Principaux portails publics  |     | 

Economie, finances et monnaie - Emploi et politique sociale
La place accordée à la dimension sociale dans le cadre du semestre européen n’est pas satisfaisante pour Nicolas Schmit qui a participé au Conseil EPSCO
20-06-2013


Le ministre du Travail et de l'Emploi, Nicolas Schmit, lors de sa conférence de presse à l'issue du Conseil EPSCO du 20 juin 2013 à LuxembourgLe semestre européen avec ses recommandations aux Etats membres et la place de la dimension sociale de l’UE dans ce processus, le chômage des jeunes et la refonte de la directive détachement des travailleurs ont été les grands sujets du Conseil EPSCO des ministres de l’Emploi de l’UE qui s’est tenu le 20 juin 2013 à Luxembourg, une réunion qui a plus fait le point que de prendre des décisions. Nicolas Schmit, le ministre luxembourgeois du Travail et de l’Emploi, les a commentés au cours d’une conférence de presse.

L’équilibre entre les réformes structurelles qu’exigent les recommandations adressées aux Etats membres et la dimension sociale – sécurité sociale, systèmes de pension, droits sociaux – un sujet important, a été confié à une formation du Conseil "qui n’est pas aussi visible que d’autres", l’EPSCO, a expliqué Nicolas Schmit, faisant allusion à la prépondérance du Conseil ECOFIN dans les matières économiques.

Des indicateurs sociaux au lieu de normes sociales

Le ministre a dit ne pas être confiant, au regard du projet de conclusions du Conseil européen des 27 et 28 juin qui a été soumis au Conseil, à ce que l’équilibre visé puisse être atteint. La place accordée à la dimension sociale de l’UE reste pour lui "faible et minimaliste". La coordination macroéconomique et la discipline budgétaire deviennent des éléments obligatoires avec des objectifs contraignants, alors que "le social reste vague et pas vraiment obligatoire". Pour lui, il faudrait que l’emploi devienne un objectif contraignant au même titre que la maîtrise de l’inflation, la hausse de la compétitivité ou les politiques tendant à l’équilibre budgétaires. Or, déplore Nicolas Schmit, on se contente d’évoquer seulement des indicateurs sociaux, de sorte que l’on est loin des normes sociales, ce qui fait "une différence sensible et non satisfaisante". Il devient par ailleurs évident que les salaires restent une des seules variables d’ajustement prises en compte, ce qui dessert la perception du projet européen par les citoyens.

Le chômage des jeunes ne doit pas servir à faire passer d’autres questions sociales et économiques au second plan, pense le ministre

Une grande visibilité est maintenant accordée au chômage des jeunes, a ensuite souligné le ministre, mais il se demande où il en est ressorti quelque chose de concret au fil des nombreuses conférences qui ont été ou seront dédiées au sujet, comme celle qui est projetée "comme une sorte de Conseil européen bis avec des ministres EPSCO" de manière informelle à Berlin le 3 juillet 2013, et ce après d’autres rencontres à géométrie variable, surtout entre grands Etats, à Madrid et à Rome. Ces réunions posent selon lui plusieurs problèmes.

En premier lieu, Nicolas Schmit met en garde contre "le risque de lancer de faux messages aux jeunes" et met l’emphase sur l’obligation de succès, que ces réunions débouchent donc sur des initiatives qui permettent réellement aux jeunes d’accéder à un emploi et conduisent à un cadre clair pour la "garantie jeunes".

Ensuite, la visibilité accordée au chômage des jeunes ne doit pas faire passer la question du chômage d’autres catégories de personnes au second plan. Les chômeurs de longue durée, les travailleurs âgés et les travailleurs non-qualifiés au chômage, tout cela reste d’actualité. Le risque existe que l’on se serve du chômage des jeunes pour faire passer d’autres questions sociales à la trappe. Il existe selon Nicolas Schmit des forces qui ne veulent pas d’une approche générale des questions sociales. Et il précise suite à une question de journaliste que la ligne de fracture au sein de l’UE passe entre les Etats qui sont prêts à lier la question du chômage au contexte économique général comme aux politiques de réajustement économiques menées, et ceux qui ne sont pas prêts à lier ces deux dossiers. S’y ajoute pour lui que les DG Finances et Emploi de la Commission sont elles aussi sur des rails qui ne s’entrecroisent pas. Cette manière de faire les choses n’est pas tenable face aux citoyens qui attendent autre chose de l’UE, met en garde Nicolas Schmit. Aux yeux du ministre luxembourgeois, la discussion sur les "living wages", des salaires qui permettent au salarié de vivre de son salaire, tout comme la question des normes sociales dans l’UE doivent donc rester à l’ordre du jour.

Le danger institutionnel des réunions hors cadre sur des problèmes de l’UE

L’autre aspect est que ces réunions devraient se tenir toutes dans le cadre des traités européens. Nicolas Schmit se dit "inquiet" du tour que prennent les délibérations sur des sujets qui tombent dans la compétence des institutions européennes, mais qui sont de plus en plus débattues lors de "réunions hors cadre". Cette manière de faire recèle pour lui "un danger potentiel" de glissement vers une nouvelle forme d’intergouvernementalisme dont le pacte budgétaire ou TSCG est un des fruits, même si les sujets et les débats de ces réunions sont d’un grand sérieux.

Mais comme il existe un cadre européen, et que le Conseil européen peut être convoqué pour des raisons spéciales et que les chefs d’Etat ou de gouvernement peuvent par exemple être accompagnés le cas échéant par les ministres du ressort en jeu, le ministre se demande pourquoi on ne recourt pas à ce cadre. Pour lui, le Luxembourg a, comme petit Etat membre, un grand intérêt à ce que l’UE et ses Etats membres adoptent des approches institutionnelles qui s’en tiennent strictement aux règles de l’Union. La multiplication des réunions informelles hors cadre représentent en revanche à ses yeux "un danger potentiel" que l’UE se prive de la rigueur nécessaire pour gérer de grands dossiers.  

Le lien entre les politiques économiques et budgétaires et le chômage                    

"Le chômage n’est pas une catastrophe naturelle", estime le ministre. Il existe parce qu’il y a une crise à laquelle il faut répondre, et aussi parce que certaines réponses que l’on veut apporter à la crise le renforcent. C’est pour lui la cure appliquée à la Grèce qui a détruit des milliers et des milliers d’emplois et fermé le marché du travail aux jeunes, qui sont pour 60 % d’entre eux sans emploi.

Prôner la formation professionnelle selon les principes du système dual allemand n’est pas faux dans ce contexte, mais ce n’est pas la panacée non plus, juge le ministre. La mobilité non plus n’est pas une solution pour tout le monde, et peut même être une "illusion" telle qu’elle est suggérée actuellement aux jeunes et qui voudrait qu’un jeune qui ne trouve plus d’emploi dans son pays émigre dans un autre pays de l’UE. Il ne faut pas sous-estimer toutes sortes de barrières, linguistiques par exemple, pense Nicolas Schmit.

Bref, plutôt de créer des illusions ou de cacher des problèmes, "il faut tenir un langage de vérité et établir un lien entre les politiques économiques et budgétaires actuellement menées dans l’UE et revaloriser la politique de l’emploi". Avec son "nouvel allié", le nouveau ministre du Travail italien Enrico Giovannini (voir notre article sur un exposé qu’il a tenu en octobre 2008 à Luxembourg sur la question du bonheur en relation avec l’économie) Nicolas Schmit verrait d’un bon œil que le Conseil ECOFIN s’occupe lui aussi de la politique de l’emploi.  Le ministre luxembourgeois de la Sécurité sociale Mars Di Barolomeo avait déjà fait une proposition similaire en juin 2012.

La refonte de la directive "détachement"

Pour le Luxembourg, la refonte de la directive "détachement" doit déboucher sur un équilibre entre la libre circulation des travailleurs, la libre prestation de services, qui sont des droits économiques, et les droits sociaux du salarié détaché. Nicolas Schmit fait partie des ministres qui n’ont "pas réussi à faire comprendre à d’autres les problèmes qui découlent de la pratique du détachement, c’est-à-dire le dumping social et la concurrence déloyale dans le pays d’accueil". Or, ces deux maux ne constituent des perspectives viables ni pour les syndicat, ni pour les patrons, souligne-t-il.  Pour lui, il sera indispensable que la nouvelle directive permette aux autorités des pays d’accueil d’effectuer des contrôles sérieux, ce que les arrêts de la CJUE de 2008 ne permettent plus de manière suffisante au nom des libertés économiques. Le Luxembourg ne donnera en tout cas pas son accord à un texte qui ne contient pas des garanties pour les règles sociales nationales en vigueur dans les pays d’accueil, a dit très catégoriquement le ministre qui s’est dit ouvert au compromis sous ces conditions. L’introduction du badge social au Luxembourg en septembre 2013 permettra en attendant d’y diminuer l’exploitation des travailleurs détachés.