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Droits fondamentaux, lutte contre la discrimination - Emploi et politique sociale - Justice, liberté, sécurité et immigration
La commissaire européenne en charge de la Justice, Viviane Reding, et le ministre luxembourgeois du Travail et de l’Emploi, Nicolas Schmit, s’expriment dans le Tageblatt au sujet du rapport des citoyens à la politique européenne
26-06-2013


tageblattA quelques jours de l’organisation d’une rencontre citoyenne à la Rockhal, le Tageblatt a publié, le 26 juin 2013, une interview croisée, menée par son journaliste Guy Kemp, mettant aux prises la Commissaire européenne en charge de la Justice, Viviane Reding, et le ministre luxembourgeois du Travail, Nicolas Schmit.

La manifestation qui se tiendra le 30 juin 2013, constitue l’étape luxembourgeoise, à mi-parcours, d’un tour d’Europe qui a déjà mené la Commission européenne dans vingt-et-une villes d’Europe. Viviane Reding rappelle, en début d’interview, que l’organisation de ce tour dans le cadre de l'Année européenne des Citoyens est née du constat que si "deux tiers des citoyens en Europe se sentent Européens", "seul un tiers sait ce que cela signifie, et donc les gens ne sont pas informés sur leurs droits et devoirs".

Les Luxembourgeois et l’Europe

"Il ne s’agit pas de faire l’apologie de l’Europe. On y fait des erreurs. Cependant, la construction européenne est essentielle pour nous. Il faut aussi le transmettre aux citoyens", pense de son côté Nicolas Schmit. "Je crois qu’il est clair que les Luxembourgeois se sentent des Européens. Ce serait absurde si ce n’était pas le cas. Nous sommes Européens. Nous savons très exactement, que l’Europe, malgré tout, est pour nous quelque chose d’essentiel", explique-t-il.

"Il n’y a pas d’autres pays, dans lequel les médias informent tant et si objectivement sur l’Europe", constate Viviane Reding. "Si tout cela parvient jusqu’au citoyen est une autre question. Car l’Europe est une formation complexe. A cela s’ajoute que les Luxembourgeois sont influencés par ce qui est dit de l’Europe dans les médias étrangers", nuance toutefois Nicolas Schmit.

Le ministre luxembourgeois du Travail tient par ailleurs à souligner qu’il n’y a pas de contradiction entre le sentiment européen et la critique de l’UE. "L’expression 'Je me sens Européen', ne signifie pas forcément, que je suis d’accord avec la politique qui est faite à Bruxelles", dit-il.

La lutte contre le chômage des jeunes

Guy Kemp aborde ensuite la question du chômage des jeunes, qui sera abordée lors du Conseil européen des 27 et 28 juin 2013. Viviane Reding rappelle que la Commission européenne a présenté un plan de lutte contre le chômage des jeunes, que le Conseil EPSCO en a discuté et que les chefs d’Etat et de gouvernement doivent désormais "passer à l’action". Il y a, selon la Commissaire, urgence en la matière. "C’est une génération perdue, si nous ne prenons pas très vite des mesures", dit-elle

Nicolas Schmit constate pour sa part qu’il a fallu du temps pour que ce sujet devienne un  thème européen, soulignant que son reproche s’adresse aussi bien à la Commission européenne qu’au Conseil, qui a finalement proposé la Garantie pour la jeunesse. L’action de l’Union européenne est indispensable puisque "les pays dans lesquels 60 % des jeunes sont sans travail, sont aussi les pays dans lesquels les finances publiques sont dans un état désastreux" et donc "ces pays peuvent uniquement aider les jeunes, s’ils sont soutenus par l’Europe". Viviane Reding rappelle pour sa part que la Commission propose d’employer aussitôt, et non sur une période de sept ans, et de manière ciblée, les six milliards d’euros mis à disposition.

Le ministre du Travail prévient qu’il ne faut pas crier victoire en raison de l’introduction de la Garantie pour la jeunesse. Il faut au contraire voir le problème plus largement. "Le chômage des jeunes ne doit pas être considéré à l’écart du contexte économique général et de la politique menée actuellement. La manière dont l’assainissement est menée en Grèce, sous la pression de l’UE et du FMI, a mené à ce taux de 60 % de jeunes chômeurs. C’est certes une politique européenne mais ce n’est pas l’Europe", pense-t-il, rappelant que la Garantie pour la jeunesse doit aller de pair avec la création d’emplois. "Le danger est que nous placions la Garantie pour la jeunesse comme un grand acquis et ne créions pas d’emploi. Alors nous décevrons rapidement les jeunes", met-il en garde.

Interrogée sur l’assimilation entre l’UE et la politique d’austérité, Viviane Reding pointe du doigt les partis populistes qui pullulent dans tous les pays et "pas seulement dans ceux qui vont mal". Elle considère qu’il faut "affronter ce phénomène  [en] expliquant tranquillement, concrètement et sans polémique, aux gens, de quoi il s’agit."

Pour Nicolas Schmit, les élections européennes seront une bonne occasion de débattre de ce sujet. Elles seront "importantes pour montrer clairement aux citoyens, que le Parlement européen, dans beaucoup de domaines, a un réel pouvoir". "Nous avons besoin en Europe d’une légitimité démocratique des décisions. Le Parlement européen est une partie essentielle d’un tout, ce que les citoyens ne comprennent pas toujours", constate-t-il. Il regrette par ailleurs que la construction d’une Union monétaire ait été conduite "sans nous donner les instruments  – jadis, car nous les avons aujourd’hui – pour affronter les problèmes existants".

Les leçons à tirer

L'Europe s'invite à la Rockhal le 30 juin 2013 à l'occasion de l'Année européenne des CitoyensInterrogée sur les leçons tirées des dernières années pour le futur de l’UE, Viviane Reding s’appuie sur ce dernier constat de Nicolas Schmit et déclare que "l’Europe doit grandir de manière plus efficace, pour réagir de manière plus efficace". "Nous avons pour cela besoin des structures adéquates. (…) Maintenant nous avons les instruments. Mais nous devons continuer à réfléchir à ce dont nous avons encore besoin, pour que nous puissions faire passer nos positions européennes dans un monde globalisé."

Nicolas Schmit souligne pour sa part le besoin de retrouver de la croissance, "sinon, nous risquons de dériver, dans le cadre de cette globalisation".

Il évoque ensuite le modèle social qui, s’il n’est "pas intouchable", – "il est clair, qu’en Europe, certaines réformes doivent être faites", dit-il – ne peut pas pour autant voir ses fondements remis en cause. Nicolas Schmit pense que "ce modèle a même une chance de s’affirmer dans la globalisation", constatant que des pays comme la Chine s’interrogent sur la manière dont ils doivent organiser la sécurité sociale, les retraites, la santé. "En la matière, l’UE n’est pas en retard, mais au contraire, elle a de l’avance, si nous croyons à des valeurs universelles", dit-il. 

Enfin, le troisième défi pour le futur consiste, selon lui, à renforcer la légitimité démocratique en Europe, par le dialogue avec les citoyens et la création, en cours, d’un espace public. "Nous ne pouvons pas développer davantage l’Europe sans le soutien des citoyens. Le plus grand danger, pour moi, serait que nous perdions leur soutien et que les populistes gagnent encore plus de terrain."