L’étiquetage (labelling) énergétique et l’écoconception, introduits dès 1992 pour la plupart des appareils électroménagers, sont depuis largement entrés dans le quotidien des Européens. S’ils semblent avoir fait leur preuve, leur efficacité pourrait pourtant être bien davantage exploitée. C’est là l’une des conclusions provisoires d’une étude confiée par la Commission européenne au bureau de consultance Ecofys chargé d’évaluer l'efficacité de la directive 2010/30/UE sur l'étiquetage énergétique ainsi que les aspects liés de la directive 2009/125/CE sur l'écoconception.
Dans un document publié le 31 janvier 2014, les auteurs de l’étude présentent en réalité une série de premiers résultats, à la veille de la troisième consultation publique sur le sujet qui se tiendra le 18 février 2014 à Bruxelles.
Cette consultation s’intègre dans le processus d’évaluation lancé en mai 2013 par la Commission qui est tenue, selon les termes de la directive sur l’étiquetage énergétique, de faire un rapport sur son efficacité au Parlement européen et au Conseil avant le 31 décembre 2014. Lors de la révision de la directive sur l’écoconception en décembre 2012, l’exécutif européen avait par ailleurs conclu que certains de ses aspects pourraient être réévalués dans le même temps. L’objectif est ainsi d'identifier les options et de formuler des recommandations pour préparer la révision du cadre juridique actuel.
À l'heure actuelle, les labels énergétiques vont de la couleur rouge au vert et sont classés de "D" à "A + + +" pour refléter le potentiel d'économie d'énergie d'un produit. Or, pour certaines gammes de produits comme les machines à laver, tous les modèles sont regroupés au sein de la catégorie "A" à "A + + +", ce qui est susceptible de générer de la confusion chez les consommateurs sur les performances réelles de ces machines, et inciterait peu les entreprises à améliorer leurs performances.
L’étude relève premièrement que l’efficacité des directives sur le labelling énergétique et l’écoconception est un fait, celles-ci permettant "de générer des économies substantielles d'une manière rentable", peut-on y lire. Les études d'impact réalisées ont montrés des gains potentiels de 400 à 460 TWh (térawatt heure) par an d'ici à 2020 en termes d’électricité par rapport à une politique inchangée et pour le chauffage jusqu’à 2 350 pétajoules (PJ). Ces volumes correspondraient à 13 % de la consommation d’électricité ainsi que de chaleur dans l'UE en 2020 à politique inchangée.
Atteindre le plein potentiel d'économies d’énergie induit par les directives dépendrait cependant fortement du niveau d’exigences des labels, relèvent les auteurs. Un niveau qui, de l’accord de la plupart des parties prenantes, aurait été bien trop faible pour de nombreux groupes de produits par rapport à ce qui était techniquement et économiquement faisable. La "longueur des processus d'élaboration des règles, qui rend souvent le travail technique et préparatoire réalisé en amont dépassé et favorise le lobbying" ainsi que la "réduction de l'efficacité des labels après l'introduction des classes A + et supérieurs", sont également considérés comme des entraves à l'efficacité du système d'étiquetage.
La pertinence des labels énergétiques actuels est d’ailleurs remise en question par l’étude qui considère que "l’échelle actuelle de l'étiquetage doit être révisée".
"Pour assurer à l’avenir la pertinence et l'efficacité de l'étiquetage énergétique comme un outil informatif de transformation du marché, la priorité est de réviser le barème actuel afin que les niveaux d'efficacité plus élevés puissent être communiqués", lit-on dans l’étude. Les auteurs font ainsi valoir que toute réforme nécessitera un changement de la base des classes énergétiques actuellement appliquées aux produits déjà soumis à l'étiquetage, et que dès lors, la classe de performance énergétique d'un produit donné devra nécessairement être adaptée.
L’étude recommande par ailleurs que la compréhension des consommateurs soit la préoccupation centrale de toute future réforme de l'étiquetage, la capacité du label à motiver les consommateurs à investir dans une plus grande efficacité ne devant pas non plus être négligée. Selon les auteurs qui s’appuient sur différentes analyses, l'échelle fermée A-G serait la plus facile à comprendre et la plus motivante pour les décisions d'investissement des consommateurs, ceux-ci la jugeant donc préférable à des échelles alternatives numériques et ouvertes ou à l'ajout de signes "plus" supplémentaires pour les classes supérieures.
La révision de l’échelle fermée est d’ailleurs l'option préférée des auteurs, qui proposent dans le document quatre concepts possibles pour la définition du nouveau label. Ceux-ci feront prochainement l'objet d’essais sur le terrain.
Parmi les recommandations, les auteurs conseillent également d’analyse l’impact de diverses améliorations potentielles: ajout sur l'étiquetage de la consommation d'énergie par cycle ou par année pour des produits qui ne sont pas utilisés en permanence; utilisation de la langue nationale pour clarifier certaines unités, icônes ou d'autres éléments; évaluation d’un certain nombre d'icônes jugées problématiques; mise en place de campagnes de sensibilisation…
En ce qui concerne les labels mêmes, il est recommandé que les échelles d'étiquetage couvrent la gamme de performance énergétique des appareils qui sont ou peuvent devenir actifs sur le marché, et ne présentent pas de classes vides au bas de l'échelle. Les classes supérieures devraient être fixées à un niveau qui favorise davantage l'innovation vers des produits plus efficaces. Les échelles d'étiquetage devraient d’ailleurs faire l’objet d’une attention particulière quant à l'endroit où est fixée la limite entre les classes verte et jaune, "ce seuil étant un facteur clé de différenciation pour inciter les consommateurs à acheter plus de produits économes en énergie", insistent encore les auteurs.
Le développement de labels utilisant des sous-échelles dans les échelles de performance énergétique n’est pas écarté par l’étude qui appelle à l’évaluer pour certains produits qui offrent un service commun, mais présentent des caractéristiques, notamment technologiques, distinctes. L’étude n’exclut pas non plus la possibilité d’afficher des informations supplémentaires (sur l'environnement, le cycle de vie et / ou le coût), mais elle suggère néanmoins de ne pas le faire à moins que des preuves suffisantes démontrent leur véracité et confirment qu'elles procurent un bénéfice net.
Les auteurs reconnaissent par ailleurs que les TIC offrent un potentiel intéressant pour transmettre des informations supplémentaires en la matière, et que le sujet devrait dès lors être davantage exploré et testé. Ainsi, les codes QR pourraient être ajoutés au label pour mener à des fiches en ligne fournissant des informations supplémentaires. L’étude souligne néanmoins qu’il est sans doute prématuré de tenir compte de ces options sans des essais sur le terrain qui sont nécessaires pour comprendre en détail le type d'information à transmettre et la proportion de la population qui serait prête à utiliser les outils informatiques.
Une surveillance efficace du marché est primordiale selon les auteurs, qui notent que les ressources limitées sont un obstacle fondamental. La coordination de l'UE et la coopération entre les États membres devraient être améliorées afin de maximiser les synergies des activités de surveillance. La surveillance nationale a en outre besoin de règles claires et des résultats et des stratégies précises. Les auteurs soulignent encore que pour qu'elles soient efficaces, il est nécessaire d'exiger un niveau minimum d'activités de surveillance à réaliser, et ils conseillent de pratiquer la publication obligatoire des cas non-conformes détectés.
Les résultats provisoires fournis dans le document du bureau d’étude Ecofys sont fondés sur divers éléments : Ainsi à une recherche documentaire classique s’ajoutent une consultation en ligne, diverses interviews de parties prenantes, des prises de position, deux séances de consultation publique, cinq études de cas, ainsi que des commentaires sur un certain nombre de nouveaux modèles de labels développées par le bureau de consultance. Une autre assemblée publique de consultation se tiendra le 18 février à Bruxelles à l’issue de laquelle les résultats seront révisés et publiés dans un rapport final.