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Mécanisme unique de résolution – Les eurodéputés restent fermes dans leurs positions et confirment le mandat donné aux négociateurs du Parlement européen
06-02-2014


Alors que les négociations battent leur plein sur la base de l’accord trouvé en Conseil Ecofin en décembre dernier afin de mettre en place un mécanisme unique de résolution censé compléter l’Union bancaire, le sujet était à l’ordre du jour des eurodéputés réunis en plénière le 4 février 2014. Et les parlementaires européens ont affiché leur unité contre l’idée d’un mauvais accord sur le mécanisme de résolution bancaire.

Leur principal grief reste la mise en place d’un fonds de résolution sur la base d’un accord intergouvernemental. Mais il y a d’autres pierres d’achoppement dans les discussions. Ainsi, les parlementaires sont d'avis que le fonds de résolution devrait être mutualisé dès sa création et non pas à l'issue d'une période transitoire de 10 ans comme le réclame le Conseil.  Par ailleurs, ils critiquent aussi la lourdeur de la procédure décisionnelle menant à la résolution d'une banque qu’impliquerait la position du Conseil.

4 février 2014 : un premier débat public en présence de la présidence du Conseil et de la Commission

Le vice-Premier ministre grec, Evangelos Venizelos, est venu s’en expliquer au nom du Conseil, insistant sur la nécessité qu’ont eu les Etats membres de trouver un compromis tenant compte des réserves qu’auraient risqué d’émettre certaines Cours constitutionnelles. Conscient du problème, récurrent, de l’opposition entre méthodes communautaire et intergouvernementale, le ministre grec a appelé à aller de l’avant en trouvant "une méthode conciliant les exigences de la méthode intergouvernementale tout en respectant pleinement une participation substantielle et active du Parlement européen"S’il semble à ses yeux inévitable de recourir à la méthode intergouvernementale, le ministre grec a toutefois souligné que le champ était libre pour une participation substantielle du Parlement européen dans la conception du Fonds de résolution, dans le mécanisme administratif et dans le cadre institutionnel. Il est sorti de l’hémicycle plein d’optimisme quant à l’espoir de parvenir rapidement à un compromis réaliste.

Au cours du débat, Sharon Bowles (ALDE), qui préside la commission ECON, a salué le fait que le Conseil semble “changer de ton”, mais elle l’a appelé à commencer à changer aussi de texte.

Antolin Sanchez-Presedo (S&D) , qui parlait au nom de la rapporteure, Elisa Ferreira, a insisté sur le fait que le Parlement européen ne soutiendrait pas une mauvaise solution. "Nous sommes déterminés à avoir un système unique avec un fonds unique", a-t-il souligné. La porte reste toutefois ouverte à un compromis : "il n’y a pas de raison de ne pas parvenir à un compromis s’il y a une véritable volonté politique", a-t-il lancé en plénière.

Pour Corien Wortmann-Kool (PPE), il reste clair que tout pourrait être fait dans le cadre des traités, mais elle a elle aussi laissé entrevoir une volonté de compromis en affirmant pouvoir accepter un rôle très limité à une approche intergouvernementale pour ce qui est de réglementer les versements au fonds de résolution.

Sylvie Goulard (ALDE), très critique à l’égard d’une position du Conseil qu’elle ne juge ni crédible, ni démocratique, insiste sur l’importance d’avoir des décisions rapides et efficaces, ce que ne permet pas la position du Conseil.

Sven Giegold (Verts/ALE) demande pour sa part à ce qu’on lui soumette des explications juridiques pour justifier la nécessité d’une approche intergouvernementale.

Michel Barnier tente d’ouvrir la voie d’un compromis, appelant le Parlement à faire une concession sur un accord intergouvernemental qui doit être bien limité au transfert et à la mutualisation des contributions bancaires

Pragmatique, Michel Barnier a tenté d’ouvrir la voie d’un compromis. "L'Article 114 constitue la base juridique appropriée pour la création du Fonds unique", a-t-il affirmé au nom de la Commission devant les parlementaires. Pour autant, a-t-il expliqué, "le choix politique effectué par le Conseil, de laisser les cotisations au fond de résolution prévues par la BRRD au niveau national n'est pas, selon l'analyse de notre service juridique, contraire au Traité".

Michel Barnier juge "essentiel que  le contenu de l'accord intergouvernemental soit bien limité aux éléments nécessaires pour gérer le transfert et la mutualisation des contributions bancaires".  "Tous les autres éléments - y compris la création du Fonds, sa gouvernance, ses missions, le calcul des contributions et l’emprunt entre compartiments nationaux dans la phase transitoire - doivent être fixés par le règlement adopté en procédure législative ordinaire", a précisé le commissaire. La voie médiane proposée par le commissaire est donc que le Parlement européen accepte un accord intergouvernemental limité et que, de son côté, le Conseil reconnaisse pleinement le rôle de ce Parlement en tant que co-législateur.

Désireux d’avancer, le commissaire a ensuite abordé les trois grands sujets sur lesquels Parlement et Conseil vont devoir s’entendre, à savoir le financement, la gouvernance  et la responsabilité démocratique du board.

Pour ce qui est du financement, Michel Barnier plaide pour une mutualisation des compartiments plus rapide que celle proposée par le Conseil, mais aussi pour un renforcement du financement croisé entre compartiments nationaux, de sorte que si un compartiment national se révèle insuffisant pour la résolution d'un établissement, il puisse emprunter aux autres compartiments. Le commissaire insiste aussi sur le caractère temporaire de la solution offerte par le traité intergouvernemental en le limitant à la durée de la période transitoire à l’issue de laquelle le fonds sera entièrement mutualisé. Sur la question des backstops, le commissaire suggère d’explorer l’idée de la rapporteure, Elisa Ferreira, d’une ligne de crédit en dernier ressort.

En ce qui concerne la gouvernance, Michel Barnier, soucieux, comme plusieurs eurodéputés, d’une prise de décision rapide et efficace, a insisté pour que les décisions de résolution soient "motivées par l’excellence technique et non pas par des considérations de politique nationale ou d’égo institutionnel". Il plaide donc pour que la Commission européenne soit l'institution chargée d'appuyer sur le bouton de la résolution, ainsi qu’il l’avait proposé. Si le Conseil en a décidé autrement, laissant aux Etats membres le pouvoir ultime de décision, il s’est référé au très récent arrêt de la CJUE sur la vente à découvert, l’interprétant comme une confirmation de la validité du système initialement proposé par la Commission.

6 février 2014 : nouveau débat au lendemain d’une réunion du trilogue, en l’absence de la présidence du Conseil, et avec pour résultat un vote confirmant la position du Parlement européen dans les négociations

Au lendemain de ce débat, le 5 février 2014, une nouvelle réunion du trilogue a permis d’aborder différents aspects techniques "dans un état d’esprit constructif", ainsi que l’a relaté Michel Barnier le 6 février 2014. Toutefois, le commissaire reconnaissait aussi qu’il faudrait encore beaucoup de travail pour parvenir à concilier les positions encore très éloignées du Parlement européen et du Conseil.

Le 6 février 2014, les eurodéputés ont à nouveau abordé la question en plénière. Il s’agissait de confirmer – ou non – le mandat donné aux négociateurs du Parlement européen dans les négociations avec le Conseil.

Pour rappel, le mandat de négociation du Parlement plaide pour une procédure de prise de décision allégée, permettant un sauvetage bancaire rapide, en un week-end. Il confie un rôle clé à l'organe de supervision bancaire et à l'autorité de résolution pour garantir que la fermeture d'une banque ne soit pas sujette à une paralysie politique. Il accorde également des pouvoirs supplémentaires au Conseil de résolution, au sein duquel les autorités nationales sont représentées, pour permettre un équilibre entre les responsabilités prises en charge au niveau de l'UE et celles prises dans les États membres.

Le mandat devrait aussi permettre au fonds de résolution, financé par les banques, d'accorder des prêts dès les premières années afin de garantir sa crédibilité dès le départ. Les prêts contractés seront remboursés par les banques en plus de la contribution annuelle au fonds. Selon le mandat de négociation, le fonds de résolution doit prévoir un traitement et un accès équitables des banques.

Les positions des grands groupes politiques sont restées identiques. Résultat, les eurodéputés ont voté par 441 voix pour, 141 contre et 17 abstentions pour confirmer le mandat qui a été donné aux négociateurs du Parlement européen dans les négociations avec le Conseil, c’est-à-dire sur la base de la position que le Parlement européen avait adoptée en décembre 2013, à la veille de l’accord trouvé en Conseil Ecofin.

Le président du Parlement européen a par ailleurs annoncé qu’il demanderait la tenue d’une réunion extraordinaire de l’Ecofin avant celle prévue le 17 février 2014 afin d’essayer de rapprocher les vues des deux institutions. L’enjeu est en effet de parvenir à un accord avant la fin de cette législature pour ne pas retarder encore le projet.