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Une nouvelle étude confirme des milliards de manque à gagner sur la TVA dans les Etats membre de l’UE
20-09-2013


TVA-gap-étude (Source: Parlement européen)Un montant estimé à 193 milliards d’euros de recettes de TVA (soit 1,5 % du PIB de l’UE) a été perdu en raison du non-respect des règles ou de non-perception en 2011, selon une nouvelle étude menée par les instituts CASE (Center for Social and Economic Research, Pologne) et CPB (Netherlands Bureau for Economic Policy Analysis, Pays-Bas) pour le compte de la Commission européenne qui a été présentée le 19 septembre 2013.

"Le montant de la TVA qui passe à travers les mailles du filet est inacceptable, compte tenu notamment de l’incidence que ces sommes pourraient avoir dans l’assainissement des finances publiques", a réagi Algirdas Šemeta, le commissaire européen chargé de la fiscalité.

Financée par la Commission dans le cadre de sa volonté de réformer le système de TVA en Europe, l’étude détaille précisément l’écart existant entre le montant de TVA due et le montant perçu (différence entre les recettes de TVA attendues et la TVA effectivement perçue par les autorités nationales) dans 26 États membres entre 2000 et 2011.

Un manque à gagner qui est attribué à plusieurs facteurs. Il prendrait ainsi sa source depuis l'évasion légale en passant par des fraudes, des erreurs statistiques, des imprécisions ou des négligences, jusqu’à la prise en compte des effets négatifs de la crise. La crise aurait en effet accéléré divers phénomènes, tels les retards de paiements ou les faillites notamment, selon les auteurs de l’étude, qui se sont basés sur les chiffres de l’Office statistique européen (Eurostat) ainsi que sur les comptes nationaux des Etats membres.

La fraude représenterait néanmoins près de un quart à un tiers du manque à gagner selon une source communautaire interrogée par l’AFP. "Il y a une corrélation importante entre la hausse du taux de chômage et l'écart entre les recettes de TVA attendues et la TVA effectivement perçue par les autorités nationales", a encore ajouté cette source, qui a souligné la hausse de  cet écart dès 2008, avec le début de la crise.

Situations très variables

Les évolutions varient toutefois de manière importante d'un État membre à l’autre, en raison entre autres de la cohabitation de systèmes de perception, de taux et d’assiettes très différents.

Pour ce qui est du Luxembourg, cet écart atteint en valeur absolue 551 millions d’euros en 2011, soit quelque 17 % des recettes TVA qui auraient effectivement dues être perçues par les autorités. Avec ce résultat, le pays se place légèrement en dessous de la moyenne européenne qui atteint 18 %. Sur la période étudiée, de 2000 à 2011, le manque à gagner annuel moyen atteint 12 % au Grand-Duché, contre 15 % en moyenne européenne.

Selon l’étude, en valeur absolue, les pays les plus touchés par ce manque à gagner dans les recettes de TVA en 2011 sont l'Italie (36,1 milliards, soit un manque à gagner de 27 % par rapport aux recettes de TVA attendues en 2011), puis la France (32 milliards, 19 % de revenus non perçus), l'Allemagne (27 milliards, 12 %), et le Royaume-Uni (19 milliards, 13 %), qui couvrent ainsi à eux seuls près de la moitié du trou dans la perception de la TVA en Europe. Un phénomène qui s’expliquerait principalement par l’importance de la contribution de ces économies au PIB de l’UE. 

Car une fois le manque à gagner mis en rapport avec le PIB de chaque Etat membre, les résultats sont sensiblement différents. Ainsi ce sont les pays d’Europe de l’Est et la Grèce qui comptabilisent l’écart le plus important par rapport au PIB. En 2011, le manque à gagner de TVA a représenté environ 8 % du PIB roumain (10,35 milliards d’euros, soit 48 % de recettes manquantes), 4,7 % des PIB letton et lituanien (respectivement 954 millions d’euros, soit 41 % de recettes dues mais non perçues et 1,35 milliards, ou 36 %), et plus de 4,5 % du PIB grec.

L’AFP rapporte à ce sujet que "ces pays se débrouillent moins bien. Il y a encore beaucoup de transactions papier qui permettent l'évitement fiscal", selon une source de l’UE.

En revanche, dans les grandes économies de l’UE, les chiffres se rapprochent de la moyenne européenne. En 2011, le manque à gagner de TVA a représenté près de 2,3 % du PIB de l'Italie, 1,6 % de celui de la France et 1 % du PIB allemand.  La Suède et Malte présentent les meilleurs résultats avec  un manque à gagner respectif de 0,2 % et 0,3 % de leur PIB. Avec un trou de 932 millions d’euros, la Suède ne comptabilise qu’une perte de 2 % par rapport aux recettes TVA attendues en 2011, Malte, avec 21 millions d’euros de manque à gagner, n’en compte que 4 %.

Quant au Luxembourg, le manque à gagner en recettes de TVA en 2011 se chiffrait à 1,3 % de son PIB, selon l’étude.

Pour ce qui est de l’évolution du manque à gagner, certains des pays les plus touchés par la crise sont les premières victimes. C’est en Grèce (de 3 % à 4,7 % du PIB), en Espagne (de 0,8 % à 1,4 %) et au Portugal (de 0,8 % à 1,4 %) que l’écart a le plus augmenté par rapport à la période de référence (2000-2011). Certains pays comme l’Allemagne (1 % du PIB) et le Danemark (1,1 %) restent en revanche stables, tandis que d’autres, dont la Suède (de 0,4 % à 0,2 % du PIB), Malte (de 1 % à 0,3 %) et la Bulgarie (de 1,8 % à 1,6 %) ont réduit l’écart.

Réactions des capitales européennes

La publication de cette étude a provoqué des réactions des responsables politiques nationaux dans plusieurs capitales, dont Paris, Berlin et Rome, qui contestent sa méthodologie.

Dans son édition du 18 septembre 2013, le quotidien français Le Monde écrivait que ces capitales auraient même fait pression pour faire retarder de deux mois sa publication. Le porte-parole du commissaire Šemeta, a répondu que la méthodologie avait "été soumise aux Etats membres", Emer Traynor assurant par ailleurs du "sérieux" de l'étude.

La France notamment conteste le chiffre de 32 milliards de pertes TVA, le ministère des Finances ayant souligné selon l’AFP que les estimations réalisées par l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) se basent sur "des données beaucoup plus fines". Il a assuré que le chiffre de 10 milliards d'euros de pertes dus à la fraude à la TVA est plus proche de la réalité.

Face à ce constat, la Commission a émis plusieurs recommandations en vue d’améliorer la situation. Elle préconise notamment d'adopter "une position plus ferme contre la fraude, et une application plus rigoureuse au niveau national". "Les États membres devraient réformer leurs systèmes fiscaux nationaux dans le sens d’une simplification, d’une manière qui facilite le respect des règles, dissuade la fraude et l’évasion, et améliore l’efficacité de la perception de l’impôt". Elle prône en outre  l’élargissement de l'assiette via notamment une limitation des exonérations, exemptions et autres baisses d’impôts, la Commission ayant donné des orientations précises à cet égard avec ses recommandations par pays

Elle souhaite aussi que les Etats membres fassent un meilleur usage des outils à leur disposition. "De nouvelles mesures facilitant la facturation électronique et des dispositions particulières pour les petites entreprises sont entrées en vigueur au début de l’année, et un formulaire de déclaration de TVA standard pour l'ensemble de l’UE, sera proposé dans les semaines à venir. À partir du 1er janvier 2015, un guichet unique entrera en vigueur pour les services en ligne et les entreprises de télécommunication, qui encouragera le respect des règles en simplifiant beaucoup les procédures en matière de TVA pour les entreprises concernées et en leur permettant de déposer une déclaration unique pour leurs activités dans l’ensemble de l’UE", souligne encore la Commission.

Les données détaillées du Luxembourg

Les auteurs de l’étude notent quelques particularités luxembourgeoises. Ainsi le pays serait "unique en Europe car il reçoit d’importantes recettes de TVA de firmes actives dans le commerce électronique et qui s’y sont installées pour les faibles taux de TVA pratiqués".

Le Luxembourg a en effet le taux de TVA standard le plus bas de l’UE (avec 15 %), précisent les auteurs, qui notent encore que la part de la consommation domestique dans les recettes prévisionnelles de TVA est, avec 42 %, la plus basse parmi les 26 pays étudiés pour la période de référence (2000 – 2011). Un phénomène que l’étude explique par un traitement favorable des ménages au travers de taux réduits, d’exemption, mais aussi de la contribution exceptionnelle du secteur financier dans le pays et de l’impact des revenus de l’e-commerce. La consommation intermédiaire des entreprises représente pour sa part quelque 26 % des recettes potentielles de TVA sur la période de référence, alors que la formation brute de capital fixe (les investissements) compte pour 12 %.

Les auteurs de l’étude ont également calculé un facteur d’ajustement en matière des recettes de TVA qui auraient effectivement dû être perçues par les autorités au Luxembourg, au vu de la situation particulière du pays. Le phénomène du « tourisme à la pompe ainsi que les biens et services consommés par les non-résidents (notamment  près de 150 000 frontaliers venant chaque jour travailler au Luxembourg) génèrent en effet de la TVA, qui n’est cependant pas comptabilisée comme telle. L’ajustement ainsi calculé atteignait en moyenne quelque 18 % des recettes de TVA attendues pour la période de référence.