Un Conseil JAI s’est tenu les 3 et 4 mars 2014 à Bruxelles.
La première journée du Conseil JAI a réuni les ministres de l'Intérieur des États membres de l’UE.
Les ministres ont eu un débat d'orientation sur la fusion de l'agence de coopération policière en Europe - Europol - avec le collège de police - CEPOL. A l’instar du Parlement européen, qui a refusé cette fusion le 26 février 2014, le Conseil a lui aussi rejeté définitivement cette proposition de fusion. Le Vice-Premier ministre et ministre de la Sécurité intérieure luxembourgeois, Étienne Schneider, s'est dit convaincu qu'une révision du CEPOL était devenue nécessaire afin de mettre ses missions en adéquation avec les ambitions de l'UE en termes de formation des services répressifs. Selon le ministre Schneider, cette révision du CEPOL doit nécessairement passer par une phase d'analyse approfondie, réfléchie et concertée quant au rôle de l'agence, mais également quant aux moyens humains et financiers à mettre à disposition de l'agence. Enfin, en ce qui concerne l'instrument juridique, le Luxembourg privilégie l'établissement d'une proposition législative séparée, qui amenderait ou remplacerait le règlement actuel de CEPOL. Il était ici en ligne avec les autres ministres de l'Intérieur des pays de l'UE qui ont demandé à la Commission européenne de revenir vers eux avec une nouvelle proposition législative spécifiquement consacrée au collège de police et à ses nouvelles prérogatives.
Les ministres ont par ailleurs confirmé les nouvelles exigences posées à Europol, notamment en matière de données personnelles et de relations avec les pays tiers. Europol ne sera ainsi plus habilité à négocier de manière autonome des partenariats avec des pays tiers, mais devra disposer d'un mandat du Conseil au préalable. Un accord sur une approche générale sur ce dossier est souhaité pour juin. Les trilogues (Conseil, Parlement et Commission) commenceront sous présidence italienne, à partir du 1er juillet 2014.
La deuxième journée du Conseil JAI a réuni les ministres européens de la Justice. Le Luxembourg était représenté par son ministre de la Justice, Félix Braz.
Lors du débat d’orientation sur le règlement sur la protection des données, qui a été jugé de "relativement consensuel" par la presse parce que des sujets qui fâchent comme le « guichet unique » en ont été exclus, Félix Braz a rappelé que le Parlement européen était prêt dans ce dossier – il va adopter sa position le 12 mars 2014 - et qu’il incombait désormais au Conseil de prendre des décisions après avoir analysé en profondeur le texte proposé. Le ministre a exprimé l’espoir de voir dès lors ce dossier progresser de manière significative. Il a exprimé son soutien au concept de champ d’application territorial. Il a estimé que les modalités permettant des transferts de données internationaux soient soumises à des garanties suffisantes aptes à protéger les intérêts des citoyens, chose en quoi il était soutenu par une large majorité d’États membres. Entre autres, toutes les entreprises, même basées dans les pays tiers, devront respecter les règles européennes quand elles fourniront des services aux Européens. Ce sont avant tout le Royaume Uni et les Pays-Bas qui sont restés sceptiques sur ce point, les deux pays ne voyant pas comment l'UE pourrait obliger des entreprises de pays tiers à respecter des règles européennes, n’arrivant même pas encore à le faire chez soi. Il s’agit en fait de remettre sur le métier les principes de Safe Harbour qui doivent être revus et renforcés de concert notamment avec les autorités américaines. La question de la "pseudonymisation", une technique qui consiste à exclure un maximum d'identifiants renvoyant personnellement à un individu, mais à se servir de ses données par exemple pour la recherche sur des maladies, et celle du profilage automatique des citoyens, qui ne devrait être autorisé sans intervention humaine que dans des cas très spécifiques, continuent aussi à faire problème.
Le parquet européen était un autre sujet à l’ordre du jour. Tout en rappelant son soutien à la proposition de la Commission européenne, Félix Braz s’est félicité que la structure à deux niveaux, avec un niveau central et un niveau décentralisé avec des procureurs délégués, semble être acceptée par les différents États membres. Le Luxembourg plaide pour un niveau central auquel serait adjoint un organe de type collégial, à condition toutefois que l’indépendance, la plus-value et l’efficacité du Parquet européen soient préservés. Le Luxembourg milite par ailleurs pour un système où le parquet garde une compétence primaire pour toutes les infractions en relation avec la protection des intérêts financiers (PIF) de l’UE, tandis que l’exercice de cette compétence serait généralement délégué aux autorités nationales pour ce qui est des infractions mineures.
Les ministres ont aussi discuté de la proposition de règlement visant à favoriser la libre circulation des citoyens et des entreprises en simplifiant l’acceptation de certains documents publics dans l’UE qui a été adoptée par le Parlement européen le 4 février 2014. Son objectif est de dispenser de toute forme de légalisation et de formalités similaires (apostille) certains documents publics, dont notamment certains actes de l’état civil, circulant à l’intérieur de l’Union. Selon Félix Braz, la proposition facilitera la libre-circulation en apportant une réelle plus-value pratique au citoyen de l’Union européenne par une réduction des formalités administratives et une simplification des procédures, lorsqu’il doit présenter un document public étranger lors d’une démarche administrative. La situation telle qu’elle se présente aux citoyens à l’heure actuelle, où les documents publics sont entachés d’une « présomption de non-authenticité » s’ils ne contiennent pas d’apostille ou de légalisation, n’est pas convenable dans un espace judiciaire européen. Un système d’échange dématérialisé et sécurisé de documents publics entre administrations permettrait de réduire les démarches administratives des citoyens tout en garantissant l’intégrité des données transférées, évitant ainsi des cas de fraude documentaire.
Les ministres de la Justice ont eu une première lecture de la proposition de directive relative à la mise en place de garanties procédurales en faveur des enfants soupçonnés ou poursuivis dans le cadre de procédures pénales. Les principales caractéristiques de cette directive concernent notamment la présence obligatoire d’un avocat, l’enregistrement des interrogatoires, un examen médical, des évaluations psychologiques, et des mesures alternatives à la privation de liberté pour le groupe cible visé.
Les ministres ont également entendu les rapports de la Présidence sur l'état des négociations sur l’ordonnance européenne de saisie conservatoire des comptes bancaires et la révision du règlement "insolvabilité".
Au titre des dossiers non-législatifs, la Commission a fait une présentation orale sur le développement futur du domaine JAI, une présentation orale du Tableau de bord Justice 2014 ainsi qu'une présentation sur la mise en œuvre de la Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées.