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Economie, finances et monnaie - Emploi et politique sociale
Le volet européen de la déclaration de Jean-Claude Juncker sur l’état de la nation
10-04-2013


Jean-Claude Juncker, lors de sa déclaration sur l'état de la nation devant la Chambre des députés, le 10 avril 2013Gouverner est devenu particulièrement difficile dans un petit Etat "qui n’est pas en mesure de réajuster les grands axes de la politique mondiale" dans un contexte de grands changements et alors que "notre siècle est arrivé à un moment où l’on ne voit pas le moment suivant". C’est sur ces accents dramatiques que le Premier ministre luxembourgeois, Jean-Claude Juncker, a entamé le 10 avril 2013 sa déclaration sur l’état social, économique et financier de la nation devant la Chambre des députés. "Toutes les certitudes s’écroulent : le rêve d’une croissance constante s’achève ; l’intégration européenne perd de la vitesse et de l’intensité et se perd dans les méandres et impasses nationaux", a-t-il renchéri. Tout cela, y compris les nouveaux conflits en cours – Mali, Corée, les errements sur la voie vers la démocratie en Afrique du Nord – et la crise financière et économique globale, a un impact sur la réalité des Luxembourgeois. Cette incertitude générale est en plus renforcée par "une crise de confiance faite maison dans les institutions de notre pays". Une allusion aux affaires des poseurs de bombes des années 80 et à la manière dont l’enquête a été menée, et à l’affaire du service de renseignement de l’Etat due à des "comportements fautifs partiels". Pour Jean-Claude Juncker, "il n’y a pas de crise de l’Etat, mais il y a de la crise dans l’Etat".

C’est donc ce contexte difficile que le Premier ministre a abordé la première des questions qui préoccupent le Luxembourg : l’état de ses finances publiques. Elles sont solides et en meilleur état que celles de des voisins du Luxembourg, mais elles sont ébranlées, a résumé Jean-Claude Juncker.  

Prévisions de croissance peu fiables

Basées sur des prévisions qui changent constamment, leur organisation pose problème. Ainsi, en 2012, les prévisions annonçaient pour l’UE une croissance de 1,5 %. L’année s’est terminée avec une récession de - 0,6 %. Au Luxembourg, la croissance n’a été que de 0,3 %. Malgré tout, le déficit de 2012 n’a été que de 0,8 % au lieu des 2 % prévus pour l’Etat, et de 2,6 % au lieu des 3,8 % prévus pour l’Etat central. Il a donc fallu faire un emprunt, et cela va continuer, si l’on se fie aux prévisions. Car l’Etat a investi entre 2009 et 2013 plus de 60 milliards dans ce que le Premier ministre a appelé "un bloc pour le futur", dont plus de 9 milliards, dans l’enseignement, plus de 8 milliards des investissements qui représentent  3,8 % du PIB, alors que les autres Etats de l’UE investissent autour de 2 % seulement, voire 1,1 % seulement en Allemagne. Cinq autres milliards sont allées au soutien des familles, 1,2 milliards ont été dépensés pour la R&D et l’Université du Luxembourg a reçu 550 millions, avec une augmentation sur la dernière période budgétaire de 19 % de ses crédits, "et cela en pleine crise". L’Etat est prêt à faire des économies, mais "pas à l’aveuglette", et investit en pleine crise dans la préparation du futur.

Hypothèses de travail

Reste que les prévisions dans l’UE ne sont pas roses. Le Luxembourg a eu une croissance de 0,3 % en 2012, et stagne de fait depuis 5 ans. Les Pays-Bas par contre ont reculé de 0,6 %. La zone euro tend à rester dans la récession. En 2014, une croissance de1,4 % est prévue, puis 2 % en 2015 et 1,6 % en 2016. Pour Jean-Claude Juncker, il s’agit là de chiffres « trop optimistes » car le travail de consolidation budgétaire des Etats membres à travers les programmes d’ajustement freinent la croissance. Le Premier ministre pense qu’il est nécessaire de réduire la dette publique, qui a déjà été réduite de 95,1 à 70,2 % mais si ces efforts continuent à la vitesse actuelle, la zone euro n’atteindra pas la croissance envisagée dans ses prévisions. Au contraire, dans les pays où les populations souffrent beaucoup des mesures d’ajustement, "il y aura une explosion sociale". D’ores et déjà, la zone euro compte, selon lui, 18 pays : 17 Etats membres et un 18e pays qui est celui des 19 millions de chômeurs de la zone euro. C’est pourquoi il s’engagera pour que les ajustements soient autrement étalés dans le temps.

Quant au Luxembourg, il affichera une croissance d’1 % en 2013, alors que fin 2012, une croissance de 1,7 % était prévue et c’est sur cette hypothèse que le budget a été basé. En 2014, 2015 et 2016, les chiffres du PIB devraient évoluer autour de 2,3, % 1,9 % et 3,8 % respectivement. Parallèlement, l’emploi devrait croître de 1,6 % en 2013, de 1,2 % en 2014 et de 2,2 % en 2015 et 2016. Le chômage, actuellement à 6,7 %, devrait diminuer à 6,4 % en 2016.  

Déficit et recul des recettes de TVA sur l’e-commerce

Dans ce contexte, les finances publiques se développeront de manière telle qu’il faudra les redresser et les faire revenir à l’équilibre. En 2012, le déficit de l’administration publique – donc administration centrale, administrations locales, et sécurité sociale réunies - a été de 0,8 % et celui de l’administration centrale de 2,6 %. En 2013, ces déficits se répartiront à 0,7 % et  2,2 %, et puis, à politique inchangée, en  2014 à 1,3 % et 2,6 % en  2015 à 3 % et 4 % et en  2016 à 2,8 % et  3,7 %.

Premier constat de Jean-Claude Juncker : cela n’est pas bon. Deuxième constat : pas possible d’arriver à l’équilibre budgétaire en 2014. Ce ne sera possible qu’en 2016 ou 2017, à condition d’arriver à compenser le recul substantiel des recettes de TVA provenant de l’e-commerce par une augmentation du taux de TVA qui est le plus bas d’Europe et qui est resté le même depuis 1993. Mais cette réforme de la TVA devra se pratiquer dans le cadre d’une réforme plus générale de la fiscalité afin d’éviter que ce ne soient les classes moyennes qui en fassent avant tout les frais. Tout cela adviendra après 2015, ne serait-ce que parce que la conjoncture actuelle ne se prête pas à de tels changements.  

Pistes pour consolider le budget et réduire la dette

Jean-Claude Juncker a ensuite exploré différentes pistes pour consolider le budget de l’Etat. Il a évoqué une stabilisation du volume des investissements et une coopération avec la BEI qui les rendra moins onéreux. Il a annoncé que les budgets de l’Université du Luxembourg et pour la recherche ne connaîtront plus des taux de croissance à deux chiffres. Les aides au logement seront revues. Du côté de la sécurité sociale, rien ne changera jusqu’en 2016, par contre, les dépenses de l’assurance dépendance, en forte hausse, devront être abordées par une stratégie de maîtrise des coûts associée soit à une hausse des cotisations des assurés ou une limitation des prestations. L’aide au réemploi et les bourses aux étudiants seront revues, les dernières surtout dès que la CJUE se sera prononcée. Les subsides aux communes seront revus également. Néanmoins, un taux d’investissement de 3 % du PIB sera maintenu et sera en partie financé par des emprunts. La consolidation ne dépassera pas les 250 à 300 millions annuels, histoire de ne pas créer des problèmes avec la croissance et le chômage.

Même si la dette publique se développe de manière défavorable, en passant de 6,7 % en 2007 à 25 % actuellement, Jean-Claude Juncker est confiant, dans la mesure où le Luxembourg a connu des taux de dette publique plus importants dans les années 1960’ et s’en est bien sorti. Au niveau européen, la dette publique luxembourgeoise "est peu spectaculaire", et loin des 100 % de déficit de la Belgique, des 93 % de la France, des 80 % de l’Allemagne et des 74 % des Pays-Bas, même si elle augmente trop rapidement et réduit la marge de manœuvre budgétaire du gouvernement. "L’endettement est un doux venin, mais son remboursement une potion amère", a ajouté Jean-Claude Juncker.

Paradoxalement, le fait que le Luxembourg a sauvé ses banques par ses propres moyens lui sera profitable. Le Premier ministre a expliqué comment l’emprunt de 2 milliards contracté à 3,75 % en 2008 pour sauver la BGL a profité aux souscripteurs luxembourgeois, comment l’Etat a touché 508 millions de dividendes en tant qu’actionnaire, et comment il aura fait 85 millions de gains après remboursement de 450 millions d’intérêts, comment il compte maintenant négocier son retrait comme actionnaire à des conditions favorables qui pourraient lui permettre de réduire d’un coup la dette publique de 2 milliards, la faisant ainsi passer de 25 à 20,6 %. 

Le passage à l’échange automatique d’informations

Jean-Claude Juncker a ensuite annoncé le passage à l’échange automatique d’informations pour le 1er janvier 2015. En même temps, son service d’information et de presse publiait un communiqué à ce sujet qui en expliquait les raisons et les modalités. Il a fortement insisté sur le fait que ce sont en fin de compte les Etats-Unis qui ont obligé des pays comme le Luxembourg à passer de l’information à la demande et de la retenue à la source à l’échange automatique d’information. Le Luxembourg cède donc non pas à la pression de l’UE ou de l’Allemagne, mais à celle des USA, afin d’éviter qu’il ne puisse plus faire d’affaires avec ce pays duquel "une place financière ne peut se déconnecter". La place financière qui "ne vit pas de l’argent noir et de la fraude fiscale" s’est déjà préparée à la fin du secret bancaire et sera prête en 2015 tout comme elle était prête pour impôt à la source en 2006.

Programme national de réformes et le programme de stabilité pour les années 2015-2016

Jean-Claude Juncker a ensuite annoncé que le programme national de réformes et le programme de stabilité pour les années 2015-2016 qui doivent être remis à la Commission européenne fin avril seront encore discutés à la Chambre et dans le cadre d’une réunion tripartite. La question de l’équilibre budgétaire sera posée et tout le monde devra se prononcer sur sa manière de voir la question de la dette publique.

"Eng fair Gesellschaft"

Tout cela se passe pour lui dans un pays qui a des salaires élevés, le plus haut taux d’emplois sur base d’un CDI auquel son gouvernement ne touchera pas, un chômage moins important que dans les pays voisins, un déficit et une dette publique qui sont les moins élevés de l’UE, des impôts modérés. Mais les habitants du Luxembourg ne sont, selon Jean-Claude Juncker, "pas assez fiers" et n’ont "pas assez de courage devant le futur".

L’économie luxembourgeoise ne connaîtra plus une croissance comme par le passé, "mais est-ce une catastrophe ?". Ce qui menace le pays, c’est "l’égoïsme corporatiste qui nous affaiblit", alors que "la solidarité nous renforcera". Partant de là, Jean-Claude Juncker a ensuite décliné les mesures intérieures qu’il compte faire prendre à son gouvernement dans le cadre d’une "société équitable" qui doit faire des économies concernant tout le monde mais qui évite de les pratiquer là où les plus faibles de la société seuls en feraient les frais.