Les ministres européens du Travail et de l’Emploi ont réussi le 9 décembre 2013 à se mettre d'accord sur la proposition relative à l'exécution de la directive (96/71/CE) concernant le détachement de travailleurs.
Un compromis a d’abord été trouvé sur les mesures de contrôle nationales et les exigences administratives (article 9). Des contrôles seront possibles pour vérifier si les employeurs de travailleurs détachés respectent les obligations qui découlent de la directive par rapport aux heures de travail, la santé au travail, le salaire minimum, etc. Une liste de mesures de contrôle sera établie, censées être justifiées, proportionnées et en accord avec la législation de l’UE. De nouvelles mesures de contrôle pourront être introduites selon les mêmes règles, qui devront être rendues publiques sur Internet à l’attention des fournisseurs de services de travailleurs détachés et qui seront vérifiées par la Commission. Bref, le principe de la "liste ouverte" est passé.
Le compromis sur l’article 12, qui traite des mesures à prendre pour assurer le respect par les sous-traitants des conditions d'emploi en vue de mieux combattre les montages frauduleux et qui préconisait l’introduction du principe obligatoire de la responsabilité conjointe et solidaire, est le suivant : Les Etats membres qui le voudront pourront introduire ou continuer à appliquer sur une base volontaire le principe de la responsabilité solidaire et conjointe. Ils pourront donc tenir le donneur d’ordre du sous-traitant qui emploie les travailleurs détachés pour responsable à la place de ce sous-traitant du respect des droits de ces travailleurs, notamment en ce qui concerne le différentiel net entre le salaire net que ce sous-traitant leur verse et le salaire minimum en vigueur dans le pays du détachement. Les autres Etats membres mettront en place un système alternatif de sanctions du donneur d’ordre pour lutter contre la fraude et l’abus contre les droits des travailleurs détachés.
Le compromis a été possible grâce à la volte-face de la Pologne. Depuis des mois, deux groupes de pays se distinguaient sur ce dossier : ceux qui étaient favorables à plus de contrôles – France, Allemagne, Belgique, Luxembourg - et ceux qui craignaient pour la libre circulation des travailleurs et qui formaient une minorité de blocage. Finalement, sept pays ont voté contre le texte: le Royaume-Uni, la Hongrie, la République tchèque, la Lettonie, l'Estonie, la Slovaquie et Malte. La sortie de la Pologne de ce groupe a permis de faire sauter la minorité de blocage et d’adopter le texte.
Le ministre luxembourgeois du Travail et de l’Emploi, Nicolas Schmit, a expliqué à la presse, à l’issue de la réunion du Conseil, que le principe de la responsabilité conjointe et solidaire sera introduit au Luxembourg par une nouvelle loi et qu’un groupe de travail formé par les partenaires sociaux se penchera sur la question de la transposition de ces mesures dans la pratique.
La France a salué à travers son ministre du Travail, Michel Sapin, "un accord en tout point conforme à ce que voulait" Paris, très en pointe sur ce dossier. La France va également "mettre en œuvre les outils juridiques et les moyens humains permettant de lutter contre ces fraudes.", a-t-il promis.
Le texte va maintenant être examiné par le Parlement européen, dont le président Martin Schulz souhaite, dans un communiqué, qu’il puisse encore "aller plus loin". Martin Schulz espère même que la directive sera révisée, car "c'est un texte qui date et qui ne fait pas face aux défis d'aujourd'hui. Il est temps de reconnaitre que les droits fondamentaux des travailleurs sont aussi importants que le principe de libre circulation", pense-t-il. Le dossier pourrait être clôturé avant les élections européennes.
Pour la Confédération européenne des syndicats (CES), un élément essentiel est de garantir par la législation le droit des États membres à mettre en place toutes les mesures de contrôle qu’ils jugent nécessaires pour protéger les droits des travailleurs à des conditions justes et égales. "Malheureusement, l’accord auquel le Conseil est arrivé n’établit pas ce principe-clé avec toute la clarté juridique nécessaire. La liste des mesures de contrôle doit être ouverte", regrette la CES. Elle ajoute: "Dans n’importe quel pays, les entrepreneurs doivent être tenus pour responsables de la mise en œuvre, par leurs sous-traitants, des conditions prévues par la loi ou par les conventions collectives (responsabilité en chaîne). Même s’ils ne se limitent pas à ce seul domaine, les problèmes sont particulièrement graves dans le secteur de la construction. La CES continuera à exiger une responsabilité conjointe et solidaire couvrant tous les secteurs.
Bernadette Ségol, la secrétaire générale de la CES, a déclaré : "Malgré les efforts consentis par certains gouvernements pour prendre en compte nos exigences et progresser vers une Europe plus sociale, ce compromis ne répond pas à nos attentes : nos revendications restent sur la tablle. Dans les négociations qui s’annoncent, la CES se tournera vers le Parlement européen pour lever les ambiguïtés et assurer que des mécanismes soient mis en place afin que tous les travailleurs de l’UE jouissent de conditions de travail justes et égales. "
Le nombre de travailleurs détachés au sein de l'UE atteindrait 1,5 million aujourd'hui, selon les chiffres de la Commission. Un quart d’entre eux travaille dans le secteur de la construction.
Selon des chiffres publiés par le Tageblatt du 10 décembre 2013, le Luxembourg a reçu en 2009 25 042 travailleurs détachés, mais en a détaché 57 276, plus que la Belgique et l’Espagne.
Un rapport du Sénat français d’avril 2013 laisse entrevoir cette problématique. Le rapport cite le cas d’entreprises de travail temporaire luxembourgeoises "qui recrutent des travailleurs français qu’elles affilient au régime local avant de les mettre à disposition d’une société française (…). Ces sociétés n’ont, la plupart du temps, aucune activité réelle sur le territoire luxembourgeois et les intérimaires français n’ont, quant à eux, jamais travaillé dans le Grand-Duché." (p. 23)
Les ministres du Travail et de l’Emploi de l’UE ont approuvé à l'unanimité une recommandation qui les engage juridiquement à prendre des mesures effectives pour intégrer socialement les Roms par l'accès aux emplois, à l'éducation, au logement et aux soins de santé. Chaque État devra consacrer au moins 20 % des ressources qui lui sont allouées dans le cadre du Fonds Social Européen (FSE) à des actions en faveur de l'intégration des Roms. Le FSE a été doté de 75 milliards d'euros pour la période 2014-2020. La recommandation impose enfin des règles pour lutter contre la discrimination et impose que "les évacuations forcées soient menées en pleine conformité avec la législation européenne et les autres obligations internationales en matière de respect des droits de l'homme". Une première évaluation de la mise en œuvre des mesures adoptées sera menée pour avril 2014.
Les ministres européens du Travail se sont également mis d'accord pour créer un réseau formel, au niveau de l'UE, des services publics de l'emploi (SPE) auquel la participation sera volontaire sur base du principe de la coopération renforcée. Le Conseil et le Parlement européen peuvent dorénavant entrer en négociation, avec un accord espéré en février 2014.
L'accord prévoit que le réseau et ses initiatives seront financés par le volet PROGRESS du nouveau programme européen pour l'emploi et l'innovation sociale, qui dispose d’un budget de 550 millions d'euros pour les années 2014-2020. Les objectifs de ce réseau sont la création d’un processus d'apprentissage comparatif systématique, dynamique et intégré ; le suivi de la mise en œuvre des recommandations par pays et d'autres initiatives stratégiques, comme la garantie jeunesse ; la mise en place des initiatives communes visant à l'échange d'informations et des meilleures pratiques ; l’analyse comparative et le conseil.