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Citoyenneté, jumelages, mémoire - Emploi et politique sociale
Une initiative citoyenne européenne en faveur du revenu de base inconditionnel aspire à la mise en place d’un "Etat-providence émancipateur"
29-04-2013


ice-revenu-baseLe 29 avril 2013, se tenait au Carré Rotondes, une soirée d'information et de discussion sur la proposition d'Initiative citoyenne européenne (ICE) en faveur de l'introduction d'un revenu de base inconditionnel. Alex Hornung et Jerry Weyer, tous deux membres de l'Initiativ bedengungslost Grondakommes Lëtzebuerg créée en 2011, ont présenté à une assistance clairsemée le processus qui doit permettre d'ici un an de récolter au moins un million de signatures  dans l'UE et d‘atteindre le quorum nécessaire dans sept Etats membres pour voir cette initiative validée.

"Aussi à Luxembourg, les chiffres du chômage gonflent, particulièrement chez les jeunes gens. Depuis l'industrialisation, beaucoup fut fait pour que les machines puissent remplacer le travail humain. Maintenant, nous avons une situation contradictoire : à tout être humain doit être trouvé un emploi salarié alors qu'en même temps, l'être humain œuvre à se libérer du travail pénible à travers l'automatisation. Ainsi, il faut s'éloigner de l'idée du plein emploi et analyser de nouveaux concepts, tels que le revenu de base", prêchent les membres du groupe luxembourgeois dans leurs dépliants distribués à l'issue de la discussion.

Face au public, Alex Hornung, le référent luxembourgeois pour cette initiative européenne, a expliqué son soutien à cette initiative en confiant que la crise de 2008 avait ébranlé sa "vision du monde" et qu'il n'a pas trouvé de réponse dans le champ politique. La revendication d'un revenu de base inconditionnel est à ses yeux le moyen "de remettre l'être humain à l'ordre du jour de la Commission européenne". 

"Vers un Etat-providence émancipateur" et non plus "compensateur"

Pour les associations de quinze Etats membres de l'UE participant à cette initiative, la création d'un revenu de base inconditionnel  "ne remplace pas l'État-providence, mais le complète et transforme l'État-providence aujourd'hui compensateur en un État-providence émancipateur", comme on le lit dans le texte en français de cette ICE.

Le revenu de base inconditionnel a quatre particularités. Il est universel et donc garanti à chaque membre (homme, femme, enfant) d'une communauté politique. Il est individuel. Il est inconditionnel dans la mesure où il ne dépend pas du niveau de revenus et qu'aucune contrainte de travail ne lui est assortie. Enfin, il doit être suffisant pour assurer une existence digne et une participation à la société, "conformément aux standards sociaux et culturels du pays concerné".

"Le Revenu de Base est un droit de l'Homme qui ne peut dépendre de conditions préalables, que ce soit l'obligation d'accepter un travail salarié, de s'impliquer dans des travaux d'intérêt général ou de se conformer aux rôles traditionnels dévolus aux genres. Il ne peut non plus être limité par d'autres revenus, épargnes ou propriétés", lit-on encore dans ce texte. Les initiateurs considèrent comme un niveau minimum  qu'il soit égal "au niveau du revenu éliminant le risque de pauvreté selon les normes de l'Union Européenne", soit 60 % du revenu national équivalent médian net.

Les défenseurs de cette ICE mettent par ailleurs en avant les valeurs et objectifs véhiculés par le traité sur l'Union européenne (TUE) et la Charte des droits fondamentaux pour justifier la pertinence du revenu de base inconditionnel. Ils citent les articles 2 et 3 du TUE, dont le revenu de base inconditionnel remplirait les objectifs, «en permettant la réduction et la redistribution du temps de travail" ce qui "facilite une nouvelle forme de plein emploi". De même, il "combat l'exclusion sociale et la discrimination, inhérentes aux systèmes actuels de maintien des revenus".

Ils citent ensuite six articles de la Charte européenne des droits fondamentaux auxquels répondrait leur initiative : l'article 1 sur la dignité humaine, l'article 2 sur le droit à la vie, l'article 6  sur le droit à la liberté et à la sûreté, l'article 15 sur "le droit de travailler et d'exercer une profession librement choisie ou acceptée", l'article 21 sur la non-discrimination et l'article 24 sur la sécurité sociale. Le revenu de base inconditionnel "encourage le libre choix de style de vie personnel, l'organisation de ses relations sociales et permet d'éventuellement s'engager et coopérer dans la vie sociale et économique", avancent-ils notamment.  Il "facilite la pratique d'une activité choisie plus librement" alors que "dans beaucoup des systèmes actuels de maintien des revenus, le besoin d'accéder à des biens et services pour survivre, couplé à des contraintes administratives diverses, limite l'individu dans le choix de son activité et le force à accepter du travail rémunéré inadapté".

Ce revenu serait enfin la meilleure façon de réaliser le droit fondamental à la sécurité financière et à l'aide sociale, sans "le caractère stigmatisant de nombre de systèmes actuels de maintien des revenus".

La Commission européenne pourrait encourager les Etats membres à réfléchir à un revenu de base inconditionnel

Si la politique sociale figure dans les textes européens, elle ne figure pas au titre des compétences de la Commission européenne. Les initiateurs de cette ICE en faveur du revenu de base inconditionnel, au premier rang desquels figurent l'Allemand Ronald Blaschke professeur à Dresde et l'Autrichien Klaus Sambor, ont ainsi dû s'y reprendre à deux fois pour obtenir la validation de la Commission européenne. La première version fut repoussée par la Commission européenne parce qu'elle l'invitait à effectuer un acte législatif dans une matière qui n'est pas de sa compétence. La deuxième version se contente de demander à la Commission européenne d'encourager la coopération entre les États-membres " afin d'explorer le revenu de base inconditionnel comme un outil pour améliorer leurs systèmes de sécurité sociale respectifs".

Les initiateurs s'appuient pour cela sur l'article 156 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne qui stipule que "la Commission encourage la coopération entre les États membres et facilite la coordination de leur action dans tous les domaines de la politique sociale relevant du présent chapitre  (…) par des études, des avis et par l'organisation de consultations".

Cette deuxième version fut approuvée le 14 janvier 2013. Le recueil des signatures a alors  commencé pour un an. Au 29 avril 2013, cette ICE avait récolté 33 055 signatures dans l'UE. Alors qu'il faut 4500 signatures pour que le quorum soit atteint au Luxembourg, l'ICE n'en a pour l'heure recueilli que 84. Néanmoins, la soirée d'informations de ce 29 avril constituait le lancement de la campagne au niveau national, qui devrait culminer à l'occasion de deux conférences qui se tiendront en septembre et octobre 2013.

Des doutes sur le financement

La critique récurrente contre ce revenu de base pointe la difficulté de le financer. Elle fut aussi avancée au CarréRotondes. Les soutiens de cette initiative ont répliqué que ce revenu de base inconditionnel intègrera toutes les allocations et indemnités déjà actuellement en place (chômage, RMG, allocations enfants, chèques-services… etc) et qu'il permettra des économies en bureaucratie très importantes, dès lors que ce revenu est attribué sans conditions et donc sans vérifications préalables. Pour le reste, le dépliant distribué par l'Initiative bedengungslost Grondakommes Lëtzebuerg mentionne la possibilité d'un impôt sur la consommation ou la création d'un impôt sur le revenu négatif.

Les instigateurs luxembourgeois de l'ICE, à l'instar de leurs collègues européens, ne cachent pas que celle-ci doit servir avant tout de tremplin pour installer cette idée dans le débat public et "forcer les institutions européennes à la prendre au sérieux". "Il ne s'agit que d'une première étape dans la création d'un mouvement social d'ampleur européenne autour de cette idée", disaient-ils le 15 janvier 2013.

L'idée a néanmoins déjà circulé dans le Parlement européen, dans le cadre des réflexions sur la généralisation de revenus minimaux dans l'UE. Ainsi, dans une résolution, datée du 20 octobre 2010, sur le rôle du revenu minimum dans la lutte contre la pauvreté et la promotion d'une société inclusive en Europe, le Parlement européen demandait à la Commission européenne "une initiative pour soutenir d'autres expériences dans les États membres qui tiennent compte des meilleures pratiques et les encouragent, et qui permettent de garantir individuellement divers modèles de revenu minimum adéquat et de revenu de base prévenant la pauvreté comme mesure de lutte pour l'éradication de la pauvreté et pour garantir la justice sociale et l'égalité des chances pour tous les citoyens".