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Traités et Affaires institutionnelles
Après la votation du 9 février 2014, le Conseil fédéral suisse fixe les étapes pour la mise en œuvre d’un "nouveau système d’immigration" et une stratégie bilatérale vis-à-vis de l'UE et de ses Etats membres
12-02-2014


suisse-logoAprès la votation du 10 février 2014 qui s’est prononcée à une courte majorité contre "l’immigration massive" et qui oblige la Suisse à renégocier avec l’UE l’accord de libre circulation des personnes (ALCP) qui lie les deux parties, le Conseil fédéral suisse, autrement dit le gouvernement suisse, a publié le 12 février 2014 un long communiqué dans lequel il fixe les étapes pour la mise en œuvre du "nouveau système d’immigration" qu’il doit élaborer suite à ce qu’il qualifie de "oui du peuple et des cantons à un changement de système dans la politique d'immigration".

Ce plan de mise en œuvre sera élaboré d’ici le moins de juin 2014 par le Département fédéral de justice et police (DFJP) en collaboration avec le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) et le Département fédéral de l’économie, de la formation et de la recherche (DEFR). Un projet de loi suivra pour la fin de l’année.

Parallèlement, le Conseil fédéral dit qu’il "va engager sans délai des discussions exploratoires avec l’Union européenne (UE), dans la perspective d’ouvrir des négociations au sujet de l’accord sur la libre circulation des personnes (ALCP). Il s’agit aussi de clarifier la procédure concernant les négociations bilatérales en cours." Une allusion à l'extension de l’accord de libre circulation des personnes avec l'UE aux citoyens croates, rendu nécessaire par l’entrée de la Croatie dans l’UE le 1er juillet 2013, un accord paraphé, mais pas encore signé, les accords "Recherche" ou "Erasmus", conditionnés à cette extension de la libre circulation aux citoyens croates, les négociations techniques de l’accord UE/Suisse sur l’électricité, lequel prévoit l’intégration de la Suisse au marché européen de l’énergie et l’accord-cadre institutionnel, souhaité par l’UE, qui devrait incorporer l'acquis de tous les accords sectoriels déjà conclus et exiger la reprise par la Suisse de l'acquis sur le marché intérieur de l'énergie.

Cela explique que le Conseil fédéral déclare qu’il "clarifiera une à une les questions qui se posent et s'engagera pour parvenir aux meilleures solutions possibles tant sur le plan intérieur que sur le plan extérieur."

Le Conseil fédéral met en avant que "les nouvelles dispositions constitutionnelles" lui donnent trois ans "pour instaurer un nouveau système d'admission applicable à toutes les catégories d'étrangers". Le communiqué dit ensuite : "L'ALCP doit aussi être renégocié dans ce délai pour être adapté au nouveau système suisse d'immigration. D'ici là et sauf dénonciation par une des parties, l'ALCP reste en vigueur." En clair, le gouvernement suisse ne veut rien changer aux conditions actuelles d’ici trois ans, mais négocier avant toute dénonciation de l’ancien accord un nouvel accord adapté à son nouveau système. En d’autres mots : selon les Suisses, l’UE devrait s’adapter à la nouvelle situation en Suisse.

La Suisse définira d’abord "un plan de mise en œuvre pour les travaux législatifs à venir". Son gouvernement juge que "ce plan est aussi indispensable pour pouvoir ouvrir les négociations nécessaires avec l'UE." Mais avant ces négociations, il y aura "des discussions exploratoires".

Plus concrètement, "parallèlement aux travaux législatifs, le DFJP et le DFAE vont s'engager pour que le Comité mixte Suisse-UE sur la libre circulation des personnes se réunisse rapidement, afin qu'il examine la situation".

Il faut ensuite clarifier "si l'extension de la libre circulation à la Croatie doit être traitée dans le cadre d'une renégociation de l'ALCP ou si cette question doit être réglée au préalable". La question se pose en effet si la Suisse peut encore signer un accord de ce genre. Or, si cet accord n’est pas signé, les accords "Recherche" ou "Erasmus" avec la  Suisse devraient du point de vue de l’UE également ne pas devoir être signés.

En guise de "stratégie bilatérale", la Suisse prône, "afin de coordonner dans la mesure de possible, sur les plans temporel et matériel, les volets de politique intérieure et extérieure du processus de mise en œuvre", que son Département fédéral des Affaires étrangères prenne "contact sans tarder avec les institutions de l'UE et ses États membres".

Suit une phrase qui sera analysée dans les chancelleries des Etats membres et à la Commission : "Au cours des prochaines semaines et des prochains mois, les membres du gouvernement mettront également à profit leurs rencontres bilatérales avec leurs homologues européens à cet effet." Sera-ce pour expliquer la situation ou sera-ce pour aller éventuellement vers des arrangements bilatéraux avec les Etats membres, contournant la Commission qui est actuellement censée être le premier interlocuteur de la Suisse au nom de l’UE ? Un rendez-vous est en tout cas déjà prévu selon la presse suisse avec la chancelière allemande Angela Merkel au cours de la semaine du 17 au 21 février.

La suite et fin du communiqué ne tranche guère la question, mais laisse encore plus de marges aux interprétations : "Ces contacts et les discussions exploratoires prévues doivent permettre non seulement de tenir l'UE et ses États membres informés des travaux en cours en Suisse, mais aussi de clarifier les intérêts respectifs de chaque partie en vue de l'ouverture de nouvelles négociations." Chaque partie, est-ce l’UE, représentée par la Commission, et la Suisse, ou les Etats membres de l’UE, pris un à un, et la Suisse, ou un mélange des deux qui dérogerait à la méthode communautaire, ou s’agit-il simplement d’informer toutes les parties de l’UE, institutions et Etats membres, de la perception qu’a la Suisse de "ses intérêts économiques globaux" dont elle doit dorénavant faire dépendre sa politique d’immigration  ?