Les "Conseils Affaires générales" (CAG) et "Affaires étrangères" (CAE) de l’Union européenne (UE) se sont réunis le 22 avril 2013 à Luxembourg. Les suites que l’UE donnera à l’accord intervenu le 19 avril entre la Serbie et le Kosovo, qui se sont engagés à normaliser leur relations, et les modalités de l’appui politique et économique de l’UE à l’opposition syrienne modérée, la question de l’aide humanitaire ainsi que les efforts qui peuvent être déployés pour encourager le dialogue politique basé sur le communiqué de Genève du 30 juin 2012, et enfin la question comment réagir lorsqu’un pays de l’UE viole les règles de l’Etat de droit ont été les points sur lesquels le Vice-Premier ministre, ministre des Affaires étrangères du Luxembourg, Jean Asselborn, qui avait participé aux deux réunions, s’est concentré lors de sa conférence de presse.
Jean Asselborn a salué l’accord intervenu à Bruxelles, sous la houlette de Catherine Ashton, la Haute Représentante pour la politique extérieure de l’UE, et de Stefan Füle, commissaire en charge de l’élargissement, entre la Serbie et le Kosovo comme un " premier pas très avantageux pour les deux peuples ". L'accord, qui avait été paraphé par les chefs des gouvernements serbe, Ivica Dacic, et kosovar, Hashim Thaçi, a été approuvé le 22 avril par le gouvernement serbe, alors que le Parlement serbe doit encore se prononcer dans la semaine. Le Parlement kosovar a d’ores et déjà adopté une résolution par laquelle il affirme "son soutien" et donne "son aval" à l'accord.
Pour Jean Asselborn, tout le monde sait que "la stabilisation des Balkans passe par celle des relations entre la Serbie et le Kosovo". Il s’agit d’une relation-clé, même s’il ne faut pas sous-estimer pour autant les problèmes "non-négligeables" qui existent en Bosnie-Herzégovine. Le ministre a aussi dit tout le bien qu’il pensait des efforts de Catherine Ashton, et de la manière dont les deux chefs de gouvernement, qui ne s’étaient jamais rencontrés jusqu’à il y a six mois, avaient su se rapprocher l’un de l’autre. Pour lui, "la Serbie et le Kosovo savent que leur bonheur passe par l’UE ". Certes, admet Jean Asselborn, l’accord ne résout pas tout, il n’inaugure qu’une normalisation des rapports entre les deux pays, mais à partir de là, le travail peut commencer.
La Commission a agi dans ce sens, lors de la présentation d’un rapport aux ministres de l'UE chargés des Affaires européennes réunis en Conseil "Affaires générales", en déclarant que, comme "la Serbie a rempli le critère prioritaire consistant à prendre des mesures en vue d'une amélioration visible et durable de ses relations avec le Kosovo", les négociations d'adhésion de la Serbie à l'UE pouvaient s'ouvrir. Une décision à ce sujet sera prise par les chefs d'Etat et de gouvernement européens réunis en Conseil européen fin juin 2013. Par ailleurs, la Commission a demandé que soit négocié avec le Kosovo un accord d’association et de stabilisation (ASA).
Jean Asselborn a aussi évoqué les autres rapports de la Commission consacrés notamment à l’ARYM (nom officiel convenu pour la Macédoine), à l’Albanie et à la Bosnie-Herzégovine. L’ARYM doit résoudre certains problèmes avec ses voisins, l’Albanie doit montrer lors de ses prochaines élections que "la démocratie, ce n’est pas le télescopage des positons", et en Bosnie-Herzégovine, "les mentalités doivent changer et les communautés cesser d’exister les unes à côté des autres dans un pays faussement perçu comme la simple addition de ces communautés", a estimé le ministre.
"Il n’y a pas eu de discussion sur les armes ni sur les sanctions", a dit d’emblée Jean Asselborn lors de sa conférence de presse, et il a ajouté, que "ce qui a prévalu, ce sont les préoccupations humanitaires". Pour illustrer son propos, il a rapporté que dans une grande ville comme Alep, il n’y avait plus que 35 médecins contre 5000 auparavant. Le conflit a conduit au déplacement de 3 millions de réfugiés, surtout vers le Liban et la Jordanie, où le risque d’explosion est réel, puisque la population de ce pays compte désormais plus d’un quart de réfugiés. Le flot des réfugiés est de 5000 par jour, dont 48 % d’enfants. Jean Asselborn s’est indigné du fait que des pays qui promettent des sommes lors des conférences de donateurs ne les versent pas en fin de compte, alors que les Nations unies, surtout, en ont un besoin urgent pour pouvoir aider les réfugiés. L’UE est entretemps devenue le premier contributeur humanitaire en Jordanie et au Liban et fera selon le ministre "tout ce qui est possible pour éviter la déstabilisation des pays".
Les discussions au Conseil se sont par ailleurs concentrées sur les modalités de l’appui politique et économique à l’opposition syrienne modérée, ainsi que sur les efforts qui peuvent être déployés pour encourager le dialogue politique basé sur le communiqué de Genève notamment en ce qui concerne la mise en place d’un gouvernement de transition. Il faut en tout cas "éviter une option arabe qui mise sur le tout militaire", a dit Jean Asselborn, qui ne croit pas en une solution militaire du conflit.
Dans ce contexte, les ministres ont décidé d’assouplir certaines sanctions de l'UE contre la Syrie, y compris l'embargo sur le pétrole, de manière à aider la population civile et à soutenir l'opposition dans ce pays. Les ministres ont en effet jugé "nécessaire" d'"introduire des dérogations" aux sanctions dans le but d'"aider la population civile syrienne, en particulier en réponse aux problèmes humanitaires (...) et pour rétablir une activité économique normale". L'UE va ainsi lever les restrictions sur les ventes d'équipements pétroliers et sur les investissements dans ce secteur, à condition qu'ils ne bénéficient pas au régime. Les sociétés intéressées par l'importation de brut ou par des investissements devront demander l'autorisation de leur gouvernement, qui tentera d'obtenir des garanties de la Coalition de l'opposition.
Jean Asselborn a aussi abordé un autre aspect du conflit : le grand nombre de jeunes Européens qui s’engagent dans des organisations rebelles "qui ne sont pas, loin de là, des organisations philanthropiques". Il y a eu à ce sujet des échanges d’informations entre ministres, et il semble que cela puisse devenir nécessaire de rendre attentifs les groupes-cibles concernés aux dangers que cette guerre et leur engagement comportent.
Partant de la lettre adressée par quatre ministres des Affaires étrangères européens – ceux du Danemark, des Pays-Bas, de l’Allemagne et de la Finlande - à José Manuel Barroso afin de demander la mise en place d’un instrument intermédiaire, qui permettrait d’agir au-delà de la procédure d’infraction et en-deçà de l’activation de l’article 7 du traité de Lisbonne (TUE) qui peut entraîner la suspension d’un Etat membre qui ne respecte plus les valeurs fondamentales , et faisant écho au débat sur la Hongrie qui avait eu lieu le 17 avril 2013 au Parlement européen, Jean Asselborn a déclaré, sans jamais nommer le nom d’un pays qu’il "est de notre devoir de faire attention dans l’UE que, dans un Etat membre, une dictature ne s’installe pas progressivement". Il s’est dit d’accord avec la vice-présidente de la Commission, Viviane Reding, qui est d’avis que l’UE a besoin d’une batterie plus complète d’instruments pour permettre une meilleure intervention dans un pays qui ne respecte pas les règles fondamentale des traités.
Jean Asselborn pense qu’une approche de surveillance multilatérale sur le modèle de l’article 121 du TFUE est possible. Mais s’il faut des sanctions, il faut amender le traité. Jean Asselborn est par contre opposé à toute solution qui diluerait l’article 7 qui sanctionne les cas de violation grave des valeurs fondamentales de l’UE, qui, si elle veut être respectée dans les pays tiers et maintenir la crédibilité de son discours sur les valeurs fondamentales, ne peut se permettre de fonctionner sur base de "doubles standards". Finalement, le débat sur ces questions graves ne peut pas seulement se dérouler dans les médias, mais dans l’UE elle-même. Le Parlement européen est pour lui "une bonne enceinte", mais aussi le Conseil.