l'état, il risque de ne pas permettre la transposition de ce paquet : "Nous voulons tous, depuis des années, un rail plus efficace, mais la transposition de certaines règles par les Etats membres ne suit pas. Quant au financement, j’ai des sérieux doutes, eu égard au nouveau cadre pluriannuel…", a-t-il déclaré.

Inès Ayala-Sender (S&D, ES) a qualifié pour sa part de "défi majeur" la recherche d'une "solution acceptable pour les travailleurs du rail". Le débat au Parlement se poursuivra par une audition publique qui doit avoir lieu en mai ou juin 2013. Les Etats membres débattront de la proposition de la Commission, le 11 mars prochain.

Georges Bach : "Les Etats membres devraient être capables de décider, dans le cadre de la subsidiarité, ce qui est le mieux pour leurs citoyens"

L'eurodéputé luxembourgeois, Georges Bach, a eu l'occasion d'expliquer sa position à deux nouvelles reprises, le 19 février 2013. Interrogé par la chaîne télévisée du Parlement européen, Europarl TV, il a ainsi fait savoir que "les meilleures propositions se situent dans le domaine technique. Il est important d'étendre les standards techniques et de faire avancer l'harmonisation", a-t-il déclaré. Par contre, il a rejeté la libéralisation de ce qu'il considère comme un "service d'intérêt général, un service public". "Les Etats membres devraient être capables de décider, dans le cadre de la subsidiarité, ce qui est le mieux pour leurs citoyens", a-t-il fait savoir.

Georges Bach est également intervenu dans l'émission internet de sa colistière, l'eurodéputée CSV Astrid Lulling.  Il y a expliqué qu'avec l'ouverture des marchés publics, "notre service public pourrait en partie arriver dans le privé", le marché subirait une "fragmentation", ce qui se traduirait par le phénomène suivant : "Certaines entreprises feraient leurs bénéfices tandis que d'autres devraient assurer ce qui est moins lucratif, missionnées par l'Etat."

Le risque serait pour le Luxembourg d'autant plus grand que "nous avons les standards de vie élevés mais aussi les coûts qui vont avec". Les coûts seraient ainsi en moyenne de 30 % plus élevés que dans les pays voisins. Dans ce contexte, Georges Bach pense que l'"intérêt national" est en jeu et nécessite la mobilisation. Au niveau des Etats membres, les situations sont diverses. "Il y a des pays comme l'Italie, l'Espagne, en partie la Pologne, qui ont déjà appliqué différentes choses présentes dans le pack." Il y a, selon Georges Bach, des éléments dont "personne ne veut", dit-il, en mentionnant la séparation complète entre gestionnaire et transporteur, tandis que "tout le monde veut le volet technique".

En tout cas, l'eurodéputé considère que la Commission européenne fait les choses dans le désordre. L'harmonisation technique aurait dû précéder la libéralisation. Or, c’est cette dernière qui a d'abord été mise en œuvre. "L'occasion a été manquée dans les années 90, parce que la Commission suivait alors rigidement le dogme de créer de la concurrence et de la privatisation, alors que les standards européens n'ont pas été créés pendant ce temps. Nous avons sept différentes largeurs de voies. Nous avons des systèmes électriques, de signalisation et de sécurité, différents." Cette libéralisation en l'absence de standardisation aurait même encourage les réflexes nationaux. Les pays auraient cédé "à un développement belliqueux, consistant à ajouter des défenses pour que le voisin ne puisse pas traverser la frontière", a-t-il déploré, au micro d'Astrid Lulling.