Principaux portails publics  |     | 

Agriculture, Viticulture et Développement rural - Environnement - Santé
En l’absence de majorité qualifiée au Conseil Affaires générales, la Commission européenne devrait autoriser la culture du maïs transgénique TC 1507
11-02-2014


mais-ogm-ueLe 11 février 2014, le Conseil Affaires générales n’a pas réussi à réunir de majorité qualifiée au sujet de la proposition d’autorisation de la culture du maïs transgénique TC 1507. L’entreprise américaine Dupont Pioneer en avait fait la demande en 2001. Suite à un jugement du tribunal de l'UE rendu le 26 septembre 2013 dans l’affaire T-164/10, constatant que la Commission n’avait pas rempli ses obligations, cette dernière avait dû proposer cette autorisation le 6 novembre 2013. La jurisprudence de la CJUE impliquait par ailleurs que la demande d’autorisation soit traitée selon la procédure dite de comitologie, en vigueur au moment de la présentation de la requête. Ainsi, en l’absence de vote favorable ou défavorable du Conseil, la Commission européenne serait tenue de prononcer l’autorisation, tandis que seuls des nouveaux éléments, scientifiques notamment, pourrait relancer la procédure.

Avec 210 voix contre sur 352 possibles, le résultat du vote aurait été insuffisant pour empêcher l’autorisation

Le 16 janvier 2014, par une résolution non législative, le Parlement européen avait appelé le Conseil à rejeter la proposition d’autorisation de mise en culture du maïs génétiquement modifié Pioneer 1507. Il avait notamment mis en avant les menaces sur les papillons diurnes et nocturnes non cibles, en raison du pollen résistant aux insectes. De surcroît, ils faisaient remarquer que ce maïs est résistant à un herbicide, le glufosinate, qui ne sera plus autorisé après 2017 dans l’UE, en raison de sa toxicité pour la reproduction. Parmi les eurodéputés luxembourgeois, seuls deux d’entre eux seulement s’étaient prononcés en faveur de cette résolution, Charles Goerens (ALDE) et de Claude Turmes (Verts/ALE).

Ce 11 février 2014, les Etats membres opposés ont pu espérer jusqu’au dernier moment pouvoir réunir la majorité qualifiée de 260 sur 352 voix. Mais à l’issue du tour de table, il s’est avéré que, certes, dix-neuf Etats membres étaient désormais opposés à l’autorisation du maïs transgénique, mais que le nombre de voix dont ce groupe disposait n’y était pas.

La France, qui menait l’opposition à cette autorisation, s’est appuyé sur ce manque de légitimité des cultures OGM pour expliquer sa position. Une telle autorisation est "loin d’être acceptée par nos concitoyens européens" et par une "large majorité d’Etats membres", a fait remarquer le ministre français chargé des affaires européennes, Thierry Repentin. Ce dernier se réjouissait que des Etats membres, l’Irlande et la Roumanie notamment, aient finalement renoncé à s’abstenir pour rejoindre l’opposition. Néanmoins, cinq Etats membres ont manifesté, durant les débats, leur intention de voter pour l’autorisation (Royaume-Uni, Finlande, Suède, Estonie, Espagne). Et les voix des quatre Etats membres qui se sont abstenus, à savoir l'Allemagne (29 voix), la Belgique (12), le Portugal (12) et la République Tchèque (12), ont manqué. "Les Etats qui s'abstiendront voteront en faveur de l'autorisation", avait averti le commissaire chargé de la Santé, Tonio Borg.

L’abstention de l’Allemagne, décidée en raison de divergences entre ministères sur l’opportunité de l’autorisation et annoncée le 5 février 2014, a pesé de tout son poids dans la balance. L’Allemagne est allée à l’encontre de l’immense majorité de ses citoyens, 88 % selon le dernier sondage rendu public, hostiles à cette introduction de la culture d’OGM. Mais, alors que le ministère de l’Agriculture y était défavorable, le ministère allemand de la Recherche insistait pour le respect des six avis positifs rendus par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) depuis 2001, au sujet de l’autorisation de la culture du maïs TC 1507 dans l’UE, déjà autorisé par ailleurs pour l’alimentation humaine et animale.

Au Conseil, Jean Asselborn déplore un "cul-de-sac politique", auquel il pourrait être bientôt mis fin

conseil-mais-asselbornLe Luxembourg comptait parmi les dix-neuf Etats membres opposés à cette procédure d’autorisation. Dans sa courte intervention au Conseil, le ministre luxembourgeois des Affaires étrangères, Jean Asselborn, a rappelé l’attachement du Luxembourg  au principe de précaution. Il s’est par ailleurs réjoui de la poursuite des discussions sur la proposition de règlement sur la culture des OGM que le Luxembourg voit "d’un œil favorable". Jean Asselborn a formulé l’espoir que l’adoption de cette proposition constitue une "issue réelle à ce cul-de-sac politique".

Constatant que les opposants réuniraient plus de 200 voix et les favorables moins de 80, le Français Thierry Repentin dénonçait une situation politique "totalement inaudible, incompréhensible pour nos concitoyens" mais également dangereuse. "Je ne vois pas comment en sortant de cette salle nous pourrions justifier auprès de nos opinions publiques que nous avons quand même autorisé cette OGM" "en outre à quelques semaines des élections "périlleux pour l’image des institutions européennes et de l’Union elle-même". Finalement, le Conseil n’a pas soumis le texte au vote, afin de laisser encore à la Commission européenne, la possibilité de tenir compte de l’opposition de la grande majorité des Etats membres et retirer son texte.

Par ailleurs, Tonio Borg a, durant le Conseil, annoncé que les discussions sur la proposition de règlement sur la culture d’OGM allaient reprendre dans le courant de la semaine. Selon cette nouvelle procédure, un Etat membre pourrait empêcher sur son territoire une culture autorisée au niveau européen. "Si c’est un non, c’est un non pour tous. Si c’est un oui, ce ne sera pas oui pour tous", a résumé Tonio Borg, face au Conseil, en faisant savoir que vingt-cinq Etats membres étaient pour l’heure d’accord avec cette proposition de règlement.

En conférence de presse, le président du Conseil, le ministre grec des Affaires étrangères, Evangelos Venizelos, a espéré que la Commission européenne tiendra compte de la "volonté politique de la majeure partie du Conseil", quant au rejet de l’autorisation de culture du maïs TC 1507. Il a fait savoir que la présidence grecque du Conseil entendait organiser un débat à ce sujet au conseil Environnement et au conseil Agriculture.

Le collège des Commissaires doit désormais discuter des étapes à suivre. En conférence de presse, le commissaire européen Tonio Borg n’a pas précisé le calendrier, en fonction duquel le collège des commissaires allait se réunir pour valider la proposition d’autorisation de la culture du maïs TC 1507. Mais il a durant le Conseil et face aux journalistes, souligné que la Commission européenne allait s’exécuter. "Depuis treize ans, on ne peut pas dire que la Commission se presse", a-t-il d’abord ironisé, avant de juger qu’on ne peut refuser des avis de l’EFSA "pour des raisons politiques".