Le 11 mars 2014, le Parlement européen a adopté, par 643 voix pour, 30 contre et 12 abstentions, sa position en première lecture sur un projet de directive relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme. Les eurodéputés ont également adopté, par 627 voix pour, 33 contre et 18 abstentions, un règlement sur les informations accompagnant les virements de fonds. "Aujourd'hui est un jour heureux pour les citoyens soucieux du respect de la loi et un jour noir pour les criminels", a ajouté le rapporteur de la commission des affaires économiques et monétaires, Krišjānis Kariņš (PPE, LV), comme le rapporte le communiqué de presse du Parlement européen.
En présentant ces deux textes le 5 février 2013, la Commission européenne soulignait la nécessité d'adapter le cadre réglementaire à l'évolution continuelle des périls liés au blanchiment de capitaux et au financement du terrorisme, la situation étant "d’autant plus changeante que la technologie et les moyens à la disposition des criminels évoluent constamment", comme on le lit dans la proposition de directive.
Succédant à la 3e directive anti-blanchiment, entrée en vigueur en 2005, cette directive contraint les Etats membres à lister dans un registre central public les bénéficiaires effectifs d’entités juridiques telles que les sociétés, les fondations et les trusts. Il est prévu que le registre comporte les informations minimales permettant d'identifier sans ambiguïté la société et son bénéficiaire effectif. Ainsi, devraient être renseignées:
Ces registres nationaux seraient interconnectés et "à la disposition du public après avoir, au préalable, identifié la personne souhaitant accéder aux informations via un enregistrement en ligne", comme le précisent les députés. Le Parlement a toutefois introduit des dispositions pour protéger la vie privée et s'assurer que seules les informations minimum nécessaires soient présentées dans le registre.
La directive adoptée par les eurodéputés introduit "une approche basée sur les risques", comme le souligne le communiqué de presse. Selon ce principe, il existerait des circonstances dans lesquelles des mesures renforcées de vigilance devraient être appliquées et d’autres dans lesquelles des mesures simplifiées pourraient convenir. Les risques seraient par exemple considérés comme moins élevés quand le client est une société cotée sur un marché boursier et soumise à des obligations d’information, une administration ou entreprise publique. Ils sont également moins élevés quand les produits faisant l'objet de la transaction sont, par exemple, des contrats d’assurance vie dont la prime est faible. La nouvelle directive prévoit aussi d’abandonner "l’application d’exemptions par situation".
D’autre part, il est demandé un effort de prévention accru à tous les professionnels. Selon les règles proposées, les banques, établissements financiers, auditeurs, avocats, comptables, conseillers fiscaux, agents immobiliers, mais aussi les casinos, sont tenus d'être plus vigilants à l'égard des transactions suspectes de leur clientèle. Les autres jeux de hasard, dont ceux en ligne, entrent désormais, comme les casinos, dans le champ de la directive. Toutefois, les Etats membres auront la possibilité d’exclure de ce champ ces jeux « qui présentent peu de risques », selon le communiqué de presse du Parlement européen.
Cette vigilance accrue passe également par le renforcement des dispositions relatives aux "personnes exposées politiquement". Les dispositions existantes concernant ces personnes exposées à un risque de corruption plus élevé du fait de leur position politique, sont étendues aux "personnes politiquement exposées nationales", qui sont ou ont été chargées de fonctions publiques importantes par l'Etat membre, que ce soit celles de chefs d'Etat, membres du gouvernement, juges à la Cour suprême ou parlementaires. En cas de risques élevés de relations commerciales avec ces personnes, des mesures supplémentaires peuvent être mises en place, par exemple pour établir l'origine des revenus et des financements concernés.
Le Parlement a également adopté un règlement sur les transferts de fonds visant à améliorer la traçabilité des payeurs, des bénéficiaires et de leurs actifs, en raison de "la menace potentielle de financement du terrorisme associée aux virements anonymes". Par exemple, lorsque le virement de fonds n'est pas effectué à partir d'un compte, le prestataire de services de paiement du donneur d'ordre devrait vérifier au moins le nom du donneur d'ordre pour les virements d'un montant inférieur ou égal à 1 000 euros et devrait vérifier les informations complètes concernant le donneur d'ordre et le bénéficiaire, lorsque la transaction est effectuée en plusieurs opérations qui se révèlent liées ou que son montant dépasse 1 000 euros.
A noter que l’eurodéputé luxembourgeois, Frank Engel (PPE) est intervenu en plénière pour constater que, dans l’UE, il existe désormais un consensus sur la nécessité de combattre le blanchiment d’argent mais que le problème ne se situe pas dans l’UE, mais en l’occurrence dans les juridictions dites off-shore, au sujet desquelles l’UE devrait intervenir auprès des territoires dont elles dépendent, notamment la Grande-Bretagne, la France et les Etats-Unis.