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Economie, finances et monnaie - Emploi et politique sociale
Un débat à la Chambre sur le programme national de réforme (PNR) dans le cadre de la stratégie Europe 2020 qui a souffert d’avoir été mêlé avec celui sur la politique budgétaire dans le cadre du pacte de stabilité et du semestre européen
29-03-2012


Etienne Schneider, débat sur le PNR, Chambre des députés, 29 mars 2012Le débat d’orientation et de consultation du 29 mars 2012 à la Chambre des députés sur le programme national de réforme (PNR) que le gouvernement doit poursuivre et mettre à jour chaque année dans le cadre de la stratégie Europe 2020 pour une croissance intelligente, durable et inclusive dans l’UE a été l’enfant pauvre d’un débat qui a été fusionné avec celui sur la politique budgétaire dans le cadre du semestre européen.

La présentation du ministre de l’Economie, Etienne Schneider, a abordé de manière sommaire les cinq domaines sur lesquels le PNR se concentre : la R&D, l’enseignement, l’environnement, le marché du travail – taux d’emploi et chômage- et la pauvreté.

Les objectifs du Luxembourg

Pour rappel, le Luxembourg s’était donné les objectifs suivants :

  • un taux d’emploi de 73 %,
  • un taux d’intensité de R&D de l’ordre de 2,6 % du PIB,
  • un maintien du décrochage scolaire en dessous de 10 %,
  • 40 % de personnes âgées de 30 à 34 ans résidant au Luxembourg qui auront obtenu un diplôme de l’enseignement supérieur ou atteint un niveau d’études équivalent,
  • une personne sur 24 qui aura cessé d’être confrontée au risque de pauvreté et d’exclusion sociale d’ici à la révision à mi-terme de la stratégie Europe 2020 en 2014, un objectif qui concerne 3 000 résidents,
  • une réduction des émissions de CO2 de 20 % par rapport à 2005 dans les secteurs non couverts par le système d’échange de quotas d’émissions de gaz à effet de serre,
  • 11 % d’énergie renouvelable de sa consommation finale d’énergie,
  • 10 % de carburants renouvelables de sa consommation finale d’énergie dans le secteur des transports,
  • un objectif national indicatif en matière d’efficacité énergétique dans les utilisations finales d’énergie de 10,38 % à l’horizon 2016 et l’étude de la faisabilité d'un objectif global de 13 % à l’horizon 2020

Les recommandations de la Commission européenne

Par ailleurs, la Commission lui avait adressé des recommandations en juin 2011. Celles –ci portaient sur les efforts budgétaires à réaliser 2011/06/comm-recommandations-semestre , sur la réforme du système de pensions, surtout afin d’éviter des départs anticipés à la retraite, une réforme de l’indexation des salaires, des mesures pour réduire le chômage des jeunes en renforçant les mesures d’éducation et de formation qui visent à faire en sorte que les compétences des jeunes répondent mieux à la demande du marché du travail.

Les résultats du PNR sur 12 mois

Etienne Schneider a fait le constat qu’en termes de taux d’emploi, le pays avait fait des progrès, arrivant en 2010 à 70,6 %, et reculant en 2011 à 69,8 %, donc en-deçà encore de l’objectif des 73 %. Il a mis en exergue différentes réformes, comme celle de l’ADEM, et la mise en place prochaine d’un plan d’action jeunes pour combattre le chômage des jeunes.

En ce qui concerne les investissements dans la R&D, le Luxembourg se situe actuellement à 1,63 % de PIB, là aussi encore en recul par rapport à son objectif de 2,3 à 2,6 %, un retard dû selon le ministre à la croissance du PIB. Tant dans la recherche publique que privée, de nombreux projets, assure-t-il, sont en gestation, même s’il a admis par ailleurs que loi relative à la recherche privée mériterait une refonte.

Dans l’enseignement, le premier sous-objectif, la réduction du décrochage scolaire à moins de 10 %, est déjà atteint. Le deuxième, 40 % de personnes diplômées de l’enseignement supérieur, a été atteint par les résidents luxembourgeois, qui sont eux dépassés par les résidents étrangers. D’autres efforts, entre autres dans le domaine de l’école de la deuxième chance, sont en cours ou en train d’être mis en œuvre, comme la réforme de la formation professionnelle.  

Dans le domaine de l’énergie et de la lutte contre le réchauffement climatique, le Luxembourg est arrivé en 2009 (date des dernières statistiques disponibles) à une diminution de 9 % des émissions de CO2, alors que – 20 % sont brigués pour 2020. L’année 2010 risque par ailleurs de devenir une année moins bonne à cause de la légère reprise de cette année-là dans la sidérurgie.

Les énergies renouvelables représentent 2,7 % de la consommation finale en énergie, mais pour atteindre les 11 % en 2020, Etienne Schneider veut doubler ce taux d’ici 2014.

En termes d’efficacité énergétique, le Luxembourg va passer d’un objectif de 10,38 % à 14,06 % en 2016. Dans son discours, Etienne Schneider a évoqué la discussion sur la nouvelle directive, qui risque d’être bloquée au Conseil. C’est pourquoi le Luxembourg a fait des propositions sur des mécanismes plus flexibles et un marché des certificats d’efficacité énergétique, des propositions pour lesquelles il a eu le soutien de la présidence danoise du Conseil, mais qui ont été fortement critiquées par le député européen Claude Turmes, rapporteur sur la directive. Contrairement à ce qu’affirme Claude Turmes, le Luxembourg "ne veut pas casser la directive", a souligné le ministre, mais aller vers une solution, alors qu’il est actuellement "le seul allié de la présidence danoise" pour la faire passer. Avec ou sans directive, le Luxembourg prendra l’engagement d’inscrire une clause d’efficacité énergétique dans la législation, a conclu le ministre sur ce chapitre

Quant à la lutte contre la pauvreté, des objectifs chiffrés sont en élaboration au Ministère de la Famille et devront être approuvés par le Conseil de gouvernement avant d’être intégrés au PNR.

Le gouvernement a donné suite aux recommandations de la Commission, avec ses efforts sur la politique budgétaire, sa réforme du système de pension en gestation, la modulation de l’indexation des salaires, et ses mesures pour combattre le chômage des jeunes.

Fin avril 2012, le PNR sera envoyé à la Commission. Celle-ci formulera des recommandations en juin qui devront être validées par le Conseil fin juin début juillet, et elles seront ensuite effectives. Le PNR a pour objet de renforcer le pays, a pensé le ministre, pour qui une croissance zéro n’est pas une option.

Le débat

Dans la partie de son intervention consacrée au PNR, le porte-parole du CSV, Marc Spautz, a relevé que lors de la transmission de ses recommandations en juin dernier, la Commission européenne établissait de meilleures perspectives de croissance qu’actuellement, que ce soit pour le Luxembourg comme pour les autres pays. Entre temps, la situation s'est dégradée et inviterait en conséquence à réagir. "On ne peut pas laisser le système comme il est sinon nous fonçons droit dans le mur", a déclaré le député ajoutant un peu plus tard : "Nous sommes officiellement en récession."

Ainsi, concernant les pensions, dont la Commission avait invité à modifier le régime, il faudrait sans doute recourir à la possibilité laissée par le projet de réforme présenté fin janvier 2012 d'augmenter les cotisations. Mais Marc Spautz considère que la réforme sera insuffisante d’ici quelques décennies et devra donc faire l'objet d'un nouvel aménagement.

Marc Spautz attend les développements futurs pour savoir si la réforme de l'Administration de l'emploi "n'est qu'une maculature". Il considère aussi que le gouvernement devrait "mettre les bouchées doubles" sur la simplification administrative. 

Il souligne le "rôle crucial" de la formation initiale, mais aussi la nécessité que des efforts parallèles soient faits dans l'orientation. Il déplore ainsi qu'il n'y ait pas encore de base légale à l'établissement d'une maison de l'orientation. Une orientation efficace consisterait à diriger un jeune en fonction des besoins du marché du travail, sans préjudice de ses capacités et de sa volonté, considère-t-il.

Concernant la recherche, il estime que les investissements doivent servir l'économie et appelle en conséquence à "être plus sélectif". Il salue par ailleurs la création d'un institut de la propriété intellectuelle inscrite au Programme national de réforme. " Ce système pourrait être bon et la base de nouvelles niches."

Concernant l'inclusion sociale, Marc Spautz fait remarquer qu'elle dépend de la compétitivité, qui en l'occurrence, se dégrade. La modulation de l'indexation est positive mais ne serait pas encore la réforme structurelle qui s'impose. Il faut agir sur le coût salarial réel qui pour la période 2008-10 a enregistré une forte croissance.

Pour ce qui est des investissements, il faudrait suivre davantage les recommandations européennes. De même, tout projet devrait dorénavant être questionné, avance-t-il à l'instar du ministre des Finances.

"La sélectivité sociale est la voie unique pour prendre des mesures de sortie de crise sans que la cohésion sociale explose", a-t-il poursuivi. La situation d'"un petit pays qui exporte et qui a une petite consommation interne" invite à davantage de rigueur. Il n'y a "pas d'excuse pour reculer devant des réformes structurelles".

Henri Kox a abordé la question du PNR, qui est pour lui "un peu plus que de l’idéologie de la croissance", au nom des Verts. Il a rappelé les réserves de son parti en 2010. Les Verts auraient préféré dès le début une discussion sur le type de société, de redistribution économique et de participation démocratique liée à ces PNR et à Europe 2020. Aussi le gouvernement avait-il alors voulu faire participer toutes les commissions de travail de la Chambre à l’élaboration du PNR. En 2012, "sauf une petite présentation et un papier très mince de M. Schneider", il n’y aurait pas eu de débat dans les commissions, alors que pour Henri Kox, il s’agit d’un "processus important qui devrait être discuté dans toutes les commissions".

Pour le député vert, le marché du travail s’annonce difficile après les résultats de la tripartite sidérurgique – 1100 travailleurs iront en reclassement – et ces résultats devraient être intégrés dans le PNR. D’autre part, il faudrait impliquer la société civile dans le débat, comme cela a été suggéré au niveau de l’UE. Exclure des acteurs importants comporte pour Henri Kox un risque politique. Le projet européen devrait impliquer les populations, surtout sur des dossiers sensibles qui entraînent des sacrifices. Il faudrait donc selon lui se donner des procédures pour impliquer les citoyens.

Quant aux résultats, les 9 % de décrochage scolaire demeurent toujours catastrophiques. Les Verts restent aussi opposés à ce que l’on ouvre un marché des certificats de l’efficacité énergétique. Il faudrait plutôt passer aux investissements réels et chez soi dans ce domaine, qui constitue pour les Verts un immense gisement potentiel d’emplois. La réforme de l’ADEM, les Verts l’auraient préféré plus profonde. En 2011, la pauvreté n’a pas été mentionnée. Henri Kox a donc salué le fait que l’on fasse dorénavant attention à ce que la fourchette de l’inégalité ne s’élargisse pas, mais tout en exigeant un objectif chiffré.