Dublin accueillait les 12 et 13 avril 2013 les ministres des Finances de l’UE à l’occasion de réunions informelles de l’Eurogroupe et de l’Ecofin. Le ministre des Finances, Luc Frieden, a participé au nom du Luxembourg à ces réunions organisées par la présidence irlandaise du Conseil de l’UE.
Un des principaux sujets à l’ordre du jour fut Chypre. En effet, après l’accord finalement trouvé le 25 mars 2013 sur un plan d’aide à hauteur de 10 milliards d’euros, un accord a pu être trouvé entre les autorités chypriotes les institutions de la troïka sur le plan d’ajustement qui va conditionner cette aide financière. Un accord salué par les ministres des Finances de la zone euro qui estiment qu’il est"entièrement en ligne avec les paramètres et principaux objectifs fixés par l’Eurogroupe le 25 mars 2013".
Dans la déclaration qu’ils ont adopté, les ministres des Finances de la zone euro notent aussi avec satisfaction que les autorités chypriotes ont mis en œuvre les mesures de résolution bancaire, de restructuration et de recapitalisation nécessaires pour faire face à la situation fragile et unique du secteur financier chypriote.
Les ministres saluent aussi les progrès observés dans l’audit des mesures anti-blanchiment, ainsi que le fait que le programme d’ajustement prévoit de renforcer ces mesures en suivant les recommandations du rapport d’audit.
Résultat, l’Eurogroupe considère qu’il est maintenant possible de lancer les procédures nationales requises pour l’approbation formelle de l’assistance financière qui va être octroyée à Chypre dans le cadre de l’ESM. Les ministres ont par ailleurs noté que le conseil d’administration du FMI devrait se prononcer début mai sur une aide financière à hauteur de 1 milliard d’euros, ce qui fait que l’aide mobilisée par l’ESM devrait donc s’élever à 9 milliards. Restera à voir l’issue des négociations entre les autorités chypriotes et russes sur la restructuration du plan octroyé à Chypre par la Fédération de Russie.
En principe, le conseil des gouverneurs de l’ESM devrait pouvoir adopter formellement l’accord sur l’aide financière à Chypre d’ici au 24 avril 2013, si les procédures nationales ont abouti d’ici là. Le premier versement devrait par conséquent se faire aux alentours de la mi-mai, au moment où le rapport sur la lutte anti-blanchiment devrait être terminé.
La question de l’aide à Chypre avait suscité une certaine émotion et agitation dans les médias en amont de cet Eurogroupe informel puisque le gouvernement avait annoncé dans la soirée du 11 avril 2013 que les besoins de financement de l’île s’élèveraient à 23 milliards d’euros, alors que le chiffre dont il avait été jusque là question était de 17 milliards. Or, avant même que ne commence la réunion des ministres des Finances, le message était très clair : il n’était pas question d’augmenter le montant de l’aide de 10 milliards d’euros que va recevoir Chypre.
Luc Frieden s’était exprimé à ce sujet dans un entretien diffusé sur les ondes de la RBB Inforadio dans la matinée du 12 avril, avant le début de la réunion. "Nous ne pouvons pas aller au-delà", disait Luc Frieden qui disait croire que "Chypre serait en mesure de trouver l’argent nécessaire par la restructuration de ses banques et quelques autres petites mesures".
Le montant de l’aide va rester tel qu’il a été prévu le 25 mars, ainsi que cela a été clairement confirmé à l’issue de l’Eurogroupe du 12 avril.
Le commissaire en charge des Affaires économiques et monétaires, Olli Rehn, a tenu à faire une clarification au sujet des chiffres qui avaient suscité une certaine inquiétude. "On compare là des chiffres qui ne sont pas comparables", a-t-il expliqué à la presse, les 17 milliards représentant une évaluation, par ailleurs déjà ancienne, des besoins nets de financement, tandis que les 23 milliards, qui ressortent d’un calcul tout récent, représentent les besoins bruts de financement de l’île, auxquels s'ajoute "un matelas financier pour faire face à des évolutions budgétaires inattendues et aux besoins du secteur bancaire".
La contribution de Chypre à ses besoins de refinancement proviendra essentiellement de la restructuration du secteur bancaire et de la taxation des déposants au-delà de 100 000 euros, une mesure qui devrait rapporter plus de 10 milliards d’euros. Aucune ponction supplémentaire n'est prévue sur les dépôts bancaires chypriotes, a assuré le porte-parole du gouvernement, Christos Stylianides. "L'évaluation de la Commission européenne n'indique en aucune manière qu'une recapitalisation de facto va être imposée aux banques ou de nouvelles charges aux déposants", a-t-il expliqué. Les autorités chypriotes devraient par ailleurs mettre en œuvre des privatisations à hauteur d’un milliard d'euros. Il serait aussi question d’augmenter les impôts et de vendre une partie des réserves d’or.
Luc Frieden avait exprimé au micro de Sabine Beckmann sa compassion à l’égard de Chypre, qui va devoir faire des efforts considérables dans les prochains mois. "Cela sera très, très difficile pour Chypre", reconnaissait en effet le ministre luxembourgeois dans la matinée du 12 avril. Le constat de Jeroen Dijsselbloem à l’issue de l’Eurogroupe informel, quelques heures plus tard, n’était pas bien différent. "Chypre va sans aucun doute connaître des temps difficiles", a-t-il en effet confié. Olli Rehn a pour sa part souligné la difficulté qu’il y a à faire des prévisions économiques sur Chypre. La troïka est actuellement en train de revoir les estimations de croissance de l’île, mais le commissaire a évoqué un recul PIB chypriote en 2013 et 2014 qui pourrait aller jusqu’à 12 à 15 % du PIB.
La Commission européenne s’est toutefois engagée à soutenir Chypre, non pas par le biais d’une aide financière supplémentaire, comme cela a pu être interprété à tort, mais par le biais d'un soutien accru de la "task force" de la Commission à Chypre, l’idée étant de mieux utiliser les fonds structurels européens.
Les ministres des Finances de la zone euro ont ensuite fait le point sur la mise en œuvre des programmes d’ajustement en Grèce, en Irlande et au Portugal, ce qui fut notamment l’occasion d’aborder la question du réajustement de la maturité des prêts octroyés à l’Irlande et au Portugal dans le cadre de leurs plans d’aide respectifs. Les deux pays respectent, dans l’ensemble et malgré un contexte macroéconomique difficile, leurs programmes d’ajustement respectifs, ont pu constater les ministres. Par ailleurs, ils se sont vus assurés par les autorités portugaises qu’elles s’engageaient à prendre au plus vite les mesures législatives qui vont compenser le rejet par la Cour constitutionnelle portugaise d’un certain nombre d’éléments du budget 2013 et qu’elles allaient par ailleurs préciser leur stratégie budgétaire à moyen terme.
Les ministres des Finances de la zone euro se sont donc entendus sur le principe d’un allongement de la maturité moyenne des prêts octroyés par le biais de l’EFSF et de l’ESM à ces deux pays de façon à soutenir leurs efforts visant à regagner un plein accès aux marchés. Un accord qui a été confirmé dans l’après-midi par les ministres des Finances de l’UE et qui doit être soumis maintenant aux procédures nationales pour être confirmé.
Les ministres ont aussi fait le point sur les avancées faites en vue de mettre en place une union bancaire, à commencer par le mécanisme de supervision unique (MSU) sur lequel un accord de principe avait pu être dégagé en trilogue en mars dernier. Il s’agit en effet, après cette première étape, d’avancer sur la proposition de directive sur la résolution bancaire ainsi que sur le projet de doter l’ESM d’un instrument de recapitalisation directe des banques, deux sujets sur lesquels les ministres ont continué leurs discussions. L’instrument de recapitalisation des banques devrait pouvoir faire l’objet d’un accord en juin prochain, ainsi que l’ont rappelé Olli Rehn et Jeroen Dijsselbloem. Quant à la mise en place d’un mécanisme de résolution, Michel Barnier, commissaire européen en charge du Marché intérieur, a fait part de son espoir d’aboutir à un accord au mois de juin 2013.
Luc Frieden a exhorté ses collègues à ne pas donner l’impression qu’on était en train de faire marche arrière par rapports aux engagements pris au niveau des chefs d’Etat et de gouvernement sur la mise en place d’une union bancaire. "Il est urgent de faire des progrès sur les directives "résolution bancaire" et "systèmes de garanties des dépôts" ainsi que sur le mécanisme de résolution unique et la recapitalisation directe des banques par le Mécanisme européen de stabilité", estime le ministre luxembourgeois qui a insisté sur la cohérence de l'architecture dans son ensemble, à savoir à assurer que les trois piliers de l'union bancaire qui couvrent la supervision, la garantie des dépôts et la résolution, ne soient pas dissociés et traités de manière asymétrique. L'intégration financière doit se faire de manière équilibrée et sereine afin de consolider la confiance des investisseurs, argue en effet Luc Frieden.
La matinée du 13 avril 2013 a essentiellement été consacrée aux options de financement de la croissance. Il a été question de lutte contre l’évasion fiscale, un sujet que le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, entend mettre à l’ordre du jour du Conseil européen du 22 mai prochain. A Dublin, le commissaire en charge des questions de fiscalité, Algirdas Semeta, qui a rappelé que les sommes en jeu sont de l’ordre de 1000 milliards d’euros chaque année, s’est félicité de "l’appétit" dont ont fait preuve les Etats membres pour lutter contre l’évasion fiscale.
Le commissaire s’est fait l’écho de la volonté d’une mise en œuvre rapide des nouvelles règles en matière de coopération administrative et de transparence.
Algirdas Semeta a aussi annoncé à l’issue de la réunion que les ministres des Finances souhaitaient un accord rapide sur la directive sur la fiscalité de l’épargne ainsi que sur les mandats que la Commission attend pour pouvoir négocier dans ce cadre avec des pays tiers comme la Suisse ou le Liechtenstein. Il s’attend à ce qu’un accord puisse être finalisé dans les prochaines semaines.
Ces discussions font suite à la décision annoncée quelques jours auparavant par le gouvernement luxembourgeois d’appliquer, à compter du 1er janvier 2015, l’échange automatique d’informations dans le cadre de la directive sur la fiscalité de l’épargne, c'est-à-dire sur les revenus de l’épargne des personnes résidant dans un pays de l’UE autre que le Luxembourg.
Dans ce contexte, Luc Frieden a plaidé à Dublin pour que "l’échange automatique devienne le standard international au G20", ce qui n’est pas le cas à l’heure actuelle. Il a donc appelé les pays membres de l’UE qui sont représentés au G20 à agir dans ce sens. Son souci est en effet que les places financières européennes, parmi lesquelles bien sûr le Luxembourg, appliquent les normes internationales de façon à ne pas perdre la compétitivité dont l’UE a besoin pour retrouver la croissance.
Le dossier de la fiscalité de l’épargne était jusqu’ici bloqué par l’Autriche et le Luxembourg, et, au lendemain de ces deux réunions informelles, le commissaire Semeta, qui a accordé un entretien au Spiegel, a appelé l’Autriche à ne pas rester isolée sur le terrain de la fiscalité de l’épargne. Il espère en effet que les autorités autrichiennes "vont suivre" après l’annonce du Luxembourg.