L’eurodéputé luxembourgeois Georges Bach (PPE) a rédigé une prise de position, publiée dans le Luxemburger Wort du 26 novembre 2013, au sujet du 4e Paquet ferroviaire, présenté le 30 janvier 2013 par la Commission européenne. Le 4e paquet ferroviaire révise trois directives et deux règlements, rappelle l’eurodéputé. Il intervient à la suite de la séparation des infrastructures et de la prestation du service de transport (1er Paquet ferroviaire), la libéralisation complète du transport de marchandises, depuis janvier 2007, la création d’une agence européenne du rail et la fixation d’objectifs communs de sécurité (2e Paquet), la libéralisation du transport international de voyageurs, entrée en vigueur le 1er janvier 2010, la certification européenne des pilotes et un cadre commun pour les concessions (3e Paquet) ainsi que la refonte, en 2012, de trois directives reprises en une seule, baptisée "Recast", qui visait au renforcement de la concurrence.
Or, malgré les trois paquets et Recast, "subsiste aujourd’hui comme hier un patchwork de systèmes et de règles régionales", explique Georges Bach, en donnant l’exemple des critères d’autorisation, des règles d’exploitation et des systèmes d’aiguillage. Le 4e Paquet ferroviaire ne vise toutefois pas seulement une harmonisation plus poussée. Il doit opérer "une séparation entre l’infrastructure et l’exploitation, prévoit l’ouverture des marchés nationaux de transport d’ici 2019, l’obligation de lancer des appels d’offres pour les contrats de service public de transport ferroviaire, l’extension des compétences de l’Agence européenne du rail, ainsi que la refonte de la directive sur la sécurité et une amélioration de l’interopérabilité", résume Georges Bach.
La Commission entend, avec son projet, "donner une impulsion aux chemins de fer et rediriger davantage de trafic de la route vers le rail". Dans un premier temps, Georges Bach est d’accord pour dire que ces objectifs ne peuvent être approchés qu’en avançant sur certains points qui "sont de la plus grande urgence". D’abord, il faut œuvrer au renforcement de l‘infrastructure, et, en la matière, les Réseaux transeuropéens, multimodaux, sont d’une "grande importance", dit l’eurodéputé. Ensuite, en raison de la hausse continue de la circulation transfrontalière, "une plus grande attention doit être portée à l’interopérabilité". Là le plan pour la mise en place du système de sécurité et de signalisation ERTMS doit être prêt. Enfin, au vu du nouveau processus d’agrément qui est "très compliqué et onéreux" pour les fabricants intervenant dans le secteur ferroviaire, "durant les négociations, il faut le plus vite possible trouver un accord sur le pilier technologique".
Pour ce qui est de l’Agence européenne du rail, sa mission la plus utile et la plus compliquée serait "d’atteindre une simplification et une harmonisation des règles et normes" et "aménager un guichet unique", qui a pour but de délivrer une attestation de sécurité pour l’ensemble du réseau européen.
Georges Bach rappelle que, "dans sa forme actuelle, le système de transport européen (…) n’est à long terme pas durable et donc pas tenable". A système inchangé, au lieu de reculer, les émissions de CO2 passeront au-dessus de leur niveau de 1990. Néanmoins, il doute que cela puisse être atteint par les autres mesures-phares incluses dans le 4e Paquet ferroviaire, qui sont, elles, beaucoup plus contestées. "A travers la libéralisation complète, l’interdiction de l’attribution directe de contrats publics, ainsi que la séparation complète de l’infrastructure et de l’exploitation, la Commission espère un potentiel d’épargne de 30 %, une hausse du nombre de passagers ainsi qu’une amélioration de la qualité. A mes yeux, cela n’arrivera pas", dit-il.
Au contraire, à travers la séparation complète entre infrastructure et exploitation, "l’effort administratif à fournir dans les petits Etats membres et dans les PME sera énorme". L’efficacité ne sera ainsi pas améliorée par cette séparation. Par contre, "le transport de passagers deviendra, comme de nombreuses études le démontrent, simplement et uniquement bien plus cher", faisant se profiler, à l’avenir, "une concentration du marché plus élevée". A moyen voire à long terme, subsiste le danger, qu’à travers ces mesures, les PME publiques actives dans le secteur ferroviaire seront "évincées ou accaparées" et "seules quelques-unes, opérant à l’international, subsisteront", affirme l’eurodéputé.
Georges Bach entend encore empêcher cette évolution, en proposant avec quelques-uns de ses collèges du Parlement européen, que la structure des sociétés de chemin de fer soit adaptée à chaque situation. Ils se sont choisis pour leitmotiv : "No size fits all" (Pas de modèle unique pour tous). "Savoir si nous obtiendrons une majorité en commission avec cette proposition n’est pour l’heure pas prévisible", prévient-il.
Il fait savoir qu’il défendra également le point de vue de plusieurs Parlements nationaux, dont la Chambre des députés luxembourgeoise, ainsi que la Fédération européenne des transports (ETF), afin que, dans la révision du règlement 1370/2007, le choix entre l’attribution directe des contrats publics et leur attribution par appel d’offres perdure. Dans le cas où le choix ne serait pas laissé aux Etats membres, comme c’est déjà le cas actuellement dans quelques pays, "les employés doivent être protégés et il ne doit pas y avoir de dumping social", prévient Georges Bach. Ainsi, "la prise de position de la commission sociale et emploi, dont je suis rapporteur fictif, sera importante", dit-il. Comme rapporteur fictif de la refonte de la directive sur la sécurité des chemins de fer, "il me tenait particulièrement à cœur, de maintenir une culture de la sécurité des chemins de fer exigeante et d’introduire en plus des aspects sociaux", confie l’eurodéputé qui rappelle que "les récents accidents en France, Suisse et Espagne ont à ce sujet suscité de nombreuses préoccupations".
"Toutes ces modifications, d’après moi, renchériront le transport public par rail, au contraire des déclarations de la Commission, et ce renchérissement aura à un son tour une influence négative", dit encore Georges Bach.
Enfin, à la fin de son texte, l’eurodéputé CSV rend attentif aux conséquences que pourraient avoir le projet de la Commission européenne au niveau national et notamment les répercussions sur les Chemins de fer luxembourgeois. Bien qu’ils aient subi le découplement du transport de fret, avec la création de CFL-Cargo et que de moins bonnes conditions de travail et de salaires durent être acceptés par les employés, les CFL, en 2005, à l’occasion du 2e Paquet ferroviaire, "ont pu être conservés comme entreprise intégrée". Ses "fonctions essentielles" durent aussi, pour des raisons de neutralité, être externalisées, ce qui conduisit à la fondation de l’ACF, l’agence nationale.
Mais, à l’aube du 4e Paquet ferroviaire, son avenir semble paraître plus menacé qu’autrefois aux yeux de l’eurodéputé. "Les CFL doivent-ils à nouveau vivre un changement structurel profond ? Si oui, sous forme d’une holding ou d’une séparation complète tel que le propose la Commission ? Arrivera-t-on, comme proposé à partir de 2019 (sinon 2022 pour les contrats existants), à un devoir d’inscription des contrats publics au niveau européen ?", s’interroge-t-il.
"En plus des dépenses élevées actuelles, les coûts s’élèveraient de nouveau en raison du changement de structure de la société", dit Georges Bach, qui se demande également quelles seront les conséquences de l’extension des compétences de l’Agence européenne du rail sur les missions de l’Agence nationale du rail.