L'Irlande et l'Espagne devraient toutes deux sortir prochainement de leurs programmes respectifs d'aide alloués au plus fort de la crise de l'euro, ont estimé à l’issue de la réunion de l’Eurogroupe son président, le ministre des Finances des Pays-Bas, Jeroen Dijsselbloem, et le commissaire européen en charge des affaires économiques, Olli Rehn. Réunis à Luxembourg, les ministres des Finances de la zone euro se sont penchés le 14 octobre 2013 sur la situation dans les pays sous programme d'assistance. Dans le cadre de l’Union bancaire à venir, ils ont évoqué les stress-tests pour les banques qui auront lieu début 2014, avant la mise en œuvre du système de surveillance unique, et le mécanisme de résolution unique pour les banques défaillantes. Aucune décision n'était attendue à l’issue de la réunion.
Le Premier ministre irlandais Enda Kenny, avait confirmé en amont que son pays devrait, après le versement d’une dernière tranche de 2,3 milliards d’aide de l’UE et 0,8 milliards du FMI, sortir à la mi-décembre du plan de sauvetage de 85 milliards d'euros de l’UE et du Fonds monétaire international (FMI). L’Irlande deviendrait ainsi le premier de la zone euro sous assistance à s'affranchir de l'aide de ses partenaires.
L'Espagne, où les exportations sont en forte hausse, pourrait, elle aussi, en finir avec son plan d'aide alloué mi-2012 et qui concerne uniquement son secteur bancaire. L’Espagne dispose depuis d’une ligne de crédit pouvant aller jusqu'à 100 milliards d'euros, dont 41 milliards ont été utilisés. Une décision sur la prolongation du programme sera prise le 15 novembre 2013.
Comme l’ont expliqué le président de l’Eurogroupe et le commissaire européen, même si les deux pays sortent de leurs programmes d'aide, ils pourraient toutefois avoir encore besoin de soutien pour ménager cette transition, et, dans le cas de l'Irlande, pour revenir en douceur sur les marchés. Un tel soutien pourrait prendre la forme d'une ligne de crédit préventive auprès du Mécanisme européen de stabilité (MES) et de la BCE au titre du programme 'OMT' de rachat de dette souveraine. Il permettrait aux deux pays de rassurer les marchés au moment où ils s'apprêtent à retrouver leur autonomie financière totale et d'éviter toute mauvaise surprise qui serait liée à un refinancement difficile, à une reprise économique moins ferme que prévu ou à un nouveau risque de contagion de la crise de la dette, venant par exemple de Slovénie.
Comme le rapporte l’Agence Europe, l’Irlande va présenter le 15 octobre 2013 son projet de budget 2014 et entamer une négociation sur la meilleure stratégie de sortie lors de l'ultime mission de la troïka (Commission européenne, FMI, BCE) à Dublin. En prévision d'une sortie de programme, le trésor irlandais a levé un coussin de 20 milliards d'euros afin de parer à toute éventualité. Il y a ici encore une divergence entre l’Irlande et ses créanciers. Ceux-ci demandent à l'Irlande de maintenir les mesures d'austérité inscrites dans son programme, alors que le gouvernement irlandais pense être capable d’atteindre l’objectif budgétaire fixé – un déficit de 5,1 % du PIB – en atténuant ces mesures. La croissance en Irlande a repris, avec des exportations résilientes, selon le commissaire Rehn, et un retour de la demande intérieure.
La zone euro se penchera en décembre 2013 sur les moyens de combler le trou de financement dans le programme d'aide dont bénéficie actuellement la Grèce, a fait savoir le président de l'Eurogroupe lors de la conférence de presse. « Il est trop tôt pour dire si nous allons clore le débat en décembre ou en janvier", a-t-il ajouté. L'analyse des besoins financiers de la Grèce après 2014 sera faite en 2014.
Depuis le début de la crise de la dette en 2010, la Grèce a bénéficié d'environ 250 milliards d'euros grâce à deux programmes de prêts successifs. Le deuxième plan s'étend jusqu'à l'été 2014 côté européen. Les créanciers de la Grèce (UE, BCE, FMI) ont déjà évoqué un trou financier concernant les besoins de remboursement d'emprunts d'Etat, évalués à 10,9 milliards d'euros d'ici à 2015, dont 4,4 milliards en 2014. D'autres besoins pourraient apparaître pour la période 2015-2016. Dans ce contexte, le président de l’Eurogroupe a réitéré son opposition à tout allègement de la dette grecque ("haircut"). Reste que la Grèce est sur la bonne voie pour enregistrer pour la première fois en 2013 un excédent budgétaire hors service de la dette, et Jeroen Dijsselbloem a loué l’ouverture des secteurs professionnels fermés et les exportations en hausse.
Le Portugal, est quant à lui susceptible de sortir du programme d’aide au cours de l’année 2014. Là aussi, Jeroen Dijsselbloem a évoqué de grands progrès en termes de compétitivité, même si des problèmes à long terme continuent à subsister et que l’UE insiste pour que la politique de consolidation budgétaire, très contestée au Portugal, continue. Le Portugal se verra verser dans les prochaines semaines une nouvelle tranche de l’aide de l’ordre de 3,7 milliards d’euros de la part de l’UE et de 1,9 milliards de la part du FMI.
Olli Rehn a par ailleurs rappelé que les banques de la zone euro allaient bientôt subir un passage en revue de la qualité de leurs actifs. Cet exercice sera réalisé début 2014 par la BCE, avant l'entrée en vigueur du superviseur bancaire unique. Il permettra éventuellement de détecter de nouveaux problèmes dans le secteur bancaire et de nouveaux besoins de recapitalisation. Cette recapitalisation devrait se faire dans un ordre bien clair, qui tient à la fois compte de la nécessité de protéger les citoyens qui paient l’impôt et de garantir la stabilité financière. Les banques devraient d’abord s’adresser à leurs actionnaires et créanciers et au secteur public, ensuite ce serait l’argent public de l’Etat membre qui devrait être sollicité, et seulement en dernier ressort le MES. Cette question devrait par ailleurs être encore une fois évoquée au Conseil ECOFIN avec les Etats membres non membres de la zone euro. Olli Rehn a encore ajouté qu’en vertu des règles budgétaires de l’UE, l’argent public injecté dans la recapitalisation des banques selon ces règles ne serait pas pris en considération dans le cadre de la procédure pour déficits excessifs.
Le mécanisme de résolution unique proposé en juillet 2013 par la Commission a lui aussi été évoqué, et notamment le fonds de résolution qui permettrait, sans préjudice d’une supervision plus stricte, de procéder efficacement à la résolution d’une banque en difficulté, de manière à en minimiser le coût pour le contribuable et pour l’économie réelle. La discussion tourne autour de deux options : un fonds national ou un fonds unique. Ce fonds serait alimenté par le secteur financier, et comme Jeroen Dijsselbloem l’a dit, cela pourrait prendre un certain temps avant que ce fonds ne soit de disponibilités adéquates. Le MES pourrait ici servir de manne transitoire.
En marge de la rencontre des ministre des Finances, le 15 octobre, le ministre des Finances Luc Frieden a eu une entrevue avec Michel Barnier, commissaire en charge du marché intérieur et des services, pour discuter de l'Union bancaire.
Lors de cette entrevue, Luc Frieden a rappelé les points saillants de la position luxembourgeoise quant à la mise en œuvre d'une Union bancaire qui doit reposer sur trois piliers, à savoir un mécanisme de supervision unique, un mécanisme de résolution ainsi qu'un mécanisme de garantie de dépôt. À l'heure actuelle, les négociations concernent la mise en place d'une résolution unique dont les contours exacts ne sont pas encore définis. Dans ce contexte, le Luxembourg plaide pour la création d'un fonds de résolution unique, soutenant ainsi la proposition soumise par la Commission européenne.
Luc Frieden a par ailleurs sensibilisé le commissaire à la gouvernance de la résolution en mettant en avant l'importance d'une solution pan-européenne dans la composition des organes de décision. Luc Frieden a en effet mis en garde contre un modèle de gouvernance qui reflète les intérêts nationaux des États membres au détriment d'une approche réellement européenne, inspirée par le marché intérieur, dans la mise en œuvre de l'Union bancaire.