Le 17 juillet 2013, l’agence européenne de statistiques Eurostat a présenté, pour la première fois, en une publication unique, baptisée "European social statistics", un résumé des statistiques sociales dont elle dispose. Les données qui y sont compilées touchent sept domaines : la population, la santé et la sécurité, l'enseignement et la formation, le marché du travail, les revenus et les conditions de vie, pauvreté et protection sociale ainsi que la criminalité et la justice pénale.
Les cas dans lesquels le Luxembourg est cité donnent un aperçu de la richesse des données présentées dans ce document de 248 pages.
Au chapitre Population, le Luxembourg est cité comme le pays ayant connu le plus grand nombre d’immigrés en 2011 (39 pour 1000 habitants), loin devant Chypre (27) et Malte (13), ses suivants.
Pour ce qui est de la santé, le Luxembourg se distingue notamment parce qu’avec la Bulgarie et la Roumanie, ses habitants se disent les moins touchés par des problèmes durables de santé ou de bien-être. Alors que les maladies cardiaques ischémiques forment la première cause de mortalité en Europe, la France, le Portugal, les Pays-Bas, l’Espagne et le Luxembourg ont les taux les plus bas de mortalité liés à ce problème de santé (inférieurs à 50 décès par 100 000 habitants), tandis qu’en Lituanie, Lettonie, Slovaquie et Hongrie, le ratio dépasse les 200 décès par 100 000 habitants.
Au chapitre de l’école, le Luxembourg arbore le plus faible nombre d’élèves dans l’enseignement supérieur (5,3 % de tous les élèves et étudiants dans des établissements éducatifs) contre, à l’opposé, 29.4 % en Grèce, durant l’année scolaire 2009/2010. Par contre, le Luxembourg montre un des plus faibles ratios d’élèves par professeur, avec le Portugal et la Lituanie (moins de dix par enseignants).
Le Luxembourg se distingue aussi au chapitre chômage. Il avait, en 2011, le 3e plus faible taux derrière l’Autriche (4.2 %), les Pays-Bas (4.4 %), tandis que les plus élevés étaient observés en Espagne (21.7 %) et en Grèce (17.7 %).
Le Luxembourg disposait en 2010, derrière le Danemark (54 970 euros), du deuxième revenu moyen le plus élevé dans les entreprises de plus de dix salariés, avec 51 663 euros.
Dans le domaine de la pauvreté et de la protection sociale, Eurostat rappelle que « le but premier de la politique européenne est de réduire substantiellement le nombre de personnes exposées au risque de pauvreté ou à l’exclusion sociale, en créant une société plus inclusive », objectif défini dans le cadre d’Europe 2020. Le seuil d’exposition de pauvreté est établi à 60 % du salaire national médian, rappelle l’Eurostat, en faisant remarquer qu’en Roumanie, cela représente 2134 euros, mais 16 001 euros au Luxembourg.
Les mesures de la pauvreté liées aux revenus doivent être complétées par des mesures non monétaires, lit-on encore dans le document, qui se concentre sur les mesures de la privation matérielle et de la faible intensité de travail dans le ménage. Un sous-chapitre est consacré à la privation matérielle, dont la gravité est mesurée en fonction de l’incapacité à acquérir ou à payer un nombre de produits considérés comme nécéssaires ou désirables (le prêt ou le loyer de son logement, une semaine de vacances loin de la maison, un repas avec viande, poulet ou poisson un jour sur deux ; une télévision couleur, une machine à laver, une voiture, les frais de chauffage etc.)
En suivant cette définition, 8.8 % de la population de l’UE était affectée par la privation matérielle en 2011. Le Luxembourg est, avec la Suède, le pays dans lequel il y a le moins de personnes affectées par une grave privation matérielle, comme le constate Eurostat. Le taux n’y atteint que 1,2 % de la population.
En qui concerne l’intensité de travail, elle aussi calculée pour l’année 2011, moins de 6 % de la population luxembourgeoise vivaient dans des ménages à faible intensité de travail. Le Luxembourg a le deuxième taux le plus faible après Chypre, mais loin devant la France (9,3 %) l’Allemagne (11,1 %) et la Belgique (13,7 %).
Par ailleurs, en 2010, le Luxembourg dépensait la plus forte somme par habitant pour ce qui est de la protection sociale, soit 14 895 unités en standard de pouvoir d’achat (8 891,5 en France, 8 894 en Allemagne et 8 697,4 en Belgique).
Comme le fait remarquer l’agence Europe, la publication de ces statistiques sociales s’insère dans un cadre politique plus vaste, celui de la réflexion sur les moyens de diversifier les données et d’assurer leur récolte plus rapidement, afin de mesurer plus précisément la situation sociale en Europe. En effet, déjà, lors du Conseil EPSCO de décembre 2010, alors qu’ils demandaient une plus forte prise en compte de la dimension sociale dans la politique de l’Union économique et monétaire, les ministres de l’UE invitaient, dans les conclusions du Conseil, la Commission européenne à "soutenir, en collaboration avec les Etats membres, la disponibilité en temps voulu d’indicateurs valables pour contrôler la dimension sociale de la stratégie Europe 2020".
En février 2013, à travers le Paquet "investissements sociaux", la Commission disait qu’elle allait "[se pencher] sur la réforme de la protection sociale ainsi que sur la place accordée aux investissements sociaux et à l’inclusion active dans des recommandations spécifiques par pays et les prochains semestres européens". Dans ce contexte, "elle apportera également une aide aux États membres par un meilleur contrôle des résultats ; cela passera par le système statistique européen et par la communication, en temps plus opportun, de statistiques sur la pauvreté et de résultats des politiques sociales et sanitaires de meilleure qualité", disait-elle dans la communication "Investir dans le domaine social en faveur de la croissance et de la cohésion, notamment par l’intermédiaire du Fonds social européen, au cours de la période 2014-2020".
La Commission européenne entend mettre sur la table, avant la fin de l'année, une proposition pour la mise en place d’un tableau de bord, explique par ailleurs l’Agence Europe qui signale la publication, le 3 juillet 2013, d’un document de travail de la Commission à ce sujet.
Intitulé Sources de données pour le suivi en temps voulu de la situation sociale dans les Etats membres, ce document de travail se veut un exercice d’inventaire des approches nationales existantes pour fournir des données sociales en temps voulu et des possibilités explorées, avec Eurostat, dans le cadre du Système européen de statistiques, pour améliorer la situation. Il explore "l’utilisation de sources alternatives d’informations qui pourraient être utilisées pour construire une image générale en temps voulu des développements sociaux au niveau de l’Etat membre, principalement concentré sur les impacts en termes de revenus et allant au-delà des indicateurs plus traditionnels habituellement utilisés dans ce domaine".
Ses auteurs, Paul Minty et Isabelle Maquet-Engsted, constatent que, "actuellement, au niveau de l'UE et des États membres, l'absence de données récentes sur la situation sociale des ménages entrave le suivi de la pauvreté et des inégalités, ainsi que de l'évaluation de l'impact de la crise et des réponses politiques sur les ménages".
Pour remédier à ce problème, le document propose de disposer de données nouvelles, et d’accélérer la récolte des données. Le document de travail constate que les données habituelles sur le revenu, la consommation, la santé et la privation matérielle sont "difficiles et coûteuses à collecter". De surcroît, comme la consommation qui ne prend pas en compte la capacité des ménages à épargner ou s’endetter, elles ne sont pas dénuées de défauts.
Les deux auteurs proposent une série d’indicateurs alternatifs pour les compléter. La pauvreté subjective, dont la mesure est basée sur une déclaration, faite par les ménages eux-mêmes, de leur situation financière, est "plus simple et plus rapide", et même si sa relation avec une mesure objective varie dans le temps et dans l’espace, "elle peut fournir une indication de la détérioration ou de l’amélioration de la situation des ménages", estiment les auteurs.
L'analyse des évolutions dans les revenus d’un ménage donnerait pour sa part "une indication du bien-être matériel général et de la capacité des revenus tirés du marché du travail à soutenir la demande nationale". Le document de travail envisage de les collecter dans le futur sur une base mensuelle à travers une "enquête à haute fréquence".
Une troisième possibilité consiste à conduire des micro-simulations des évolutions en cours, en prenant en compte les changements politiques, économiques et du marché du travail.
Un autre type d’information consiste dans la réponse comportementale des ménages en proie à un choc sur leur revenu, (en raison de chômage, d’une réduction des heures prestées etc.) et la chaîne de transmission par laquelle le ménage est affecté (marché du travail, accès au crédit, services administratifs).
Enfin, les tendances dans l’octroi des avantages sociaux, tirées des sources administratives disponibles sur un base mensuelle ou trimestrielle, peuvent donner des informations sur la pression exercée sur les filets de sécurité.
Le document de travail consacre ses annexes à l’application de ce modèle sur huit pays "durement frappés par la crise" (Espagne, Grèce, Italie, Irlande, Portugal et les trois pays baltes). "L’analyse montre que dans les pays étudiés la classe de la population en âge de travailler a été la plus affectée par l’impact du ralentissement économique et les mesures de consolidation budgétaires", lit-on dans le document.