Le ministre des Finances, Pierre Gramegna, a présenté le 5 mars 2014 le budget de l’Etat à la Chambre des députés, un budget qui porte selon lui "la marque de l’UE", et qui, vu les économies réalisées, est un budget "responsable".
Le ministre a mis en garde contre toute tentation de négliger l’assainissement des finances publiques sous prétexte que la situation économique s’améliore. Le rééquilibrage budgétaire est un point central de la politique du nouveau gouvernement, qui défend l’idée que c’est lorsque l’activité économique a repris qu’il est temps de faire des économies sans freiner pour autant l’économie du pays.
En gros, les clignotants sont passés au vert dans l’économie mondiale, y compris l’UE et la zone euro, estime Pierre Gramegna, qui se base sur les chiffres de la Commission qui estime de son côté que cette reprise est encore limitée et ne s’est pas généralisée sur tous les Etats de la zone euro. La hausse des bourses exprime la confiance des marchés, les taux d’intérêt sont bas et la hausse des taux directeurs de 2,9 à 3,2 % montre que le risque de déflation n’est pas surévalué par les marchés.
Dans ce contexte, le Luxembourg, dont le PIB a stagné pendant cinq ans, a retrouvé son niveau de prospérité d’avant la crise. La croissance réelle a été de 2,2 % en 2013, et pourrait être de 3,2 % en 2014, un point de pourcent de plus que ce prévoit la Commission, qui recourt selon le ministre "traditionnellement à un modèle de calcul plus pessimiste". L’emploi a crû de 1,7 % et représente 390 000 emplois. Que le chômage ait cependant augmenté de 6,9 % en 2013 à 7,3 % en 2014 "met en évidence le paradoxe luxembourgeois". L’inflation a quant à elle reculé, passant de 1,7 % en 2013 à 1,5 % en 2014.
Un des objectifs de Pierre Gramegna en tant que ministre des Finances est que le Luxembourg "respecte de manière impeccable les critères de stabilité". Ce sera d’autant plus nécessaire que le prochain exercice budgétaire de 2015 sera marqué "par l’écroulement des revenus de TVA provenant du commerce électronique". Ces pertes sont évaluées entre 0,6 et 1,1 milliard d’euros ou entre 4,9 et 9,1 % des recettes de l’Etat. Par ailleurs, il n’est pas encore clair si les sociétés actives dans l’e-commerce et installées au Luxembourg continueront de recourir au guichet unique luxembourgeois. Si elles devaient le faire, un tiers au maximum des recettes TVA pourraient être préservées. C’est pourquoi le budget de l’Etat luxembourgeois de 2014 a été selon le ministre "placé sous le signe de l’Europe et de la responsabilité"".
Dans son intervention, le ministre Gramegna a rappelé le train de mesures adopté dans la zone euro pour faire front à la crise, dont le Pacte de stabilité et de croissance ou traité budgétaire ou TSCG qui sera transposé dans la législation nationale par une loi dite "Fiscal Compact" qui est prête et sera déposée à la Chambre des députés dans les prochains jours. Ces mesures, tout comme "le triptyque de l’Union bancaire ont permis le retour de la tranquillité et de la confiance dans la zone euro", estime Pierre Gramegna, pour qui le respect des critères européens est donc central. A politique inchangée, le Luxembourg courrait le risque de ne pas atteindre ses objectifs à moyen terme, notamment à cause du déficit de l‘Administration centrale.
Partant de là, le budget 2014 pratiquera des économies de 230 millions d’euros qui permettront au Luxembourg, avec un excédent nominal budgétaire cumulé de l’Administration centrale, des communes et de la sécurité sociale de 0,2 % du PIB d’atteindre son objectif à moyen terme selon les critères de l’UE. Le fait que les recettes dépassent les dépenses ne veut cependant pas dire pour le ministre des Finances que "tout baigne", car les dépenses de l’Administration centrale restent trop élevées, et ce malgré les économies réalisées et une croissance des dépenses de l’Etat de 3,5 % le taux le plus bas depuis 2007, car il y aura l’écroulement des recettes de la TVA à partir de 2015, de sorte qu’il faudra combler un trou budgétaire croissant. Pour 2014, le déficit de l’Administration centrale sera de 545,1 millions, 181 millions d’euros de moins qu’en 2013, alors que la sécurité sociale, dont les fonds servent à payer l’assurance sociale et les pensions, est excédentaire - mais ces excédents sont en train de fondre, ce qui selon Pierre Gramegna est le grand problème structurel à venir - et que les communes sont en équilibre.
Le paquet des économies budgétaires a dû être pratiqué "à législation constante" et concerne d’abord les frais de fonctionnement de l’Etat et les investissements, parce qu’il s’agit de domaines où des économies à court terme étaient possibles. Les frais de fonctionnement représentent 7,1 % du budget, les investissements 10,9 %. Les investissements directs ont été réduits de 86,5 millions, et les investissements indirects de 50,7 millions, ce qui représente une économie de 137,2 millions d’euros.
L’Etat investira toujours 1,618 milliards d’euros en 2014, une moyenne qui reste élevée par rapport aux autres pays.
Les frais de fonctionnement de l’Etat seront réduits de 50 millions sur une somme de 589 millions d'euros. Ont été exceptés de cette mesure le financement de la Présidence du Conseil de l’UE du deuxième semestre 2015 et les frais de promotion de la place financière. De même, les frais en TIC qui constituent un investissement prioritaire dans le futur et plus d’efficacité ont été exclus des mesures d’économie et bénéficieront de 80 millions d’euros de crédits. 9 millions d’euros ont pu être économisés par ailleurs sur la réduction des recrutements auprès de l’Etat. Finalement, un nouveau régime de subventionnement des études universitaires devrait permettre d’emblée des économies de l’ordre de 35 millions.
En tout, 231,2 millions ont pu être économisés, ce qui conduira à une croissance des dépenses de 3,5 % du PIB, alors que la norme européenne à ne pas dépasser est de 3,8 %. Et Pierre Gramegna de préciser que le projet de budget du 5 mars 2014 a été immédiatement communiqué à la Commission européenne.
Les recettes quant à elles augmenteront de 5,1 % par rapport à 2013. Les impôts augmenteront de 6,7 %, la TVA de 10,4 %. La taxe d’abonnement passera de 630 à 730 millions d’euros, un signe que le secteur des fonds d’investissement est en bonne santé. Les accises et droits de douane par contre stagnent depuis 2012.
L’Etat contractera jusqu’à 500 millions d’euros de nouvelles dettes, d’abord pour satisfaire à ses obligations internationales et dans la zone euro, donc pour alimenter le Mécanisme européen de stabilité (MES) et le Fonds monétaire international (FMI). La dette publique passera de 10,5 à 11,3 milliards, 23 % du PIB, un ratio qui restera stable. Le gouvernement a pour objectif de maintenir la dette publique en-dessous de 30 % du PIB. Il s’agit pour Pierre Gramegna de préserver par ce biais le triple A du Luxembourg et la confiance des marchés, et ce malgré les difficultés qui s’annoncent pour 2015.