Les coordinateurs des groupes politiques de la commission des affaires économiques et monétaires (ECON) du Parlement européen ont décidé, le 28 octobre 2013, de rédiger un rapport sur le travail mené par la "troïka" - Commission européenne, Banque centrale européenne (BCE) et Fonds monétaire international (FMI) - dans les pays sous assistance financière, à savoir la Grèce, le Portugal, l'Irlande et Chypre.
L’un des eurodéputés à l’origine de l’initiative, le Vert allemand Sven Giegold, a jugé que malgré le rôle très important de la troïka, dont les experts négocient les plans d’aide, dans la gestion de la crise de l'euro, "la plupart du travail a eu lieu derrière des portes closes, d'une manière opaque". Celui-ci a d’ailleurs rappelé que le Parlement avait à de multiples reprises reproché le manque de contrôle démocratique parlementaire sur les décisions prises par la triple institution.
L’eurodéputé Vert a par ailleurs estimé que les plans de la troïka avaient jusqu’à présent échoué dans tous les pays concernés: "La contraction de l'économie était plus dramatique, l'augmentation du chômage plus forte et les dettes souveraines bien plus élevées que prévu dans les premiers programmes de la troïka", a-t-il déclaré. "Pour ces raisons de nombreux citoyens européens attendent du Parlement européen qu’il découvre ce qui a conduit à des résultats aussi alarmants." Et d'ajouter qu’il serait crucial que le rapport soit particulièrement attentif aux cas où il y aurait eu violation de la loi ou une mauvaise application de la législation.
De son côté, le PPE a réagi en publiant un communiqué le 30 octobre assurant qu’il s’agirait bien "d’une évaluation et non d’une condamnation" du travail de la troïka, selon les mots de l'Autrichien Othmar Karas, qui dirigera l’enquête parlementaire de manière conjointe avec le socialiste français Liem Hong Ngoc. Selon l’Agence Europe, tous deux seraient épaulés par les Belges Philppe Lamberts (Verts/ALE) et Derk Van Eppink (CRE) en tant que rapporteurs fictifs.
"L'objectif est d’émettre une proposition constructive pour augmenter la transparence, la légitimité démocratique et le pouvoir de contrôle du Parlement", a poursuivi Othmar Karas, qui souligne que le rapport devrait permettre de proposer un nouveau mode de fonctionnement de la troïka. "Il doit être clair que ce n'est pas l'endroit pour accusations populistes et idéologiques. La troïka doit être maintenue hors du champ de la politique partisane." Selon l’eurodéputé PPE, "le problème avec la troïka est qu’il s'agit essentiellement d’une solution provisoire, parce que c'est un instrument de collaboration des pays donateurs qui est totalement en dehors des structures de l'UE. La troïka doit devenir un instrument communautaire qui est responsable devant le Parlement européen ", a-t-il insisté.
Selon le futur rapporteur, c'est avant tout "la façon dont les émissaires des bailleurs de fonds imposent des mesures de réforme et d'austérité [qui] n'est jusqu'à présent pas claire. Il n’est pas possible que toutes les décisions soient prises par des fonctionnaires seuls. Si le Parlement européen avait été plus impliqués dans les décisions, le salaire minimum en Grèce n'aurait probablement pas été diminué", a encore ajouté l’eurodéputé.
Interrogée sur cette initiative, la Commission européenne a de son côté déclaré que "comme d'habitude, elle contribuera à la préparation du rapport et apportera toute l'aide nécessaire" au Parlement européen, rapporte l’Agence Europe, qui précise que la BCE n’a pour sa part pas souhaité commenter.
Le rapport sera basé sur une série d’auditions et d’études techniques portant sur le travail mené par la troïka jusqu’ici, la structure précise du rapport faisant encore l’objet de discussions entre les groupes politiques du Parlement a assuré Sven Giegold. La conférence des présidents du Parlement européen, qui se déroulera la première semaine de novembre, devra également encore marquer son accord.
Selon Othmar Karas , la commission ECON du Parlement européen souhaiterait commencer à travailler sur ce rapport lors de sa réunion du 5 novembre 2013, une première série d'auditions publiques étant annoncée à cette date, notamment de l'économiste belge Paul Jorion, sur les "réussites et les échecs dans les pays en crise". Ces auditions devraient être suivies d'un atelier de travail sur le même sujet entre les membres de la commission ECON et les représentants de la troïka. Le rapport final devrait être achevé avant les élections européennes de 2014.